Cauchemar
Oui, venez tous! Goths et Vandales
Graissés de suif, sortez encor
De vos tanières féodales,
Avec vos casques tachés d'or!
Attilas de la parodie,
Ravageurs blonds, meute aux abois,
Qui n'avez pas l'âme hardie
Et qui vous cachez dans les bois!
Soldats que le vieillard gourmande,
Immobile, et sur son coursier
Rêvant son Europe allemande,
Traînez vos lourds canons d'acier!
Ainsi que des sauvages ivres,
Brûlez le passé radieux
Et les monuments et les livres!
Brisez les images des Dieux!
O superbes marionnettes
Au courroux froid et compassé,
Au fond, convenez-en, vous n'êtes
Que les fantômes du passé!
Et vous pouvez sur votre housse
Copier en riches lampas
L'ancien blason de Barberousse:
Mais enfin, vous n'existez pas.
Trombe que l'ouragan soulève,
Vous êtes, ô peuple géant,
Un rêve effrayant, mais un rêve,
Qui s'enfuira dans le néant.
Quand la France, enfin délivrée
De cet horrible cauchemar,
Cherchera la foule enivrée
Des Vandales, et leur César,
Demandant à la plaine verte,
Au mont, pleins d'abris murmurants,
A l'ombre de la nuit déserte:
Où sont donc ces spectres errants?
Qu'est devenu leur troupeau blême?
Alors le mont aérien,
Les plaines et l'ombre elle-même
Diront: Nous n'en savons plus rien!