Le Cuisinier
Bismarck a dit: Pour les réduire,
Tous ces Parisiens que j'eus
En haine, il faut les laisser cuire
Jusqu'au bon moment, dans leur jus.
En attendant qu'il nous perfore,
Notre ennemi pille Varin,
Joue, emprunte sa métaphore
A l'art de Brillat-Savarin,
Se fait blanc comme une avalanche,
Et même, d'un air ingénu,
Décore de la toque blanche
Son crâne, ce blanc rocher nu.
Donc il se fait, d'un coeur tranquille,
Cuisinier. Oui. Pas de mot vain.
Il est cuisinier, comme Achille!
Et, comme ce boucher divin,
S'il le peut, guerrier magnanime,
Jetant loin de lui son manteau,
Dans la gorge de la victime
Il enfoncera le couteau.
Il veut, ce nouveau Péliade
Choisi pour forger les destins,
Que les chants de son Iliade
Soient coupés de larges festins!
Lorsque sera venu le terme
Déjà fixé, la hache au flanc,
Il portera d'une main ferme
Le vase où doit tomber le sang.
Il veut, comme on faisait en Grèce,
Brûlant sous le ciel radieux
Les entrailles avec la graisse,
En offrir la fumée aux Dieux;
Il veut, lui soldat qu'on redoute,
Cuirassier, général en chef,
Savoir quel goût, quand on les goûte,
Ont les vrais Parisiens; bref,
Il veut c'est le désir en somme
Dont il fut toujours démangé
Dire un jour de nous, le pauvre homme:
Ils étaient bons, j'en ai mangé!