Le Héros
Nous avons à faire pénétrer dans l'esprit de
nos officiers et de nos soldats cette grande
pensée dont n'ont pas voulu les monarchies et
que la République doit consacrer:
Que l'opinion seule peut récompenser digne-
ment le sacrifice de la vie.
Lettre du général Trochu au
général Tamisier.
Ils le disaient, ces grands Hellènes
Qui, morts, dans leurs apothéoses
Respiraient encor les haleines
Des myrtes et des lauriers-roses:
Heureux qui, jeune, à son aurore,
Embrassant la Mort détestée,
Tombe dans le combat sonore
Pour sa patrie ensanglantée!
Celui-là, fauché par les glaives,
Est orné d'un éclat magique
Et dans les ombres de nos rêves
Apparaît, superbe et tragique.
Son nom ailé, dont s'émerveille
Le pêcheur courbé sur ses rames,
Voltigera, comme une abeille,
Sur les lèvres des jeunes femmes,
Et le noir laurier de la guerre
Ombrage sa tête sereine.
Il n'est plus un passant vulgaire
Caché dans la mêlée humaine,
Car ce soldat au coeur stoïque
Reste l'orgueil de sa chaumière;
Pour jamais sa fin héroïque
A mis son front dans la lumière!
Il meurt, ayant conquis sa proie!
Et lorsque dans la plaine verte,
Frémissant d'une sainte joie,
Il tombe, la poitrine ouverte,
La Gloire, souriante et pure,
Admirant sa fière jeunesse,
Vient baiser la rouge blessure
Avec ses lèvres de Déesse.