Leurs Lèvres
Quand vient le jour pareil au jour
De bonheur et d'orgueil en fête,
Où ta mère pleurait d'amour
En contemplant ta chère tête;
Quand renaît le jour où tu vins,
Comme Dieu l'exige, ô mystère!
De la clarté des cieux divins
Aimer et pleurer sur la terre;
Alors, pareil à l'exilé
Qui, lorsqu'il revoit sa patrie,
Marche tranquille et consolé,
Ce jour-là, mère, hélas! meurtrie,
Je vois ma soeur au front charmant
Et les deux yeux bleus de mon père,
Et ce n'est pas moi seulement
Qui dis à ton oreille: Espère!
Ah! de nos fronts endoloris
Que les vaines craintes s'envolent!
Tous ceux que nous avons chéris
A la même heure nous consolent.
Pour nous rendre forts et joyeux,
Leur coeur, leur esprit, leur bravoure
Et leur souffle silencieux
Vivent dans l'air qui nous entoure.
Dans le parfum léger des fleurs
Une vague haleine soupire;
C'est leur voix. A travers nos pleurs
Glisse un rayon: c'est leur sourire,
Et pour que leur calme baiser
Nous réchauffe à ses douces flammes,
Je sens leurs lèvres se poser
Délicatement sur nos âmes.