Le Turco
Quant au lieutenant de turcos,
Il a la prunelle électrique.
Ses principes sont radicaux;
Il est tout noir, venant d'Afrique.
La dame son nom triomphant
Est bien connu dans tout Mayence
A de longs cheveux blonds d'enfant
Avec de grands yeux bleu-faïence.
L'une avait un bon cuisinier,
L'autre sa verve fanfaronne,
Si bien qu'enfin le prisonnier
Finit par plaire à la baronne.
Mais elle eut le coeur bien marri
Quand le mal fut fait. Ciel, dit-elle,
Tromper, hélas! un tel mari!
J'en sens une peine mortelle!
Un baron à seize quartiers,
Dont le burg, bravant les huées,
Pour ceinture a des bois entiers,
Et dort le front dans les nuées!
Un seigneur au coeur ingénu,
Qui parmi ses aïeux insignes
Compte Sigefroi le Cornu,
Et qui nourrit cinquante cygnes!
Un si digne maître! un baron
Aux doux cheveux de miel, qui brave
Les hivers, et chasse au héron
Dans ses forêts, comme un landgrave!
A ces mots, plus navrée encor,
Dans la chambre même où l'on dîne,
La pauvre baronne au front d'or
Fondait en pleurs, comme une ondine.
Morne, elle répétait toujours:
Trahir une telle noblesse!
Mais, fort expert en fait d'amours,
Voyant bien où le bât la blesse,
Le turco, tant de fois vainqueur,
Trouva l'argument sans réplique,
Et, l'embrassant d'un vaillant coeur,
Cria: Vive la République!