Sabbat
Ah! au milieu du chant, une souris
rouge lui a jailli de la bouche.
Goethe, Faust.
C'est le sabbat. Des femmes nues
Aux ailes de chauve-souris
Volent prestement dans les nues,
Au-dessus des toits de Paris.
Germania mène la danse,
Plus folle qu'un cheval sans mors
Ou qu'une urne qui n'a plus d'anse,
Sur la colline où sont les morts.
Cette Gretchen dorée et blanche,
Dans ses prunelles de saphir
Montre des reflets de pervenche.
Elle frémit pour un zéphyr
Ou pour un brin d'herbe qui bouge,
Comme une Agnès au temps jadis;
Mais parfois une souris rouge
Sort de sa bouche aux dents de lys!
En face d'elle se trémousse
Un cuirassier, brillant Myrtil,
Qui fait merveille sur la mousse.
Oh! le beau sabbat! lui dit-il;
Sous ce brillant habit de reître,
Sans plume de coq ni manteau,
Qui diable pourrait reconnaître
Le vieux compère Méphisto?
D'où je viens avec mon amante,
On ne s'en doutera jamais,
Et je veux, ô ma Bradamante,
Vous faire impératrice! Mais,
Comme il la berce d'un tel conte,
Embéguiné dans ses amours,
De Moltke dit: Pardon, cher comte!
On vous reconnaîtra toujours,
Tant votre valeur a de lustre,
Fussiez-vous même à Fernambouc;
Et là, dans votre botte illustre
On voit très-bien le pied de bouc!