Baïf, si tu veux savoir
Quel avoir
Pourrait bienheureux te rendre
En ce douteux vivre-ci,
Ois ceci,
Et tu le pourras apprendre :
Ô chétif, cet heur hélas,
Tu n’as pas !
Hé, ta fortune est trop dure !
Mais ce qu’on ne peut changer
Est léger
Si constamment on l’endure.
Un bien tout acquis trouver,
N’éprouver
Pour l’avoir aucune peine :
Un champ ne trompant ton vœu ;
D’un bon feu,
Ta maison toujours sereine.
N’avoir que faire au Palais,
Ni aux plaids :
Loin de cour : l’esprit tranquille ;
Les membres gaillards et forts,
En un corps
Bien sain, dispos et agile.
Caute simplesse entre gens
Se rangeant
Sous une amitié sortable ;
Un vivre passable et coi
À requoi ;
Sans déguisure la table.
Passer gaiement les nuits
Hors d’ennuis ;
Toutefois n’être pas ivre ;
Un lit qui ne te déçoit :
Mais qui soit
Chaste, de noises délivre.
Être content de ton bien,
Et plus rien
Ne désirer ni prétendre :
Sans souhait, sans crainte aussi
Hors souci
Ton heure dernière attendre.