PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Sixième.

Aller en bas 
AuteurMessage
Inaya
Plume d'Eau
Inaya


Féminin
Rat
Nombre de messages : 50031
Age : 63
Date d'inscription : 05/11/2010

Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Sixième.  Empty
MessageSujet: Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Sixième.    Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Sixième.  Icon_minitimeMer 7 Sep - 21:46

Chant Sixième.
Ptolémaïs.

ARGUMENT:
- Souvenir des croisades.
- Itinéraire de l’armée.
- Arrivée devant Ptolémaïs.
- Achmet; son portrait; son caractère.
- Travaux de siège; assaut.
- Tableau de la ville.
- Une nuit d’orage.
- Assaut de nuit.
- Combat dans la ville.
- Témérité de Murat.
- Débarquement des Anglais.
- Arrivée d’un messager au camp français.
- Discours de Bonaparte à Kléber.
- Apparition de l’ange El-Mohdi.


Depuis que sans retour la secte de Médine
Aux princes d’Occident ravit la Palestine,
Et que le dernier Franc, à Solime échappé,
S’embarqua fugitif au môle de Joppé,
Le silence planait sur les collines saintes
Où Rachel exhala ses maternelles plaintes;
Hébron était muet; jamais un faible écho
N’éveillait le Jourdain dormant sous Jéricho;
Partout le fier Croissant, conquérant d’un autre âge,
De Lusignan éteint dominait l’héritage,
Et l’esclave abruti qui porte le turban
Passait, insoucieux, dans les bois du Liban .
Voici que tout-à-coup le long cri d’une armée
Du Thabor à Gaza réveille l’Idumée;
Le cophte du Carmel, saisi d’un grand effroi,
Reconnaît à leurs pas les fils de Godefroi,
Qui vont reconquérir, dans Sion usurpée,
Ses vieux éperons et sa vaillante épée,
Comme au siècle héroïque où tremblait le Jourdain
Sous les pas de Tancrède et de Salah-eddin.
Mais les temps ne sont plus où l’Europe ébranlée
Disputait aux soudans le divin mausolée;
Moins pieuse aujourd’hui, de ses Croisés nouveaux
L’austère République attend d’autres travaux.
Déjà, de leurs aïeux retrouvant les vestiges,
Les Français ont foulé la terre des prodiges;
Ils ont vu les cités dont le nom éternel
Résonne à chaque page au livre d’Israël;
La déserte Gaza, la sainte Arimathie,
Joppé cent fois détruite et toujours rebâtie,
Joppé, môle célèbre où les peuples d’Ophir
Portaient à Salomon la pourpre et le saphir;
Où les princes chrétiens, sur une mer docile,
Attendaient les convois des Croisés de Sicile.
C’est en vain qu’aujourd’hui, dans ses murs menacés,
Les Mamelucks du Nil, de l’Egypte chassés,
Aux milices d’Achmet mêlant leur frénésie,
Ferment à nos soldats les portes de l’Asie;
Bonaparte, élancé sur ses créneaux fumans,
Eteint dans un assaut les canons ottomans,
Et dans Ptolémaïs, qui tremble au sein des ondes,
S’abritent des vaincus les hordes vagabondes.
L’armée a poursuivi son vol précipité:
Elle quitte Miski, rivage inhabité,
Et la tour de Zéta, dont la hauteur massive
Domine des côteaux que parfume l’olive.
On signale Naplouse et son riche vallon,
Les rives du Bélus, les figuiers d’Esdrelon,
La chaîne du Carmel dont la cime adorée
Sert de phare au chrétien voguant vers Césarée,
Et l’imposante mer qui, sous un soleil pur,
Prête à ces grands tableaux sa bordure d’azur.
La mer en ce moment, comme une immense glace,
Déroulait au couchant sa déserte surface;
Seulement du rivage où la vague s’endort,
Comme un double signal d’incendie et de mort,
On distinguait au loin le Tigre et le Thésée,
Qui berçaient lentement leur poupe pavoisée,
Et leurs flancs arrondis où, pour ses noirs complots,
L’Angleterre a caché des soldats matelots.
Ainsi dans le courant d’un fleuve semé d’îles,
Blottis sous des roseaux, deux larges crocodiles,
L’oe.il fixé sur le bord à l’heure où le jour fuit,
Attendent les troupeaux que la soif y conduit.
Enfin à l’horizon, sur son blanc promontoire,
Paraît Ptolémaïs, puissante dans l’histoire,
Formidable cité dont le vaste contour
A chaque angle saillant fait surgir une tour;
Ses murs, dont les canons bordent la haute cime,
Ont pour base le roc, et pour fossé l’abîme:
Ainsi par l’Océan protégée à demi,
Elle n’offre qu’un point aux feux de l’ennemi.
C’est là que règne Achmet, tyran sexagénaire;
L’âge n’a pas dompté son humeur sanguinaire:
Son regard menaçant, où scintille le feu,
Luit sous ses blancs sourcils que presse un turban bleu;
Sa barbe, qui sans art en pointe se dessine,
Comme un réseau de nacre ombrage sa poitrine;
Deux pistolets massifs aux solides pommeaux,
Le poignard que Damas a trempé dans ses eaux,
La dague dont la pointe infecte une blessure,
D’un mobile arsenal hérissent sa ceinture;
Un sabre suspendu par un cordon grossier
Résonne à chaque pas dans le fourreau d’acier,
Et sur son large dos s’alonge en bandoulière
La lourde carabine à sa main familière.
Entre tous les pachas Sélim sut le choisir.
Féroce par instinct et bourreau par plaisir,
Souvent dans la cité, sous une nuit profonde,
Le juge exécuteur fait sa funeste ronde,
Et, quand brille le jour, un sang noir et glacé
Révèle les chemins où le maître a passé.
Des princes d’Orient le luxe héréditaire
Jamais n’étincela dans sa cour solitaire;
Même dans le harem du farouche visir
Un parfum de cadavre irrite le plaisir.
Sanglantes voluptés! malheur à la captive
Que choisit pour la nuit sa cruauté lascive!
Dans sa main, que dirige un féroce transport,
Le mouchoir du plaisir est un linceul de mort.
Pourtant, à tous les yeux le pacha de Syrie
Etale d’un iman la sainte rêverie;
Tandis qu’un cri plaintif, aux mourans arraché,
Perce de ses caveaux le soupirail caché,
Lui, sur un jonc grossier croisant ses jambes nues,
Récite du Koran les sentences connues,
Ou de ses doigts distraits il égrène, en priant,
Le rosaire sans fin des peuples d’Orient.
Cependant Dufalga, sous la ville assiégée,
Décrit autour du camp sa ligne prolongée;
Abrités par l’osier arrondi de leurs mains,
Ler muets artilleurs creusent d’étroits chemins;
D’autres, en serpentant sous ces obliques routes,
Elèvent le gazon qui masquent les redoutes,
Et ce long mur de terre, exhaussé dans la nuit,
De la tour menacée embrasse le circuit.
Le jour vient; des canons les rapides volées
Ebranlent les remparts aux cimes crénelées;
Sous l’effort du boulet qui tourmente leurs flancs,
De gigantesques blocs, assis depuis mille ans,
Tombent broyés en poudre, et la brèche entamée
A ses degrés mouvans semble inviter l’armée.
Mais déjà sur les tours, sur les murs envahis,
Achmet a répandu d’innombrables saphis;
L’indomptable vieillard, quittant sa cour déserte,
Paraît sur les débris où la brèche est ouverte;
C’est le point de l’assaut: sur les brûlans sentiers,
Bonaparte a lancé ses hardis grenadiers;
Dans leurs rangs, que dévore une mitraille oblique,
On entend ce long cri: Vive la République!
On entend le tambour aux sons vifs et pressés,
Et le sol qui frémit sous les pas cadencés.
Les Mamelucks du Nil, les soldats de Syrie,
Au sang-froid des chrétiens opposant leur furie,
Sur les débris du mur, vainqueurs ou terrassés,
Provoquent l’ennemi de leurs cris insensés;
Dans leurs agiles mains, comme un cercle de flamme,
Brillent, en s’agitant, la hache à double lame,
Les dagues, les candjars, les damas recourbés,
Et la pesante masse aux quatre angles plombés.
Sur les bords du glacis que le boulet sillonne,
Les généraux français devancent la colonne;
On entrevoit encor, dans le gouffre de feu,
Leur panache éclatant, leur uniforme bleu.
D’un siège désastreux effroyable prélude!
L’ennemi les devine à leur noble attitude;
Et devant leurs soldats d’épouvante glacés
Ces héroïques chefs roulent dans les fossés.
Bon tombe le premier; la foudre inaperçue
Atteint le fier Rambaud au milieu de l’issue;
Bientôt à ses côtés Fouler, Croisier, Venaux,
Rougissent de leur sang les débris des créneaux;
Le calme Dufalga, qui loin de la mêlée
Traçait d’un mur nouveau l’enceinte reculée,
Expire aux yeux du chef, en montrant de la main
La place où doit s’ouvrir l’assaut du lendemain-
Héroïques guerriers! sur la rive étrangère
Qu’à vos froids ossemens la terre soit légère!
Demain l’armée en deuil suivra votre convoi
Sous les vieux oliviers plantés par Godefroi.
Dormez d’un doux sommeil! Tandis que l’Idumée
Gardera, sans témoins, votre cendre inhumée,
Vos noms des coe.urs français ne seront point bannis;
Ils vivront dans nos vers, par les ans rajeunis,
Tant que le Panthéon, moderne Capitole,
Protègera Paris de sa blanche coupole,
Tant qu’au sein de ses murs un aigle souverain
Pressera sous ses pieds la colonne d’airain.
Mais du héros français la sagesse assidue
De ce combat terrible embrassait l’étendue;
Au désolant aspect de nos sanglans revers,
Il livre sa pensée à des regrets amers.
Tout-à-coup, sous les murs, un roulement sonore
Rappelle les soldats que le combat dévore,
Et ces fiers bataillons, mornes, silencieux,
La rage dans le sein, s’éloignent de ces lieux.
La tristesse est au camp; mais de longs cris de fête
Font tressaillir d’orgueil la ville du Prophète;
La noire populace, à flots impétueux,
Parcourt de la cité les quartiers tortueux;
Pareils à des chakals dont les dents affamées
Fouillent les grands cercueils où tombent les armées,
De hideux Africains, sous les sombres remparts,
Mutilent des chrétiens les cadavres épars,
Et par leurs longs cheveux des têtes suspendues
Sur la place publique au Pacha sont vendues.
Demain, à l’heure fraîche où la brise des mers
Glisse avec ses parfums dans les vallons déserts,
Quand sur l’azur du ciel l’aube à peine étoilée
Dessine en blancs festons les monts de Galilée,
Les soldats, de leur tente arrachés demi-nus,
Verront sur les créneaux des visages connus;
Pour un horrible emploi ces têtes sont placées:
Dans le prochain assaut vers ses tours menacées,
L’ennemi des chrétiens, de ses canons fumans,
Rejettera contre eux ces boulets d’ossemens.
Pendant que les soldats, rassemblés sous la tente,
Accusaient de ce jour la fortune inconstante,
Que d’autres, terrassés par un sommeil puissant,
Oubliaient les horreurs du carnage récent,
Bonaparte et ses chefs qu’éveille la pensée,
Vers la villa assoupie en sa joie insensée,
Disposent avec art un assaut clandestin
Que ne doit point trahir la lueur du matin.
Le moment est propice: une nuit plus confuse
Semble favoriser le courage et la ruse;
Des nuages massifs sortis des sombres eaux
Etendent dans le ciel leurs immenses arceaux;
Aux limites du camp la vedette perdue
Interroge du sol la muette étendue;
Partout d’un rideau noir l’horizon est voilé:
Seulement vers le sud, comme un astre isolé,
Sur le cap orageux que la mer avoisine,
On voit étinceler la torche de résine,
Phare consolateur qu’aux lampes de l’autel
Allume dans la nuit le moine du Carmel.
Sous le morne chaos des ombres sépulcrales,
Des antres du Thabor élancé par rafales,
Le vent fait retentir ses discordantes voix:
Tel qu’un vaste troupeau qui beugle au fond des bois,
Il gronde sur la mer, et le flot qu’il excite
Comme un rauque bélier sape la Tour-Maudite;
A ce murmure sourd mêle son cri de deuil
Le lamentable loumb, triste oiseau de l’écueil.
Alors la voix du chef, que le geste répète,
Agite dans le camp une foule muette;
Les soldats sur leur couche éveillés en sursaut
S’alignent par instinct pour le nocturne assaut;
Au bruit qui se répand leur courage bouillonne:
On a dit que guidant la première colonne,
Cette nuit Bonaparte, escorté de Kléber,
Va surprendre la tour du côté de la mer.
Déjà les bataillons, dans l’ombre du mystère,
Abandonnent du camp l’enceinte solitaire;
Ils longent l’aqueduc que Djezzar a construit,
Et par d’obscurs chemins où leur chef les conduit,
Jusqu’aux bords de la mer se glissant en silence,
Des fossés aux remparts franchissent la distance.
Soudain un large éclair qui jaillit de la tour,
Sur le sombre glacis tombe comme le jour;
Les lourds canons, qu’effleure une ardente fusée,
Rougissent des créneaux l’embrasure évasée,
Et ce feu qui s’échappe en lumineux sillons,
Trahit aux pieds du mur nos muets bataillons;
A l’horrible lueur dans les airs répandue,
Des hardis assiégeans la marche est suspendue.
Déjà les derniers rangs fuyaient vers le glacis;
Mais d’une voix qui parle au courage indécis,
Seul, debout sur un bloc que le canon domine,
Qu’effleure le boulet, que l’éclair illumine,
Bonaparte retient leurs pas précipités:
« Compagnons, voyez-vous ces brillantes clartés?
L’ennemi, secondé par l’ouragan qui gronde,
Veut ravir vos exploits à cette nuit profonde;
Rendez grâce au canon qui rallume le jour,
Marchez: le sort du monde est là, dans cette tour! »
Quand l’Etna, secouant son casque de fumée,
Menace de ses blocs la Sicile alarmée,
Tourmenté dans son lit, le flot palermitain
Se replie en fuyant jusqu’à l’écueil lointain;
La plage montre à nu sa grève solitaire:
Tout-à-coup, rappelée au centre du cratère,
La vaste mer, qu’annonce un mugissement sourd,
Bouleverse en passant le fond qu’elle parcourt,
Et loin des bords prescrits la vague diligente
Se montre inattendue aux peuples d’Agrigente.
Ainsi vers le fossé les soldats chancelans
Remontent sur la brèche à flots étincelans.
A leur tête est Murat; sous la tente tranquille,
Il languissait au camp, dans le repos d’Achille:
Mais cédant au démon qui dévore son sein,
Le brillant cavalier s’est créé fantassin.
Junot vole après lui; Verdier, Duroc, La Salle,
Kléber, comme une tour colossale,
Refoulent devant eux les Turcs amoncelés.
Parmi vingt autres chefs que la nuit a voilés,
Lannes d’un bras puissant plante sur la muraille
Un reste de drapeau criblé par la mitraille,
Et perçant dans ses bonds un rempart de saphis,
Le premier de l’armée entre à Ptolémaïs.
Partout de nos soldats les masses accourues,
De l’étroite cité percent les sombres rues;
Mais bientôt l’ennemi, repoussé de la tour,
Dans ses murs envahis les assiège à son tour:
Les Turcs, les Mamelucks, la noire populace,
Des quartiers de la ville ont encombré l’espace;
D’autres, du haut des toits en créneaux transformés,
Font pleuvoir sur le sol des débris enflammés;
Les femmes, les enfans, que l’exemple aiguillonne,
Versent l’huile fumeuse et la poix qui bouillonne.
Dans les rangs ténébreux les chefs sont confondus;
Comme un tigre qui court par bonds inattendus,
L’infatigable Achmet, au sein de la mêlée,
Brandit sur les chrétiens sa masse ciselée.
Tu tombas le premier sous sa terrible main,
Lannes, qui de la ville as compris le chemin!
Déjà les Musulmans, qu’exalte leur défaite,
Ont levé le damas sur cette noble tête,
Quand, rapide vengeur, vers son ami blessé,
Suivi de ses dragons, Murat s’est élancé:
Son bras se multiplie, et son damas qui vole
Trace autour de sa tête une ardente auréole.
Une terreur subite a glacé les Croyans:
A ces flottans cheveux, à ces yeux flamboyans,
A ce dolman d’azur que la tempête agite,
Dans les murs désolés de leur ville maudite,
Ils ont cru qu’animé d’un céleste transport,
Tombe, un glaive à la main, l’archange de la mort.
Tout fuit devant Murat; sa formidable épée,
Sur une foule obscure à regret occupée,
Frappe du même coup Ismaël et Pharan;
Il renverse Hassem, contempteur du Koran,
Hassem, qui, possesseur des vignes d’Idumée,
Vidait dans les festins sa coupe parfumée;
Sur le pavé sanglant il précipite encor
Dragut, Orcan, Sédir, cher au peuple de Tor,
Puis comme fatigué d’un combat monotone,
Il saisit un coursier que le hasard lui donne,
Et s’élance au galop dans la vaste cité;
Bientôt de ses quartiers fuyant l’obscurité,
Sur le môle désert le cavalier s’arrête:
Il détache un canot que berce la tempête,
S’y jette tout armé, rompt la chaîne du port,
Double la Tour-Maudite, et voguant vers le nord,
Il descend en vainqueur sur la longue esplanade
Où l’aqueduc d’Achmet s’élève en double arcade.
Tandis que le héros, d’un vol aventureux,
Parcourait de ces murs les sentiers ténébreux,
Et que nos bataillons, arrêtés dans la ville,
Prodiguaient en mourant un courage inutile,
Les vaisseaux d’Angleterre, apparus sur les eaux,
De leur ceinture en feu démasquent les créneaux;
Jusque sur le glacis leurs tonnantes volées
Atteignent des chrétiens les masses reculées,
Et l’aspect imprévu d’un allié puissant
Ressuscite l’effort des soldats du Croissant.
Aux lueurs de ces feux, le Tigre et le Thésée
Ont lancé leurs canots sur la mer apaisée;
Les fils de l’Océan ont débarqué sans bruit.
Pour ajouter encore à l’horreur de la nuit,
Arrive un messager sur son haut dromadaire;
Auprès du général conduit avec mystère,
D’une voix étouffée et d’un geste expressif,
Il parle sans témoins au héros attentif;
Quelque temps Bonaparte en silence médite:
Tout-à-coup, de la main montrant la Tour-Maudite,
Il ordonne à Berthier, ami fidèle et sûr,
De rappeler Kléber qui combat sous le mur;
Il arrive sanglant, la tête échevelée,
Tournant à chaque pas ses yeux vers la mêlée:
« Kléber, le sort cruel nous garde d’autres coups;
Les plus pressans dangers ne sont pas devant nous;
Des prodiges nouveaux attendent ton épée:
Une armée innombrable au Thabor est campée,
Et si ton bras sauveur ne l’arrête en chemin,
Sur nos soldats lassés elle tombe demain.
Hâte-toi, n’attends pas que cette nuit funeste
De ces vieux bataillons ait dévoré le reste;
Prends deux mille soldats, ceux qui sous leurs drapeaux
Goûtent loin de la brèche une heure de repos;
Pour vaincre ou pour mourir tu les verras dociles:
Les vallons du Thabor seront nos Thermopyles;
Là nous verrons tomber mes enfans et les tiens,
Ou nous en sortirons grands comme les anciens. »
A ces mots, l’étreignant de ses mains enlacées,
Il semble le remplir de ses grandes pensées;
Et les doubles éclairs du rempart et des cieux
Révélaient aux soldats ces sublimes adieux.
Kléber part; la colonne, à sa voix attentive,
Remonte du Bélus la solitaire rive.
L’armée au même instant, que la voix du tambour
Arrache de l’assaut prolongé sous la tour,
S’arrête tout-à-coup, d’épouvante saisie;
Elle a vu s’élancer vers la route d’Asie,
Comme un spectre sorti de la ville des morts,
Le farouche El-Modhi sur un cheval sans mors.
Un cri d’horreur le suit; Murat, que rien n’étonne,
Seul, se précipitant vers le rempart qui tonne,
Ouvre ses bras nerveux pour le saisir vivant;
Mais l’horrible étranger a fui comme le vent.
De joie, à son aspect, Ptolémaïs s’agite;
Il franchit les deux murs, monte à la Tour-Maudite,
Et, prophète inspiré d’un lendemain fatal,
Paraît comme un Typhon sur son noir piédestal.









Revenir en haut Aller en bas
 
Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Sixième.
Revenir en haut 
Page 1 sur 1
 Sujets similaires
-
» Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Cinquième
» Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Septième.
» Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Huitième
» Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant premier
» Auguste Barthélemy (1796-1867) Chant Deuxième.

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: