Les Jardins
Mère, qu'il soit béni, le grand jardin de fleurs
Qui vit, petite enfant, ton sourire et tes pleurs!
Là, ta mère aux beaux yeux, jeune et pleine de grâce
Te chantait des chansons de nourrice à voix basse;
Ton père, sérieux, te prenait dans ses bras,
Et t'écoutant, ravi, dès que tu murmuras,
Disait: O frêle enfant! il faut veiller sur elle.
Et c'était entre eux deux une folle querelle
De lutter pour donner une joie à tes yeux,
Et de savoir lequel t'obéirait le mieux.
O Dieu! le temps s'envole ainsi que des fumées,
Emportant loin de nous les âmes bien aimées,
Nos rêves, nos désirs, tout ce qui nous fut cher.
Le froid du soir qui tombe entre dans notre chair,
Et cependant toujours les voix qui nous émurent
Comme en un vague songe autour de nous murmurent;
Elles ont la douceur sereine de l'espoir
Et nous les entendons qui disent: Au revoir!
Nos Anges, dans cette ombre où notre pas vacille
Nous regardent souffrir d'un oeil doux et tranquille
Et tandis que leur vol mystérieux nous suit,
Au-dessus de nos fronts envahis par la nuit
Nous voyons l'avenir sortir d'un sombre voile
Sous la nue, et grandir comme une blanche etoile.
Oh! sois heureuse! et quand frémit l'aile du soir,
Songe aux chers coeurs avec le plus tranquille espoir,
Car un pressentiment céleste nous enivre
Dans cette solitude où nous les sentons vivre.