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 Théodore de Banville (1823-1891) Inventaire

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Théodore de Banville (1823-1891) Inventaire Empty
MessageSujet: Théodore de Banville (1823-1891) Inventaire   Théodore de Banville (1823-1891) Inventaire Icon_minitimeDim 21 Aoû - 22:59

Inventaire


Je vis, noyé dans l'ombre noire,
Un spectre, déjà fort ancien,
Qui montrait son crâne d'ivoire,
Comme un académicien.

Il semblait un roi de Pergame,
Et ses sourcils vertigineux,
Longs comme des cheveux de femme,
En s'emmêlant faisaient des noeuds.

Entre ses doigts, blanche et fatale,
Et plus fragile qu'un roseau,
Une mourante aux bras d'opale
Se débattait comme un oiseau.

Comme il l'entraînait vers l'abîme,
Mon regard curieux et net
Sur le front de cette victime
Lut: Mil huit cent soixante-sept.

L'instant d'après elle était morte,
Et le vieillard aérien
Me dit: Je suis le Temps. J'emporte
Ce qui ne vous sert plus à rien.

Oh! s'il en est ainsi, (lui dis-je
Sans quitter l'ombre où je songeais,)
Père, complète le prodige:
Emporte encor d'autres objets!

Emporte décidément, comme
Bagage désormais vieillot,
La vertu de monsieur Prudhomme
Et l'humilité de Veuillot!

Emporte aux astres en démence
L'ode épique de Belmontet,
Qui naguère, d'une aile immense,
Aussi haut que Babel montait!

Emporte la noire faconde,
Amendements et mandements,
Qui chaque matin nous inonde,
Si prodigue en débordements!

Prends les refrains de Francis Tourte!
Même avec eux, puissant démon,
Emporte la culotte courte
Du silencieux Darimon.

Et, si tant est que tu le puisses,
Sur l'ouragan, ton noir cheval,
Emporte le maillot à cuisses
De mademoiselle Delval!

Emporte, noir tas de couleuvres
Qui te couvriront le poitrail,
Rocambole, et toutes les oeuvres
De monsieur Ponson du Terrail,

Sombre amas, pile gigantesque,
Plus haute que l'Himalaya,
Et joins-y tout le choeur grotesque
Des pièces que lima Laya!

Puis, emporte, avec ses paroles
Où grince l'hiatus cuisant,
Le hideux bruit de casseroles
Qui se dit musique à présent!

Emporte avec idolâtrie
Le grand serpent de mer privé,
Les articles de La Patrie,
Les Suzannes de Legouvé!

Délires, bêtises, huées,
Lâches attaques des jaloux,
Emporte tout dans les nuées!
Mais, ô bon vieillard, laisse-nous

L'ardeur du vrai, l'amour du juste,
Ce lys qui sans tache fleurit,
La grande poésie auguste,
Les belles fêtes de l'esprit!

Laisse-nous la sainte ironie,
La patience, la fierté,
Le culte obstiné du génie,
L'amour de l'âpre Liberté,

Et le dédain de la souffrance
Qui tient nos regards éblouis,
Et tout ce que nous nommions France
En des âges évanouis,

Lorsque la lèvre de l'Aurore
Baisait nos cheveux soulevés,
Et que nous n'étions pas encore
La France des petits crevés!
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Théodore de Banville (1823-1891) Inventaire
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