Versailles
Versailles regarde la route,
Muet et se sentant frémir,
Et son peuple de marbre écoute
La voix des fontaines gémir.
Maître des palais et des bouges,
Le roi Guillaume sort, coiffé
D'une casquette à galons rouges.
Il est simple, ayant triomphé.
A travers la campagne verte,
Il passe d'un air indulgent
Dans sa calèche découverte,
Entre deux cuirassiers d'argent.
Puis il rentre. O gaietés champêtres!
Pendant qu'il dîne, on fait un peu
De musique sous ses fenêtres.
C'est bien modeste pour un dieu!
Haïssant la lâcheté vile
Et mal instruits aux trahisons,
Tous les habitants de la ville
Sont enfermés dans leurs maisons.
Mais sous leurs cheveux en broussailles
Le visage de blanc couvert,
De fausses dames de Versailles
Agrémentent le tapis vert.
Ce sont les rousses fiancées
De tout le monde, au coeur bavard,
Que, par décence, on a chassées
De nos cafés du boulevard.
Les officiers, par politesse
Pour des Phrynés que nous cotons,
Disent: Madame la comtesse,
Au nez rose de ces Gothons,
Et s'inclinent jusqu'à leur ventre.
Le soir vient. Lise et Turlupin,
Tout ce beau monde en carton rentre
Dans quelque boîte de sapin,
Et sur toi, dans les maisons closes,
Sans lumière dans leur mur blanc,
France des épis et des roses,
On verse des larmes de sang!
Cependant les officiers glabres,
Avec un cynisme innocent,
Font traîner lourdement leurs sabres
Sur le pavé retentissant,
Et l'on entend sous les murailles
Qui déjà tressaillent d'espoir,
Cet absurde bruit de ferrailles
Déchirer le silence noir.