Chien perdu
Quand, s'étant coiffé de son heaume,
Il partit pour venir ici,
Bismarck suivit le roi Guillaume;
De Moltke le suivit aussi.
Les princes aussi les suivirent;
Puis après, généralement,
La Prusse, puis tous ceux qui virent
Lever le soleil allemand.
Ils vinrent, ceux de la Bavière
Et même les Wurtembergeois,
Et le sang, comme une rivière,
Lava les pieds de ces bourgeois.
Rassasiés de funérailles,
Ils croyaient entrer à Paris;
Mais, foudroyés par nos murailles,
Ils durent s'arrêter, surpris.
Et, savourant, parmi ces drames,
Tout l'ennui qu'on peut éprouver,
Ils écrivirent à leurs femmes
Qu'elles vinssent les retrouver.
Alors vers leurs lèvres gourmandes,
Pour mettre un terme à leurs tourments,
Vinrent les femmes allemandes
Avec les petits Allemands.
Puis, lorsqu'en vain ils essuyèrent
Les écuelles d'un air câlin,
Les chiens prussiens s'ennuyèrent;
Ils vinrent aussi de Berlin,
Espoirs des futurs holocaustes!
Moi-même j'en vis quelques uns
Flâner jusqu'à nos avant-postes;
Des noirs, des jaunes et des bruns.
Un surtout, oh! si triste! Seule,
Sa queue était gaie. Il tenait
Une sébile dans sa gueule,
Pour apitoyer Dumanet.
Et même, d'une façon nette,
Je compris qu'il eût au besoin
Joué des airs de clarinette,
Et pris le roi Zeus à témoin.
Cet animal était habile!
Par un geste vraiment trouvé,
Bien vite il posa sa sébile
Tout près de moi, sur un pavé.
Pauvre chien vagabond, lui dis-je,
Que veux-tu? Dis, que te faut-il?
Mais soudain, - ô rare prodige
Permis par quelque dieu subtile,
J'entendis parler ce caniche!
Et comme je tirais deux liards
Pour le renvoyer à sa niche,
Il répondit: Cinq milliards!