Marguerite Schneider
Qu'elles sont toujours romantiques,
Ces Gretchens aux chastes profils,
Ayant à leurs yeux angéliques
Des fils de la vierge pour cils!
Quels tendres lys! et comme il prouve
Des coeurs faits idéalement,
Ce paquet de lettres qu'on trouve
Sur tout fusilier allemand!
Marguerite Schneider, fleur rose
Ayant en son coeur un aspic,
Écrit en cette aimable prose
A son amant Jean Diétrich:
Bien-aimé, si chez l'hérétique
Où tes deux mains vont grappiller,
Tu passes par quelque boutique
Où les soldats pourront piller,
Au milieu des tas de merveilles,
Ne manque pas de me choisir,
S'il te plaît, des boucles d'oreilles;
Elles me feront grand plaisir.
Ah! flamboyante d'étincelles,
Cette lettre au ton résigné
Passe de bien loin toutes celles
De Madame de Sévigné!
On y savoure, avant la noce
Que précéderont les cadeaux,
Un joli goût d'amour féroce
Qui vous laisse un froid dans le dos.
C'est pourquoi, fleur plus délicate
Que le blanc duvet de l'eider,
O vierge que la brise flatte,
Jeune Marguerite Schneider,
Je veux à la race future
Te montrer, fille au divin nom,
Riante sous ta chevelure
Et portant aux oreilles, non
De tremblants joyaux dont l'or bouge,
Mais cet ornement tout romain,
Deux gouttelettes de sang rouge;
Oui, deux gouttes de sang humain,
Ne tombant pas, mais toutes prêtes
A tomber sur tes blancs habits;
Et te faisant, riches fleurettes,
Des pendeloques de rubis.
Et tu seras toujours en fête
Devant l'universel public!
Ainsi, chère enfant, le poète,
Plus heureux que Jean Diétrich,
Grâce au miracle de la lyre
T'aura pu fournir, tout entier,
Le présent que ton coeur désire,
Sans piller aucun bijoutier;
Et toujours, sous les fleurs vermeilles
De ton visage rose et blanc,
On pourra voir à tes oreilles
Pendre les deux gouttes de sang!