La Soirée
Lorsqu'en revenant du rempart
Où, plein d'une foi chaleureuse,
Il a bien veillé pour sa part,
Le père quitte sa vareuse,
En voilà jusqu'au lendemain!
Il t'oublie, aigre vent qui souffles
Sur les talus, et, d'une main
Réjouie, il met ses pantoufles.
Après avoir dîné sans bruit,
Il regardera quelque estampe
Ou bien lira jusqu'à minuit
Aux douces clartés de la lampe,
Avec sa femme et ses enfants,
Amusant l'un d'eux sur sa jambe
Et voyant leurs fronts triomphants
Luire aux clartés du feu qui flambe.
Il caresse complaisamment
Cette jeune et chère couvée
Et suit avec un oeil d'amant
Sa compagne enfin retrouvée,
Qui, charmante en sa floraison,
Sous le clair regard qui l'admire
Se promène dans la maison
Qu'elle éclaire de son sourire.
Alors le père tout heureux
Ne regrette ni les théâtres,
Où des cailloux aventureux
Ornaient de fausses Cléopâtres,
Ni les cafés, plus laids encor,
Où des Phrynés aux blancheurs mates
Flamboyaient sous leurs cheveux d'or,
Comme des bêtes écarlates.
Plus de cercles, où par monceau
L'or tombait, et ruisselait comme
L'eau méprisable du ruisseau!
La femme a retrouvé son homme,
Et chacun reste avec les siens,
Riant à l'enfant qui babille,
Grâce à messieurs les Prussiens,
Qui nous ont rendu la famille!