PLUME DE POÉSIES
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 Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Satyre

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MessageSujet: Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Satyre   Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Satyre Icon_minitimeLun 15 Aoû - 17:03

SATYRE



Que de l' infect limon d' un bourbeux populaire
Sur les flateurs cerceaux d' un zephire prospere
Les aveugles destins aucuns guindent aux cieux:


Et que d' autres (desja les commenssaux des dieux)
Ils facent insolens tresbucher aux abismes:
Cela n' est pas nouveau, les honneurs plus sublimes
Plus durables ne sont, et les foudres legers
Pardonnent moins aux tours qu' aux taudis des bergers.
Ces sourcilleux rochers qui leurs cimes pointuës
Portent dedans le sein des vagabondes nuës
Seroient bien tost brisez et broyez à morceaux
Au choc impetueux des mugissantes eaux
S' ils ne s' eslargissoient bien avant sous les ondes,
Et les chesnes branchus si n' en estoient profondes
Les racines en terre: un tourbillon de vent
Les feroit mesurer la poussiere souvent.
Il faut pour un grand faix une espaule puissante,
Aussi considerant fortune estre glissante,
Qu' il n' est rien de constant sous la voûte des cieux,
Que l' estat mediocre, et que l' ambitieux
Ces ampoules ressemble aux ruisseaux eslevees
Qui grossissent tousjours tant qu' elles soient crevees:

Je borne mes desseins, et mes contens esprits
De soings extravagans sont rarement surpris,
L' homicide tizon de la blafarde envie
Ne me brusle le coeur, et je meine une vie
Franche, ouverte, tranquille, exempte des malheurs
Qui sont comme attachez aux coulantes grandeurs.
Amadoüer les grands, leur conter des merveilles,
Servir aux rois d' echo, d' ombre, de pent-oreilles,
Ce seroit me gehenner, bailler les osselets
Et mes membres tirer dessus les chevalets
De Demades l' impie, ô thraistres amphibenes,
Enigmatiques sphinx, frauduleuses hyenes,
Flateurs, que vous causez de dommages à nos rois!
Non plus veux-je toucher à la visqueuse poix
Des deniers de l' empire, et pour telle richesse
Ma bourse ne sera mise jamais en presse,
Ces drogues font vomir, et mains fermes esprits
En ont souvent rendu plus qu' ils n' en avoient pris.
De reformer aussi l' eglise toute belle
Ce seroit en plain jour allumer la chandelle,
L' eglise n' erre point, et si l' eglise erroit
D' erreur le sainct esprit accuser l' on pourroit
Car c' est par luy qu' elle est incessamment regie:
Trop bien souhaiteroy-je une candide vie
Aux enfers de Levi, qui font veu solemnel
De servir humblement le grand dieu eternel,
Prestres combien vos mains doivent estre sans crime
Qui touchent tous les jours l' incruenté victime,
Ce qui n' est au mondain qu' un peché veniel
Vous est un sacrilege, un ange dans le ciel
En office n' est pas tant qu' un prestre en la terre,
Aussi ne faut-il pas que le monde l' enserre,
Que la chair le pourrisse, et qu' il traine ses fers
Esclave sous le joug du tiran des enfers.
Mais il est aujourd' huy tant de judas au monde
Qui vendent le sang juste, avarice profonde!

Disciples de Simon, bigames imprudens,
Damnables mesnagers qui se vont marchandant
Des estats de l' eglise, eglise qui soubs-aage
Ne laisse pas long-temps ses formens en pillage
À ces sangliers en rût, ô sacrileges loups!
L' espouse se sçaura bien s' en plaindre à son espoux,
Ses thresors sont sacrez, c' est de l' aigle la plume,
Qui sans se consumer toutes autres consume.
Nous sommes le troupeau, vous estes les pasteurs,
Nous l' eglise pupile et vous ses curateurs
Comptables devant Dieu de vostre diligence,
Car outre les habits et frugalle despence,
(enfans de Giezi) vous ne possedez rien,
Qui n' appartienne au pauvre: aquoy donc tant de bien,
Tant de train, tant d' éclat, de brancars, de carrosses,
Tant d' oyseaux, tant de chiens, de mittres, et de crosses,
Lasche poligamie! ô temps, ô moeurs, ô rois,
Que servent en vos mains la justice et les loix?

La justice et les loix, helas! Et où sont-elles?
Se pourroit-il trouver encor des estincelles
De l' antique justice, alors que le bon droit
D' un prolixe babil jamais ne dépendoit,
Que l' innocent n' avoit de plus certains refuges
Que le giron des loix, et le sein de ses juges,
Juges qui lors rendoient la justice gratis,
Qui favorisoient moins les grands que les petits,
Amis jusqu' a l' autel, inflexibles aux larmes
Qu' une garce respand de ses yeux pleins de charmes,
Qu' avarice jamais n' empestra dans sa glus.
Bien loin de ressembler ces juges dissolus,
Qui par or, par presens, par faveur ou par crainte
Corrompent (corrompus) une vierge si saincte.
Justice l' oeil du monde et l' organe des loix,
La baze de l' estat, le bras d' extre des rois,
Fille aisnee de Dieu, sans laquelle les hommes
Vivroient brutallement en la terre ou nous sommes,
Nourrice de la paix, donc l' image doré
Des injustes volleurs est mesme reveré,
Voire l' enfer qui n' est qu' un ordonné desordre
Sans justice verroit desordonner son ordre.

Et vous la bannissez hommes vrayment du temps,
Vous vendez ceste nimphe à beaux deniers contans
Vous mettez a l' encan le droit et la justice,
Et par la porte d' or vous renvoyez le vice
À vostre quousque: sysamnes deguisez,
Ne rencontrerez-vous jamais de cambisez?
Arrabes arrabins, Alexandre severe
Vous peut-il regarder sans se mettre en collere?
Que t' ont servy Hercul' les forces de tes bras
Que tu n' as dechassé tels monstres d' icy bas?

Magistrats, magistrats, importune vermine,
Qui ronge paille et blé, goziers crians famine,
Perroquets de barreau, pilate inhumains,
Qui condamnent le juste et s' en lavent les mains,
Avares vendangeurs dont le pressoir degoute
Le sang des innocens a la derniere goutte,
Tremblez juges tremblez, un grand juge est là haut
Au tribunal auquel rendre conte il vous faut
De vos concussions, de vos cheres espices,
C' est un linx penetrant le mur de vos malices,
Un vigilant argus qui dans vos parlemens
Espie vos conseils: sonde vos jugemens,
Transcrit vos plaidoyers, minute vos sentences,
Calcule vos despens, marque vos diligences
Et prend acte de tout: au reste, un juge droit,
Equitable, severe, et que l' on ne sçauroit
Piper par le babil qu' un advocat regrate
Ou du latin de Tulle, ou du grec d' Isocrate,
Les souplesses de l' art, eschapades, destroicts,
Subterfuges, delais, respits, et passe-droicts
Ny serviront de rien: vous serez sans refuge,
Dieu sera le tesmoin, la partie, et le juge,
Là, jugez sans appel et en dernier ressort
On vous lira tout haut la sentence de mort?

Condamnez à souffrir à tout jamais les peines,
Les feux, les fers, les foüets, et les penibles gehennes
De ceux que vous aurez jugez iniquement:
Et au prince d' enfer exprez commandement
D' executer l' arrest, et d' horribles tempestes
Fondre ces chastimens sur vos coulpables testes,
Lors couleront en vain les larmes de vos yeux
Pour fléchir à pitié le grand prevost des cieux.
Que cét escrit pourtant de l' ennuy ne vous donne,
Car je n' en veux qu' au vice, et non à la personne,
Ces vers ont de la pointe, et peut estre feront
Venir quelque prurit à ceux qui les prendront
D' une mauvaise main: mais toute ame bien nee
Qui aura de Clio la mammelle emmannee
Succé dés le berceau, sçait bien comme les soeurs
Nous tourmentent l' esprit de leurs doctes fureurs
Et comme le poëte en sa verve eschauffee,
Ne retient aisément sa fougueuse bouffee,
Joinct que j' atteste ici les grands dieux immortels
Que je n' entend heurter contre vos saincts autels.

Mais, vendre la justice est un grand sacrilege,
Ouy monarque, je dy, (l' escriture est mon pleige)
Que c' est vendre son dieu, voici mon argument:
Tout ce qui est en Dieu est Dieu pareillement,
La justice est en Dieu, justice est donc Dieu mesme,
Et qui justice vend, il vend son dieu supréme.
Si doncques vous laissez ce prodige vivant,
Vos sceptres enrichis des thresors du levant,
Vos palmes, vos lauriers, vos fortunes sublimes,
Vos orgueilleux chasteaux, dont les luisantes cimes
Portent leurs plaques d' or dedans l' azur des cieux,
Ne vous sauverons pas que le grand dieu des dieux,
Le monarque des rois et le roy des monarques
N' imprime sur vos fronts les redoutables marques
De ses verges de fer, et n' en face sentir
À vos esprits là bas un cuisant repentir,
Plustost qu' en déplorer les rigueurs déplorables
Honorer j' aime mieux vos grandeurs honorables,
Mais pour vostre respect je diray seulement
Que les puissans seront tourmentez puissamment.
Il est vray, du grand dieu la dextre vengeresse
Trouve bien les tyrans au milieu de la presse
De leurs peuples armez, tous ces nombreux scadrons
De soldats aguerris sont trop minces plastrons
Pour parer à ses coups, voire leur ame immonde
Commence bien souvent son enfer dés le monde.
Ce roy des orgueilleux, ce monstre assirien
Jadis à son malheur l' experimenta bien
Quand à ventre rampant brutal il paissoit l' herbe:
Quel dieu s' egale à moy (disoit ce chef superbe
En sa prosperité) soit que l' alme Apollon
Astelle ses coursiers sur le gemmeux sablon
De l' Inde et de l' Euphrâte, où qu' à midy desserre
Ses rayons de droit fil sur les flancs de la terre,
Ou soit que vers le soir sa course finissant
Il plonge aux eaux d' Athlas son chef d' or jaunissant
Afin d' illuminer l' autre moitié du monde
Des fecondes clartez de sa perruque blonde:
Bref, je ne pense pas que ce grand oeil des cieux
Roüant tout le pourpris de ce rond spacieux,
Et furetant les coings de la terre habitable
Trouve jamais grandeur à la mienne semblable,
L' univers n' eût jamais de prince, ni de roy
Qu' on puisse avec raison parangonner à moy,
Combien de puissans rois subjuguez par mes armes
Implorent ma mercy les yeux baignez de larmes,
Et pour mieux adoucir l' aigreur de mon couroux
Viennent-ils m' adorer et baiser les genoux?

Quelle province encor ne tremble espouvantee
Au formidable bruit de ma gloire indomptee?
Quels rois n' ay-je contraints me demander la paix?
Quels champs n' ont point encor gemy dessous le faix
De mes forts bataillons, et quels peuples estranges
N' ont encor entendu celebrer mes loüanges?
Qui m' a veu retourner de mes exploicts guerriers
Que le col tout chargé d' honorables lauriers,
Qui plus prodiguement recognoit les fidelles,
Qui plus cruellement sçait punir les rebelles?
Quel fleuve à l' orient n' a veu grossir les eaux
Du sang de mes mutins, et rougir ses cristaux?
Je ne veux pour tesmoins de ma force sublime
Que les champs d' Idumee et les murs de Solime,
Quand à Sedechias (vassal audacieux)
Malgré le dieu d' Isaac je fis crever les yeux
Apres qu' il vid sa race à ses pieds massacree
Et des esclaves juifs ma couronne adoree.
Ainsi ce rodomont s' estimant immortel
Contoit poüilles au sort, crachoit contre le ciel,
Lors que Dieu pour vanger ses grandeurs offencees
Le rendit compagnon des bestes insensees,
Se souviennent les roys qu' en terre ils tiennent lieu
Des vigilans pasteurs sur le peuple de Dieu,


Que l' intendant du ciel leurs exploicts et leurs gestes
Un jour controllera, ouy grands princes vous estes
Créez pour vos vassaux, vos vassaux ne sont pas
Exprez crées pour vous (bien qu' ils doivent tout bas
Adorer vos grandeurs, comme medailles sainctes
Où sont de l' eternel les majestez empreintes)
Ils vous doivent l' honneur, vous leur devez l' amour,
Les yeux ne sont pas faits pour le plaisir du jour,
Mais le jour pour les yeux le peuple fait les princes,
Non les princes le peuple: il se voit des provinces
Qui subsistent sans rois, mais un roy sans sujects
N' est plus roy que de nom, de tresfles, et deschets.
Les royautez ne sont qu' honnestes servitudes,
Plus le royaume est grand, plus de solicitudes
Troublent l' esprit de ceux qui le vont gouvernant,
Helas! Si l' on sçavoit le peril éminent
Et combien de malheurs accompagnent le sceptre,
Tant s' en faut qu' on voulut le branler dans sa dextre
Les pieds le fouleroient, et tant de phaëtons
Du desir de regner ne seroient si gloutons.
Invincible Louys dont la gloire animee
Des rois tes devanciers ternit la renommee,
Combien as tu desja aux sanglans jeux de Mars
(vainqueur bouleversant les rebelles remparts)
Esprouvé les dangers que traine une couronne,
Cent fois en a fremy l' impiteuse Bellonne,
Et France qui t' a veu si jeune bataillant
Se souhaitoit alors un prince moins vaillant


Tant elle avoit de peur que l' orgueilleuse parque
Triomphast des lauriers d' un si brave monarque,
Et qu' un si beau soleil par un traistre accident
Sans passer au midy courut à l' occident,
Mais voulez-vous grand roy que vostre empire dure
Jusqu' à l' eternité que le destin endure
Souslever jusqu' au ciel vos royalles grandeurs,
Que le ciel seulement en ses vastes rondeurs
Vos conquestes mesure et qu' une paix profonde
Ramenant l' aage d' or rajeunisse le monde,
Le voulez-vous grand roy? Faites premierement
Le service divin observer sainctement,
Que justice par tout sans lucre administree
Nous revoque des cieux sa soeur la belle Astree,
Car si vous desirez regner en seureté
Il faut que ces deux soeurs soient à vostre costé,
Et se baisent tousjours en vos estats suprémes.
Ce sont les arcs-boutans, les plintes, les cindesmes,
Et les deux grands pilliers qui portent tout le faix
Du bastiment royal, les anches de la paix,
Vos deux yeux, vos deux bras, vos deux fermes colomnes,
Et les deux beaux brillans de vos riches couronnes.
Demandez je vous prie aux preux atheniens,
À ces braves romains, aux forts laconiens,
Qui leur à plus servi, où la tranchante espee
Du grand Themistoclez, d' un orgueilleux Pompee,
D' un furieux Silla, d' un vaillant Lisander:
Ou les loix de Solon, du bon Periander,


De Draco, de Licurge et de Numa Pompille:
Le romain vous dira que sa superbe ville,
Seroit la reine encor de toutes nations,
Si jamais l' estranger de ses corruptions,
Ne l' eust envenimee, alteré sa justice
Et ses portes ouverte à l' escadre du vice.
Athenes vous dira qu' elle verroit encor
Ses theatres fameux, ses grands collosses d' or,
Et ses champs hibleens par tous les coins du monde,
Porter le docte miel de la grecque faconde
Si son areopage esteignant son flambeau,
Ne l' eust ensevelie en un mesme tombeau.
Sparte la belliqueuse esclatteroit encores
Si elle eust tousjours creu le conseil des ephores,
Le sceptre d' Israël jadis si florissant,
L' espouventail des rois, l' amour du tout puissant,
Le petit oeil du ciel, le nombril de la terre,
Que Dieu mesme autresfois conduisoit à la guerre,
Heureux quand un David, un sage Salomon,
Un juste Jozias, gouvernoient le timon
De sa nef fortunee, et quand ces deux pucelles
Justice, et pieté, ces germaines jumelles,
Ces tindarides feux luysoient sur son vaisseau
Et fendoyent devant luy les enfleures de l' eau.
L' indiscret n' eust si tost ces vierges mesprisees,
Qu' il a servy de butte et de blanc aux risees
Des peuples ses voisins: et bien (ce disoient-ils)
L' invincible vainqueur est vaincu des gentils?


Cét Isaac ce Jacob qui faisoit tant du brave
A rencontré son maistre, et se voidore esclave,
Tributaire vassal, sous-mis au joug des loix
De ceux qui adoroyent sa grandeur autrefois.
En fin, l' on ne doit croire a quelques phrenetiques
Qui la subversion des grandes republiques
Osent attribuer aux revolutions
Des orbes principaux, ce sont les fixions
D' un esprit demanché qui donne à la nature
Un absolu pouvoir sur toute creature
Pour moy je ne croy point que tant qu' un roy craindra
Le roy de l' univers que son peuple tiendra,
Le sentier jà battu par ses illustres peres,
Qu' il ne dispersera ses faveurs debonnaires
Qu' aux cervelles de choix, et que ses tribunaux
Ne seront occupez par des juges venaux,
Je ne croy (dis-je) point que son sceptre perisse
N' y que le temps jamais la gloire en abolisse.
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Jean Auvray (ca. 1580-ca. 1630) Satyre
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