A Meaux, en Brie
Avec ses cohortes guerrières
Ayant traversé les hameaux,
Après avoir quitté Ferrières,
Le bon roi Guillaume est à Meaux.
Comme il chemine vers les banques,
Dans le but de les prendre en flanc,
Sur la place, des saltimbanques
Regardent le monarque blanc.
Ces gais comédiens en fête,
Ces Rachels et ces Frédéricks
De rencontre, dont la tempête
A léché les pâles carricks,
C'est Atala, c'est Zéphirine,
Fleur que Sosthènes invoquait,
Et Gringalet, que tout chagrine,
Et leur maître à tous, Bilboquet.
Or, dans la ville de province
Toute noire de Bavarois,
Ils se dévisagent, le prince
Des bouffons et le roi des rois.
Tous deux sont grands et font campagne.
Si Guillaume, le pourfendeur,
A la fureur de Charlemagne,
Bilboquet en a la splendeur.
Car sur son dos le carrick flotte;
Et, flamboyant devant ses pas,
Comme il s'en fit une culotte,
La pourpre ne l'étonne pas.
Le grand saltimbanque fantasque
Voit l'aigle de cuivre écrasé
Sur le cuir miroitant du casque
Dont se coiffe le roi rusé;
Alors, ôtant son feutre glabre,
Que chaque ouragan bossuait,
Et qui fut fait à coups de sabre,
Il dit ces mots: O Bossuet!
Chacun à sa manière dîne.
Qu'un aiglon soit un bon régal
Étant mis à la crapaudine,
Je le veux bien. Mais c'est égal,
J'admire, en riant comme un faune
En ce monde rempli de maux,
Qu'un tel oiseau de cuivre jaune
Soit aujourd'hui... l'aigle de Meaux!