Attila
Lorsque sur le monde un barbare
Passe sanglant et triomphant,
Et que dans son orgueil bizarre
Il se complaît comme un enfant;
Quand devant lui ses hordes viles
En hurlant ont rasé les tours
Et brûlé les maisons des villes
Et mis la nappe des vautours;
Lorsque ces soldats en démence
Ont détruit les blés et le miel,
Et même jeté la semence
Au caprice des vents du ciel;
Quand le ravageur fraternise
Avec la peste et l'Aquilon;
Lorsqu'il dit: Ce peuple agonise
Et je le tiens sous mon talon!
Les vieillards et les jeunes femmes
Mourront, et les enfants aussi,
Pris dans mes filets et mes trames,
Parce que je le veux ainsi;
Alors, au milieu du dédale
Des embûches et des trépas,
Apparaît devant le Vandale
Un être qu'il n'attendait pas!
Cet inconnu dans les fumées
Se dresse, et d'un souffle géant
Disperse les noires armées
Dans les abîmes du néant!
Quel est ce passant? On l'ignore,
Et les peuples voient seulement
Qu'il porte sur son front l'aurore
Et dans ses yeux le firmament.
C'est un David à tête blonde,
Ayant l'enfantine rougeur
D'une vierge, et qui de sa fronde
Va lancer le caillou vengeur!
C'est Jeanne, la bonne Lorraine!
C'est quelqu'un dont l'éclair en feu
Respecte la tête sereine,
Et qui vient de la part de Dieu.
Mais, dis-tu, le cri des oracles
Depuis plus de mille ans s'est tu
Et c'en est fini des miracles!
O chasseur d'hommes, qu'en sais-tu?
Ce Dieu des combats que tu vantes,
Parfois, indigné dans l'azur,
Pour outil de ses épouvantes
Suscite quelque pâtre obscur.
Il vient conduit par une étoile
Et vêtu de grossiers habits,
Couvert d'un bleu sayon de toile
Ou d'une toison de brebis;
Et pour ce héros solitaire,
Lorsque le moment est venu,
Attila n'est qu'un ver de terre
Qu'il écrase de son pied nu!