PLUME DE POÉSIES
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 François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud(1718-1805) ACTE 1 SCENE 2

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François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud(1718-1805) ACTE 1 SCENE 2 Empty
MessageSujet: François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud(1718-1805) ACTE 1 SCENE 2   François-Thomas-Marie De Baculard D'Arnaud(1718-1805) ACTE 1 SCENE 2 Icon_minitimeMar 23 Aoû - 0:03

ACTE 1 SCENE 2

Euphémie, Mélanie.

Euphémie, se relevant avec précipitation, et
allant vers Mélanie.

Eh bien, ma soeur! Ce pieux solitaire,
Par qui la vérité nous parle et nous éclaire,
Viendra-t-il ranimer ma mourante vertu,
Assujettir un coeur trop long-temps combattu,
Soumettre à mes devoirs ma faiblesse indocile?

Mélanie.
Vous le verrez bientôt sur les pas de Cécile;
C'est sa voix qui l'appelle en ce séjour sacré.
Mais, à quel trouble affreux votre esprit est livré!
Pouvez-vous sous le voile, ô ma chere Euphémie,
Nourrir sans espérance une flamme ennemie,
Le poison dévorant d'un amour insensé?
Malgré votre raison, et le ciel offensé,
Un objet, qui n'est plus, vous occupe sans cesse!
La mort...

Euphémie.
La mort n'a pu lui ravir ma tendresse.
Il vit, il vit toujours dans ce coeur déchiré,
Et souvent à Dieu même il s'y voit préféré.
Je ne veux point cacher tout l'excès de mon crime;
Plus que jamais, l'amour s'attache à sa victime;
Il s'arme contre moi des ombres de la nuit;
Jusque dans ce cercueil sa fureur me poursuit;
J'y voulois déposer le poids de mes alarmes;
Mon oeil appésanti se fermoit dans les larmes;
Mon ame, qui cédoit aux horreurs de son sort,
S'essayoit à dormir du sommeil de la mort;
Quel songe! Quel spectacle a frappé ma paupière!
Un lugubre flambeau me prêtoit sa lumière;
J'égarois mes ennuis, mes tourmens, mes remords,
À travers les tombeaux, les spectres, et les morts;
Un éclair brille et meurt dans ces vastes ténèbres;
Un cri m'est apporté par des échos funèbres.
La terre gronde, et laisse échapper de ses flancs
Un fantôme, entouré de sombres vêtemens;
Un glaive étinceloit dans sa main menaçante;
Il s'avance à grands pas, me glace d'épouvante,
S'approche, offre à mes yeux je reconnois Sinval,
Sinval, de l'éternel audacieux rival,
Sinval, que je devrois repousser de mon ame,
Qui toujours y revient avec des traits de flamme...
" viens, sur moi, m'a-t-il dit, suis ton premier époux;
Cesse de m'opposer l'autel d'un dieu jaloux.
L'autel, pour m'arrêter, n'a point de privilége. "
Soudain sous les efforts de son bras sacrilége,
Mon voile se déchire insensible à mes cris,
Parmi le sang, la mort, et ses affreux débris,
De cercueils en cercueils, sur les bords d'une tombe,
Il me traîne expirante; il m'y jette je tombe;
Sinval plonge le fer dans mon sein malheureux,
Et la foudre en éclats nous a frappés tous deux.

Mélanie.
Dans ces jeux du sommeil, je ne vois qu'un vain songe,
Dont la nuit avec elle emporte le mensonge.
Vous-même préparez le poison séducteur;
Vous aiguisez le trait qui vous perce le coeur.
Ah! Ce n'est point ainsi qu'on obtient la victoire;
D'un objet dangereux rejettez la mémoire...

Euphémie.
Eh! Le puis-je, ma soeur? Vous ne connaissez pas
Le feu des passions, leurs horribles combats,
Le charme de l'amour, son pouvoir invincible...

Mélanie.
Ma soeur, vous avez cru Mélanie insensible;
Non, je ne le suis point. Mais, j'ai tourné mes voeux
Vers un objet, qui seul doit allumer nos feux.
Ma soeur, vous méritez toute ma confiance;
Du ciel en ma faveur admirez la puissance;
L'exemple quelquefois suffit pour éclairer;
Mon ame à vos regards brûle de se montrer.
Dans mon premier soupir j'exhalai la tendresse;
D'un sentiment si cher je nourrissois l'ivresse;
Tout ce qui m'entouroit, intéressoit mon coeur.
M'attachoit par un noeud toujours plus enchanteur;
Je touchois à cet âge, où l'ame inquiétée
S'étonne des transports dont elle est agitée;
L'amour déterminoit son ascendant sur moi;
Il m'alloit captiver. Mes yeux s'ouvrent; je voi
Mes deux soeurs, que devoit flatter l'erreur du monde,
Dans les sombres ennuis, dans la douleur profonde,
L'une pleurant sans cesse un époux adoré,
Aux premiers jours d'hymen dans ses bras expiré;
L'autre prête à mourir, amante infortunée,
Par un vil séducteur trahie, abandonnée;
Mon père, auprès de nous ramené par la paix,
Tout à coup dans la tombe emportant nos regrets;
Son ami malheureux, et que les fers attendent.
Mes regards consternés sur l'univers s'étendent;
Je contemple ces grands, les maîtres des humains;
Je les vois assiégés de semblables chagrins;
Je vois le trône même environné d'alarmes,
Et le bandeau des rois, tout trempé de leurs larmes.

Cette image auroit dû vaincre, et détruire en moi
Le tendre sentiment, qui m'imposoit la loi.
Mais en vain ma raison opposoit son murmure
À ce besoin d'aimer, le cri de la nature;
Mon coeur me trahissoit; je ne combattis plus;
Je cédai; je fixai mes voeux irrésolus.
Il falloit que l'amour remplit toute mon ame,
Et je choisis un dieu pour l'objet de ma flamme.
Dès ce moment, le monde à mes yeux se perdit
Comme une ombre qui passe, et qui s'anéantit,
Je rejettai bientôt ses trompeuses promesses;
Malgré l'espoir flatteur du rang et des richesses,
Malgré tous mes parens, je courus aux autels
M'enchaîner; Dieu reçut mes serments solemnels;
J'ai trouvé tout en lui; pour lui seul je respire.
Ma soeur, à mes transports Dieu seul pouvoit suffire;
Maître des sentimens, il les satisfait tous;
Je n'eus point d'autre amant, je n'ai point d'autre époux,
Ma flamme tous les jours, et s'épure, et s'augmente;
Cette céleste ardeur, du sort indépendante,
Ne craint pas le destin de ces engagemens
Que détruit le caprice, ou la mort, ou le tems.
Non, je ne brûle point pour un amant vulgaire
Qui change, qui périt, ou qui cesse de plaire;
Je brûle pour un dieu; mon esprit immortel
S'embrâsera des feux d'un amour éternel...
Ah! Ma soeur, partagez le bonheur d'une amie;
Dieu lui seul doit regner dans le coeur d'Euphémie.

Euphémie.
Je demande en pleurant qu'il m'ôte un souvenir
Que le devoir, l'honneur m'ordonnent de bannir.
Ce miracle, ô mon dieu! Seroit-il impossible?
Tout rappelle à mon ame une mère inflexible
Que mes gémissements ne sauroient attendrir,
Dont le sein à mes pleurs refuse de s'ouvrir,
Qui pour son fils, hélas! Mère aveugle, idolâtre,
M'accable des rigueurs d'une dure marâtre,
Qui, dans l'ombre du cloître enfermant mes douleurs,
Goûte l'affreux plaisir de séparer deux coeurs,
Tandis que ma tendresse elle m'est toujours chère,
Et dans ses cruautés je ne vois que ma mère...
Sans doute, elle a causé le trépas d'un amant...
Cette image m'accable, irrite mon tourment!

Moi-même ai consommé le fatal sacrifice;
Je me suis imposé le plus affreux supplice.
J'avois perdu Sinval; que m'etoit l'univers?
Et je repousse un dieu! Je pleure sur mes fers!
Sous un fardeau d'ennuis ma faiblesse succombe!
Sinval rentre, cruel, dans la nuit de la tombe,
Tu m'arraches mes voeux je te suis chez les morts,
Ah! Du moins, laisse à Dieu mes pleurs, et mes remords.
Mélanie, la serrant dans ses bras.
Ma soeur, ma tendre amie, il faut cacher ce trouble...

Euphémie.
Puis-je, hélas, le cacher? Chaque instant le redouble.

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