Stèle aux mots
Les hommes, fleuve, un seul tous les énonce, flot.
Un seul, dans sa mémoire enceinte de silence,
entend assermenter. Vitraux... gémir... balance...
tant de mots, tant de mois qu'il borne et qu'il éclôt.
Le temps vide les mots de leur gomme nacrée
pour qu'elle écrive ailleurs des infinis finis.
Mais les carricks du verbe et ses cobalts vernis
me restent, cavaliers dans la lutte sacrée.
Tout de suite dressez le sonore menhir,
quand même il s'ajustait au profond de la tombe!
Grains de la langue, qui, pourtant, par vous, succombe,
vous consentez l'épi, l'azurable avenir.
De vous je sème ici la terre qui prélude,
impurs et purs marchands de l'espace éternel,
même quand le buisson du monstre personnel
arme et menace, de désirs, la solitude.
Il faut, puisque la terre objurgue, soeur du Loir,
sur des bourgeonnements de mots gros de réponse,
ignorant si le blé fleurit si je l'enfonce,
bâtir l'extase avec le péril de vouloir.
Votons-leur du silex la nature compacte.
Eux dormir, eux durcir, sous Platon, sous César,
pour des soleils demain, d'autres sommeils plus tard.
Jusque-là, le plus grand, donc Dieu, qu'il se contracte.
Mais le suc de ce Mot gagne de toute part.[...]