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 Victor HUGO (1802-1885) Alerte! un cavalier passe dans le chemin.

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James
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Victor HUGO (1802-1885) Alerte! un cavalier passe dans le chemin.  Empty
MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Alerte! un cavalier passe dans le chemin.    Victor HUGO (1802-1885) Alerte! un cavalier passe dans le chemin.  Icon_minitimeDim 25 Sep - 17:54

Alerte! un cavalier passe dans le chemin.

C'est l'heure où les soldats, aux yeux lourds, aux fronts blêmes,
La sieste finissant, se réveillent d'eux-mêmes.
Le cavalier qui passe est habillé de fer;
Il vient par le sentier du côté de la mer;
Il entre dans le val, il franchit la chaussée;
Calme, il approche. Il a la visière baissée;
Il est seul; son cheval est blanc.

Bon chevalier,
Qu'est-ce que vous venez faire dans ce hallier?
Bon passant, quel hasard funeste vous amène
Parmi ces rois ayant de la figure humaine
Tout ce que les démons peuvent en copier?
Quelle abeille êtes-vous pour entrer au guêpier?
Quel archange êtes-vous pour entrer dans l'abîme?

Les princes, occupés de bien faire leur crime,
Virent, hautains d'abord, sans trop se soucier,
Passer cet inconnu sous son voile d'acier;
Lui-même, il paraissait, traversant la clairière,
Regarder vaguement leur bande aventurière;
Comme si ses poumons trouvaient l'air étouffant,
Il se hâtait; soudain il aperçut l'enfant;
Alors il marcha droit vers eux, mit pied à terre,
Et, grave, il dit:

-Je sens une odeur de panthère,
Comme si je passais dans les monts de Tunis;
Je vous trouve en ce lieu trop d'hommes réunis;
Fait-on le mal ici par hasard? Je soupçonne
Volontiers les endroits où ne passe personne.
Qu'est-ce que cet enfant? Et que faites-vous là?-

Un rire, si bruyant qu'un vautour s'envola,
Fut du fier Pacheco la première réponse;
Puis il cria:

-Pardieu, mes frères! Jorge, Ponce,
Ruy, Rostabat, Alonze, avez-vous entendu?
Les arbres du ravin demandent un pendu;
Qu'ils prennent patience, ils l'auront tout à l'heure;
Je veux d'abord répondre à l'homme. Que je meure
Si je lui cède rien de ce qu'il veut savoir!
Devant moi d'ordinaire, et dès que l'on croit voir
Quelque chose qui semble aux manants mon panache,
Vite, on clôt les volets des maisons, on se cache,
On se bouche l'oreille et l'on ferme les yeux;
Je suis content d'avoir enfin un curieux.
Il ne sera pas dit que quelqu'un sur la terre,
Princes, m'aura vu faire une chose et la taire,
Et que, questionné, j'aurai balbutié.
Le hardi qui fait peur, muet, ferait pitié.
Ma main s'ouvre toujours, montrant ce qu'elle sème.
J'étalerais mon âme à Dieu, vint-il lui-même
M'interroger du haut des cieux, moi, Pacheco,
Ayant pour voix la foudre et l'enfer pour écho.
Çà, qui que tu sois, homme, écoute, misérable.
Nous choisirons après ton chêne ou ton érable,
Selon qu'il peut te plaire, en ce bois d'Ernula,
Pendre à ces branches-ci plutôt qu'à celles-là.
Écoute: ces seigneurs à mines téméraires,
Et moi, le Pacheco, nous sommes les dix frères;
Nous sommes les infants d'Asturie; et ceci,
C'est Nuño, fils de feu notre frère Garci,
Roi de Galice, ayant pour ville Compostelle;
Nous, ses oncles, avons sur lui droit de tutelle;
Nous l'allons verrouiller dans un couvent. Pourquoi?
C'est qu'il est si petit, qu'il est à peine roi;
Et que ce peuple-ci veut de fortes épées;
Tant de haines autour du maître sont groupées
Qu'il faut que le seigneur ait la barbe au menton;
Donc, nous avons ôté du trône l'avorton,
Et nous l'allons offrir au bon Dieu. Sur mon âme,
Cela vous a la peau plus blanche qu'une femme!
Mes frères, n'est-ce pas ? c'est mou, c'est grelottant;
On ignore s'il voit, on ne sait s'il entend;
Un roi, ca! rien qu'à voir ce petit, on s'ennuie.
Moi, du moins, j'ai dans l'oeil des flammes, et la pluie,
Le soleil et le vent, ces farouches tanneurs,
M'ont fait le cuir robuste et ferme, messeigneurs!
Ah! pardieu, s'il est beau d'être prince, c'est rude:
Avoir du combattant l'éternelle attitude,
Vivre casqué, suer l'été, geler l'hiver,
Être le ver affreux d'une larve de fer,
Coucher dans le harnais, boire à la calebasse,
Le soir être si las qu'on va la tête basse,
Se tordre un linge aux pieds, les souliers vous manquant,
Guerroyer tout le jour, la nuit garder le camp,
Marcher à jeun, marcher vaincu, marcher malade,
Sentir suinter le sang par quelque estafilade,
Manger des oignons crus et dormir par hasard,
Voilà. Vissez-moi donc le heaume et le brassard
Sur ce foetus, à qui bientôt on verra croître
Par derrière une mitre et par devant un goître!
A la bonne heure, moi! je suis le compagnon
Des coups d'épée, et j'ai la Colère pour nom,
Et les poils de mon bras font peur aux bêtes fauves.
Ce nain vivra tondu parmi les vieillards chauves;
Il se pourrait aussi, pour le bien de l'état,
Si l'on trouvait un puits très-creux, qu'on l'y jetât;
Moi, je l'aimerais mieux moine en quelque cachette,
Servant la messe au prêtre avec une clochette.
Pour nous, chacun de nous étant prince et géant,
Nous gardons sceptre et lance, et rien n'est mieux séant
Qu'aux enfants la chapelle et la bataille aux hommes.
Il a précisément dix comtés, et nous sommes
Dix princes; est-il rien de plus juste? A présent,
N'est-ce pas, tu comprends cette affaire, passant?
Elle est simple, et l'on peut n'en pas faire mystère;
Et le jour ne va pas s'éclipser, et la terre
Ne va pas refuser aux hommes le maïs,
Parce que dix seigneurs partagent un pays,
Et parce qu'un enfant rentre dans la poussière.-

Le chevalier leva lentement sa visière:
Je m'appelle Roland, pair de France,- dit-il.

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James

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