Pièces féeries
Molière, j'ai voulu savoir ce que devient
Ton beau rire folâtre,
Et, pour avoir raison du doute qui me tient,
J'entre dans un théâtre.
Un aquarium. Bon. Je vois les dos connus
De cinquante ingénues.
Que de bras nus! que de seins nus! que de cous nus!
Oh! que de choses nues!
Sur quels objets hideux, maigres, flasques et lourds,
Lumière, tu te joues!
Que de croupes, offrant aux regards des contours
Horribles! que de joues!
Wateau, qu'en dites-vous? Qu'en dites-vous, Boucher?
Bien que leur bouche rie,
On pense voir ces chairs mortes que le boucher
Vend à la boucherie.
Spectacles écoeurants! Tristes panoramas!
Vous fuyez, Muses blanches,
Vers l'invincible azur, en voyant ces amas
De poitrines, d'éclanches,
Et ces ventres hideux, ballonnés par les ans,
Qu'on a, masse vermeille,
Ficelés avec soin dans des maillots luisants,
Teints en couleur groseille.
Une Javotte, nue et longue comme un ver,
Traîne, être chimérique,
Un vieux manteau de cour, baigné par un éclair
De lumière électrique,
Et glapit. Oui, ce tas de cuisses, de chignons,
Si bien fait pour se taire,
Hurle, miaule et roucoule avec des airs mignons,
Et chansonne... Voltaire!
O cotonnier! pour qui rugirent en effet
Tant de combats épiques,
Arbuste précieux, toi que le soleil fait
Grandir sous les tropiques;
Et vous, Hostein! et vous, Marc Fournier, qui du doigt
Chassez les belles proses!
Régnez, soyez heureux, c'est à vous que l'on doit
Ces grosses dames roses!
Naguère on avait dit aux marchands de succès:
Pour nous ôter La Biche,
Dites, que voulez-vous, ô directeurs français?
La gaieté de Labiche?
La voici. Voulez-vous, pour vous réfugier
Dans la pensée altière,
La verve de Sardou, l'esprit vivant d'Augier,
La fureur de Barrière,
Ou ces drames poignants dans lesquels Dumas fils,
De sa main ferme et sûre,
Montre, ouverte et saignant sous une chair de lys,
Quelque affreuse blessure?
Mais nos bons directeurs, vieux troupeau coutumier
De cette réprimande,
Ont répondu, pareils à l'enfant de Daumier:
J'aime mieux de la viande!