PLUME DE POÉSIES
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 Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 4

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 4   Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 4 Icon_minitimeSam 8 Oct - 18:17

UNE AUTRE VOIX
Et d'abord, de quel Dieu veux-tu parler? Précise.
Quel est celui qui tient ta pensée indécise?
Dis, est-ce du Dieu peint en jaune, en rouge, en bleu;
Habitant d'un triangle où flambe un mot hébreu;
Face dorée au fond d'une nuée épaisse;
Portant couronne, étole, et glaive, et sceptre; espèce
D'empereur, habillé d'un habit de soleil,
Ayant au poing le globe et Satan sous l'orteil,
Assis dans une chaire, et dictant la sentence
D'Arius à Nicée et de Huss a Constance;
Niant le genre humain, concile universel;
Servant de majuscule aux pages du missel;
Dieu qui met Galilée en prison, et de Maistre
En sentinelle au seuil du paradis terrestre;
Dieu qu'une vieille en rêve, au bruit qu'en se choquant
Font dans l'immensité des foudres de clinquant,
Sous un grand dais d'azur que l'astre damasquine,
Aperçoit lui montrant les numéros d'un quine;
Dieu gothique, irritable, intolérant, tueur,
Noir vitrail effrayant qu'empourpre la lueur
Du bûcher qui flamboie et pétille derrière?
Est-ce du Dieu qui veut la chanson pour prière,
Qu'on invoque en trinquant, Dieu bon vivant, qui rit;
Comprend, sait que la chair est faible, a de l'esprit;
Dieu point fâcheux qui vit en bonne intelligence
Avec les passions de votre pauvre engeance,
Excusant le péché, l'expliquant au besoin,
Clignant de l'oeil avec le diable dans un coin,
Flânant, regardant l'homme en sa fainéantise,
Mais jamais du côté qui fait une sottise,
Et pas très. sûr au fond lui-même d'exister?
Est-ce du Dieu qu'on voit à Versailles monter
Aux carrosses du roi, bien né, suivant. les modes,
Rendant aux Montespans les Bossuets commodes,
Dieu de cour, Dieu de ville, avec soin expurgé
De toute humeur brutale et de tout préjugé,
Complaisant; paternel aux morales mondaines;
Avec les Massillons émoussant les Bridaines ;
Dieu qu'un fripon coudoie avec tranquillité;
Dieu par la politique et le siècle accepté;
Lâchant son ciel; disant: Paris vaut une messe;
Souple et doux, dispensant les rois de leur promesse,
Point janséniste, point pédant, point monacal;
Permettant à Sanchez d'effaroucher Pascal,

Au banquier d'encoffrer cent pour cent, à la femme,
Laide, d'être méchante, et, belle, d'être infame;
Passant l'épice au juge, au marchand le faux poids;
Habile; à Notre-Dame accouplant Quincampoix;
Sévère seulement aux têtes raisonnantes,
Tuant un peu Ramus, biffant l'édit de Nantes,
Mais qui, pourvu qu'on soit, dans les grands jours, pilier
A l'église, et qu'on soit cousin d'un marguillier,
Et qu'on veuille que Rome en tout règne et s'accroisse,
Et qu'on rende le pain bénit à sa paroisse,
Vous prend en amitié, vous soutient chaudement,
Vous épouse, travaille à votre avancement,
Parle à son excellence et vous pousse, et procure
Un grade aux fils aînés, aux cadets une cure,
En attendant la mitre ou les canonicats;
Dieu facile, logeable, aimable, utile en-cas
Qui se contente, ayant d'indulgence boutique,
D'un peu d'hypocrisie et d'un peu de pratique;
Dogme et religion des dévôts positifs
Qui font de temps en temps des voyages furtifs,
Courts, dans l'éternité, l'abîme, le mystère,
Et l'insondable, avec ce Dieu pour pied-à-terre?
Est-ce du Dieu guerrier, militaire, sanglant,
Qui s'inquiète peu. que vous mangiez du gland
Ou du pain, mais qui veut pour rites et pour cultes
Glaives, piques, corbeaux, scorpions, catapultes,
Grappin horrible où pend un vaisseau tout entier,
Tortue avec sa claie enduite de mortier,: .
Béliers fixes, heurtant les murs comme des proues,
Telenos enlevant des soldats, tours a roues
Recouvertes de-mousse-et de crin de cheval;
Plus tard, pierriers broyant quelque donjon-rival
Jusqu'à ce qu'il s'en aille en cendre et se dissoude,
Mangonneaux, fauconneaux, bat-murs, pièces à coude,
Renversant les cités dans leur fossé bourbeux;
Volcans grégeois traînés par trente jougs-de boeufs,
Canons vénitiens, serpentines lombardes;
Dieu qui dit à Coglione : attelle les bombardes;
Qui rit, pauvre blessé, du grabat où tu geins,
Que la bataille enivre avec tous ses engins,
Chaudrons à poix bouillante et fours à boulets rouges,
Qui chasse les manants éperdus de leurs bouges;
Qui rêve Te Deum qui s'endort aux accents
De l'obusier Lancastre et du mortier Paixhans ;
Qui prête, quand la mine est faite sous la brèche,
Son tonnerre du besoin pour allumer la mèche,
Et, quand la terre s'ouvre avec un large éclair,
S'épanouit de voir les gens sauter en l'air?


Vision du passé par votre âge subie!
Est-ce du Dieu jugeur? Oh! l'étrange lubie!
Dieu chancelier, portant perruque in-folio,
Vidant le procès Homme et l'Être imbroglio!
Dieu président, siégeant dans l'univers grand'chambre,
Jugeant l'âme, et bâillant, sous un ciel de décembre,
Entre l'avocat ange et l'avocat démon?
Dis, est-ce le dieu guèbre, est-ce le dieu mormon
Qu'il te faut? Ou le Dieu qui fit rouer Labarre?
Vois. Choisis. Ou le Dieu qui donne au turc barbare
Des femmes plein la tombe et plein le firmament?
Ou bien est-ce le Dieu qui fait lugubrement
Chanter, quand l'heure vient de vêpre ou de matines,
L'homme qui n'est plus homme aux chapelles sixtines,
Et qui, lui créateur, se plaît à l'écouter?
Ou parles-tu du Dieu qu'il faudrait inventer,
Que dans l'ombre la peur concède au phénomène,
Par les sages bâti sur la sagesse humaine,
Utile à ton valet, bon pour ton cuisinier,
Modérateur des sauts de l'anse du panier,
Dieu de raison qu'au fond de son spectre solaire
Le bourgeois bienveillant raille, exile et tolère,
Dieu consenti par Locke et que Grimm refusa,
Très-Haut à qui d'Holbach a donné son visa,
Éternel maçonné par le vivant qui. passe,
Entrecolonnement du temps et de l'espace,
Pièce d'architecture ajoutée après coup
A la vie, au destin, au bien, au mal, à tout,
Tour tremblante de vide et hors-d'oeuvre de l'homme?
Tous ces dieux, quel que soit le nom dont on les nomme,
Sont tout, excepté Dieu.
L'homme abject a besoin,
Étant méchant, d'un juge, et, hideux, d'un témoin;
Il veut un Dieu. C'est bien. L'homme prend de la brique,
De la pierre, du plomb, du bois, et le fabrique;
Chaque peuple a le sien; et la religion
A l'Unité pour masque et pour nom Légion.
Un temple voit la nuit où l'autre voit l'aurore;
Chéos adore Ammon que Jagrenat ignore;
Pour Delphe Odin n'est pas; la solimaniéh
Affirme Mahomet par le dolmen nié.
La terre crée un monstre et se met sous sa garde;
Et c'est avec stupeur que le grand ciel regarde
Croître sur vos fumiers ce misérable Dieu.
Nous ne nous mettons pas en peine de si peu,
Nous autres les esprits errant dans l'étendue;
Et, sans nous acharner à la lueur perdue,
Sans poursuivre l'obscure et pâle vision,
Sans exiger de l'ombre une solution,

Nous raillons dans. la nuit votre Brahma fétiche,
Dieu qui mêle à à sa barbe un infini postiche,
Dieu singe pour le nègre et Dieu peste au Thibet;
Bourreau dressant sur l'homme un immense gibet,
Boeuf a Memphis, dragon à Tyr, hydre en Chaldée,
Chimère et non raison, idole et non idée.
Ton globe, vieil enfant, joue avec ce hochet.
Homme, esprit fou qu'en vain Diogène cherchait,
Homme, tu fais pitié même aux êtres du gouffre,
Même à l'obscurité qui frissonne et qui souffre;
Car ton monde étroit rêve un rêve limité;
Il se compose un Dieu de son infirmité;
Et, dans l'abjection de ses passions vaines,
Instinct, science, amour, colère, guerres, haines,
Il se fait de sa fange une divinité!
Il pétrit de la terre avec l'éternité!
Et quand dans sa furie, et quand dans sa débauche,
Inepte, il a forgé cette effroyable ébauche,
Ce géant muet, sourd, aveugle, dur, fatal,
Ce spectre d'ombre ayant l'horreur pour piédestal,
Il achève ce Dieu de laideur, d'imposture,
De nuit, avec la peur qu'il a de la nature.
O toi qui passes là, que veux-tu donc?

Et moi:
-Je veux le nom du vrai, criai-je plein d'effroi,
Pour que je le redise à la terre inquiète.
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Victor HUGO (1802-1885) Une autre voix 4
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