L'Empereur
L'empire est fait. Le roi, que flatte
L'Europe, attentive à son jeu,
Marche dans la pourpre écarlate
Et tient en main le globe bleu.
Tandis que les rois, dans leur force,
Ne sont que Victor ou que Jean,
Superbe, il peut couvrir son torse
De la cuirasse de Trajan.
Il est le divin porte-glaive;
Et les Allemnads indécis
N'osent plus affronter qu'en rêve
Le froncement de ses sourcils.
Cachant son regard insondable,
Ainsi qu'une idole d'airain,
Il pose sa main formidable
Sur l'épaule du dieu du Rhin.
L'univers avec lui respire!
Mais tout à coup, est-ce un hasard?
Vibre un énorme éclat de rire,
Qui raille le nouveau César.
Qui donc? lui! comme un roi vulgaire,
On le raille! O deuil! ô courroux!
Assemblez les conseils de guerre,
Et graissez à neuf les verrous!
Cherchez une tombe bien noire
Qui cache au monde extérieur
Cet insulteur de votre gloire,
Cet être effronté, ce rieur!
Non, non, ne dérangez personne,
Geôliers de l'empire naissant;
Car ce rire effrayant qui tonne,
Ce grand rire retentissant,
Ce rire surhumain qui roule
De la terre jusqu'au ciel bleu,
Fort comme celui d'une foule
Et clair comme celui d'un dieu,
Et qui fait trembler l'Allemagne,
Sort, beau de joie et de fureur,
De la tombe de Charlemagne:
C'est Lui qui rit, Lui, l'Empereur!