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 Théodore de Banville (1823-1891) A la Biche empaillée

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MessageSujet: Théodore de Banville (1823-1891) A la Biche empaillée   Théodore de Banville (1823-1891) A la Biche empaillée Icon_minitimeDim 21 Aoû - 22:54

A la Biche empaillée
qui figurait à la Porte-Saint-Martin
dans La Biche au Bois


Depuis que, renonçant à vivre,
La Féerie est sans picotin,
Et que l'on a, comme un sot livre,
Fermé la Porte-Saint-Martin,

On plaignit, lorsque vous partîtes,
Biches et divertissement,
Les choses grandes et petites
Qu'abrita ce vieux monument,

Les beaux trucs, les portions nues
De mademoiselle Delval,
Frédérick marchant dans les nues
Et le souvenir de Dorval,

O théâtre que je harangue!
Et les auteurs, que tu n'avais
Invités qu'à tirer la langue
Devant les danses de navets!

Si la franchise me décore,
Puis-je, sans faire four, nier
Qu'à Paris on plaignit encore
La défaite de Marc Fournier?

On dit, et partout vous le lûtes:
Celui que la détresse prit
Si vite, après vingt ans de luttes,
Fut toujours un homme d'esprit.

Peut-être qu'il perdit la tête
Au son de la flûte et des cors;
Mais quoi! C'est la muse qu'il tète.
Il valait mieux que ses décors.

Il ignorait ce fait immonde
Qu'ici-bas cinq et cinq font dix.
Et c'est ainsi que tout le monde
Eut sa part au De profundis.

Toi seule, qui, toujours raillée,
Figurais dans La Biche au Bois,
Pauvre Biche, seule empaillée
Parmi tout ce monde aux abois!

Tu pars sans qu'un mot te console,
Biche, qui sans doute à présent
Figures sur une console
Dans le Marais, triste présent

Offert par le tremblant concierge
De ce théâtre où tu perchas,
A quelque antique et douce vierge
Immobile entre ses deux chats!

Nul ne t'a célébrée, ô Biche,
Qui, pendant deux mille soirs, fis
Beaucoup plus d'argent que Labiche!
Biche insensible à nos défis!

Biche marchant sur des basanes!
Qui, pour t'exempter de tout soin,
Comme beaucoup de courtisanes,
Au lieu de coeur avais du foin!

Biche! en tes yeux d'Iphigénie,
Tes auteurs, qu'un succès absout,
Mettaient l'éclair de leur génie:
En d'autres termes, rien du tout.

Autour de toi, vingt-huit danseuses,
Passant et sautant deux à deux,
Agitaient leurs jambes osseuses
Ou faisaient voir des monts hideux,

Et, triste gloire de ces bouges,
Des bocaux montraient, sans haillon,
Au lieu de poissons, des dos rouges
Parmi quelque flots de paillon!

Tout cela pour te faire fête,
Pour justifier ton emploi,
Biche! et maintenant, pauvre bête,
Il n'est plus question de toi.

Eh bien, non! si ce temps bégueule
T'oublie, il ne sera pas dit
Qu'ainsi tu disparaîtras seule
Dans le bruit qui nous assourdit!

C'est pourquoi je t'offre cette ode,
O Biche de La Biche au Bois
Qu'un flot de poussière corrode.
Je t'ai versé le nectar. Bois!

Exempte de remords et d'ire,
Biche que nul ne doit plus voir,
Moisis en paix! car tu peux dire:
J'ai fait du mal sans le savoir,

Et l'on m'empêchait d'être immonde,
Hélas! rien qu'en m'époussetant.
Combien de biches dans le monde
Ne pourraient pas en dire autant!
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Théodore de Banville (1823-1891) A la Biche empaillée
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