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 Théodore de Banville (1823-1891) Chez Bignon

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Théodore de Banville (1823-1891) Chez Bignon Empty
MessageSujet: Théodore de Banville (1823-1891) Chez Bignon   Théodore de Banville (1823-1891) Chez Bignon Icon_minitimeDim 21 Aoû - 23:42

Chez Bignon
Églogue


[Rose, Rosette, Palémon.]

Prends ta flûte légère, ô muse de Sicile!
On voyait là Finette, Héloïse, Lucile:
Nous soupions au sortir du bal. Quelques gandins,
Portant des favoris découpés en jardins,
Faisaient assaut d'esprit avec des femmes rousses.
Deux dominos pourtant, dont les allures douces
Nous ravirent, causaient poésie à l'écart;
Et rien qu'en transcrivant, à sept heures et quart,
Leurs propos familiers d'hétaïres en vogue,
Un poëte essaya cette ébauche d'églogue.

[Rose.]
Oui, tu dis bien, oui, Scholl est vraiment l'Amadis
De la littérature aimable, mais, tandis
Que, perdant sa chaleur aux soleils d'or volée,
Ce Cliquot rafraîchit dans la glace pilée
Qu'à ses pieds le garçon naguère amoncelait,
Rosette, mon cher coeur, parlons de Monselet.

[Rosette.]
Monselet est joli. Comme une vague aurore,
Son visage est vermeil et de fleurs se décore.
Je vois sa lèvre en feu dans le vin que je bois.
Quand il était petit, les roses dans le bois
Cachaient, en le voyant, leur aiguillon farouche,
Et les abeilles d'or voltigeaient sur sa bouche.

[Rose.]
Et quel esprit charmant! Comme il frappe d'estoc
Et de taille! Et pour la gaieté, c'est Paul de Kock.

[Rosette.]
Paul de Kock, en effet, mais avec plus de style.
On entre à son caveau par un blanc péristyle.

[Rose.]
Wateau, peintre du beau, que son temps violait,
Eût fait de lui sans doute un abbé violet
Épris de Colombine, et dans la nuit avare
Éveillant doucement l'âme d'une guitare.

[Rosette.]
Les Grâces le font vivre et l'ont accrédité.
Dans sa prose on les voit, cachant leur nudité
Et leurs bras blancs pareils à des anses d'amphores,
Sous des bouquets riants de fraîches métaphores!

[Rose.]
Rire, charmer, pleurer parfois, c'est son destin.

[Rosette.]
Qu'il est ingénieux et fou dans un festin!

[Rose.]
Rosette, il faut le voir quand, faisant leur entrée,
Les truffes ont couvert la volaille éventrée.

[Rosette.]
Et quand le Romanée a mis sur le mur blanc
Son reflet écarlate et sa lueur de sang!

[Rose.]
Il n'est pas de printemps, mon coeur, sans violette;
Sans les clairs diamants, il n'est pas de toilette,
Comme sans Monselet, chanteur aérien,
Un dîner, même chaud, ne valut jamais rien.

[Rosette.]
Il a fait des romans que s'arrachaient les dames,
Et dont la verte allure enchanta les vidames!
Alors la châtelaine, errante au fond du val,
L'emportait sous son châle, ainsi que Paul Féval.

[Rose.]
Mais à présent il est cygne parmi les cygnes.

[Rosette.]
A présent il sait faire un chef-d'oeuvre en cent lignes.

[Rose.]
Que j'en ai vu mourir, non pas mille, mais cent
Mille, mais deux cent mille, avec Villemessant,
De ces ténors! Mais, seul, Monselet a l'ut dièze.

[Rosette.]
Quand il écrit, l'Europe entière en est bien aise,
Et, comme s'ils tombaient de l'outre de Sancho,
Les vins les plus pompeux coulent chez Dinochau.

[Rose.]
Parfois Le Figaro plane moins que Pindare
Sur l'éther, mais on croit écouter la fanfare
De l'alouette, unie au chant de do¤a Sol,
Les jours où Monselet s'y rencontre avec Scholl!

[Rosette.]
Figaro, trop souvent écrit pour les dentistes,
Est charmant quand il a ces deux instrumentistes.

[Rose.]
Alors c'est un oiseau qui mêle sur son flanc
L'émeraude et l'azur.

[Rosette.]
C'est le rose et le blanc
Unissant leurs splendeurs pour une apothéose.

[Rose.]
Scholl aime mieux le blanc.

[Rosette.]
Et Monselet le rose.

[Rose.]
Qui sait parler ses vers comme toi, Monselet?

[Rosette.]
Qui mieux que lui, ma soeur, chante un petit couplet?

[Rose.]
Jamais, lorsqu'il le dit, un mot léger n'offusque,
Et j'aime éperdument son Espion Étrusque.

[Rosette.]
Il le conte si bien qu'on voit le champion
S'escrimer dans la nuit contre cet espion.

[Rose.]
J'aime son feuilleton. Comme il voit bien les pièces!

[Rosette.]
Les contes qu'il en fait enchantent mes deux nièces.

[Rose.]
Ses caprices railleurs valent ceux de Goya.

[Rosette.]
Même Buloz un jour grâce à lui s'égaya!

[Rose.]
Monsieur de Cupidon, roué qui nous défie,
C'était là de la bonne autobiographie;
C'est l'auteur qui, jetant sa tunique de lin,
Exécute ce rôle en habit zinzolin!

[Rosette.]
Lorsque l'Amour, perçant les coeurs par ribambelles,
Bat les forêts de Cypre et fait la chasse aux belles,
C'est lui qui, sur son cor, vient sonner l'hallali.
Si Gaiffe est toujours beau, Monselet est joli.

[Rose.]
Monselet est joli, cela je te l'accorde.
Comme un Américain voltigeant sur la corde
Tout vêtu de soleil et d'écailles d'argent,
Il jette à l'azur même un regard indulgent!

[Rosette.]
On peut aimer un pitre, un notaire, un Osage.
Tel s'éprend d'une femme au gracieux visage
Rencontrée au Brésil ou dans Piccadilly:
Avant tout, à mes yeux, Monselet est joli.

[Palémon.]
Enfants, vous parlez bien; mais qui pourrait tout dire?
Laisse là ton crayon, toi, rimeur en délire;
Buvons, et ne perds pas tous ces instants si courts
A sténographier mot à mot les discours
De ces buveuses d'or à la fauve crinière.
Elles causaient de chose et d'autre, à la manière
Des bergers de Sicile essayant leurs pipeaux,
Et n'avaient pas tenu ces frivoles propos
Littéraires, afin que tu les écrivisses.
Mais voici le champagne avec les écrevisses!
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Théodore de Banville (1823-1891) Chez Bignon
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