PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Théodore de Banville (1823-1891) Leroy s'amuse

Aller en bas 
AuteurMessage
Invité
Invité




Théodore de Banville (1823-1891) Leroy s'amuse Empty
MessageSujet: Théodore de Banville (1823-1891) Leroy s'amuse   Théodore de Banville (1823-1891) Leroy s'amuse Icon_minitimeDim 21 Aoû - 23:15

Leroy s'amuse


Le soleil continue à tout chauffer à blanc.
Du fond de sa rouge fournaise
Il nous vise, et chacun de nous emporte au flanc
Une de ses flèches de braise.

Plus cruel que Néron et que Domitien,
Pour griller ce que nous aimâmes,
Ce bourreau sur son front d'académicien
Met une perruque de flammes!

Ah! pour le supporter, ce dur soleil roussi,
Qui, desséchant les jouvencelles,
Nous met sa torche aux yeux, et qui nous fait aussi
Manger des gerbes d'étincelles,

Il faudrait être enfin plus doux que Babylas
Et plus patient qu'Athanase,
Car il nous a, pendant ces jours derniers, hélas!
Dévoré même le Gymnase!

On y meurt tout de bon: la feuille de vigne y
Semblerait trop chaude, ô mon Ode!
Et tous les spectateurs de monsieur Montigny
Sont changés en boeuf à la mode.

Voyant cela, l'auteur de Chemin retrouvé,
Pâle et debout contre un pilastre
De ce théâtre si rudement éprouvé,
Fit ce petit discours à l'Astre:

O Phébus-Apollon! photographe changeant
Qui vient laper l'eau dans les auges
Et qui nous romps le crâne avec ton arc d'argent,
Tu n'es qu'un franc-tireur des Vosges!

Ah! montreur de seins nus qui fais le Richelieu!
Coiffeur qui poudres cette ville!
Joueur de violon et de lyre! vieux dieu
Bon pour Ménard et pour Banville!

Comment! Régnier et moi, nous donnons, vieil archer,
Tranchons le mot, un pur chef-d'oeuvre;
Et toi, rose et brûlant, tu viens nous le lécher
Avec tes langues de couleuvre!

Pour notre bonbonnière abandonnant les cieux,
Parmi nos loges tu t'installes,
Et tu viens cuire à point les crânes des messieurs
Qui se sont assis dans les stalles!

Même jeu sur la scène. On voit que les pompiers,
Incendiés par tes extases,
Entrent en fusion et coulent à nos pieds:
On pourrait en faire des vases!

Tu changes en charbons le riche lampas qu'a
Drapé mon directeur artiste,
Et, grâce à toi, le front de madame Pasca
S'enflamme comme une améthyste!

Tu grilles sans pitié Massin, dont la chanson
Vaut bien mieux que celle d'un merle,
Et tu fonds lâchement Béatrice Pierson,
Comme Cléopâtre sa perle!

La pauvre Mélanie a des feux sur ses doigts:
Berton s'efface dans la brume,
Villeray s'amincit comme un fil, et je vois
A l'horizon Landrol qui fume!

Soleil, moi, vieux lion blanchi sous le harnois,
Crois-tu vraiment que je m'amuse
De te voir envoyer du monde à Cressonnois?
Va-t'en! laisse en repos ma Muse,

Ou, s'il fallait encor que ton bras assénât
Des coups sur cette fiancée,
Tremble, je te ferai flétrir en plein Sénat,
Comme on a fait pour monsieur Sée!

C'est ainsi que Leroy, farouche, et par instants
De son pied tourmentant la plinthe
Du corridor, parlait au soleil du printemps
Et l'assourdissait de sa plainte.

Pourtant des spectateurs fort nombreux se montraient
Au contrôle, tous grillés comme
Des biftecks. Ils entraient brûlés, mais ils entraient.
Ils versaient une forte somme;

Et notre auteur, avec des sourires charmants,
Regardait parmi l'incendie
Ces tisons à demi consumés, et fumants,
Qui venaient voir la comédie!
Revenir en haut Aller en bas
 
Théodore de Banville (1823-1891) Leroy s'amuse
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Théodore de Banville (1823-1891) Ballade de Banville aux Enfants perdus
» Théodore de Banville (1823-1891) Ballade, à sa Mère, Madame Élisabeth Zélie de Banville
» Théodore de Banville (1823-1891) Ballade de Banville
» Théodore de Banville (1823-1891) Ballade de Banville,
» Théodore de Banville (1823-1891) L'Air

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: