Scapin tout seul
Or un nouvel acteur bouffon
Vient, jouant le tortionnaire,
Prendre son haleine au typhon
Et ses hurlements au tonnerre.
Sans tache, comme un aubépin,
Il porte, dans sa gloire insigne,
L'habit blanc qui sied à Scapin,
Couleur de la neige et du cygne.
Mais il perce l'azur du ciel
Avec sa moustache effroyable
Qui n'a rien d'artificiel,
Et, sacrant toujours comme un diable,
Il fait rage avec son manteau,
Comme pour éteindre Gomorrhe,
Car il fait les don Spavento,
Les Fracasse et les Matamore.
Ah! tête! Ah! ventre! Ah! Belphégor!
Dit-il, qui faut-il que je perce
Tout d'abord, ou le grand mogor
Ou bien le grand sophi de Perse?
Donnons. Ferme. Poussons. Tenez.
Ah! morbleu! si je m'évertue!...
Soutenez, marauds, soutenez.
Ah! coquins! Ah! canaille! Tue!
Il reprend: J'ai mis aujourd'hui
Mars et Jupiter dans les bagnes.
Ah! veillaques! je suis celui
Dont le fer tranche les montagnes!
Surtout, s'il a peur de l'éclair,
Que nul, quelle que soit sa taille,
N'aille, ni dans l'eau ni dans l'air,
Franchir mes lignes de bataille!
Fût-ce un pigeon qui suit le vent,
Je ne m'en inquiète guère;
Le pigeon passera devant
Les juges du conseil de guerre.
Pour les dépêches, qu'en ballon
La brise emporte par surprise,
Elles me trahissent, et l'on
Jugera, s'il le faut, la brise.
Et si, tremblantes à demi,
Les étoiles, ouvrant leurs voiles,
Renseignent sur moi l'ennemi,
Je fusillerai les étoiles!
Parlant ainsi, lorsqu'il s'émeut,
De massacres et de désastres,
Matamore fait ce qu'il peut
Pour ferrailler contre les astres.
Et lorsque, non sans un soupir,
Planté devant un mur d'auberge,
Il a tailladé le zéphyr,
Il essuie encor sa flamberge.
C'est ainsi que, cherchant le trait,
Par ces époques insalubres,
Monsieur de Bismarck se distrait
En jouant les Scapins lugubres.