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 Victor HUGO (1802-1885) À de certains moments, l'homme juste est risible.

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) À de certains moments, l'homme juste est risible.   Victor HUGO (1802-1885) À de certains moments, l'homme juste est risible. Icon_minitimeDim 27 Nov - 22:42

À de certains moments, l'homme juste est risible.
Tous les archers moqueurs prennent l'honneur pour cible;
Les choses et les mots changent de sens; on est
Barbès, Garibaldi, Baudin 14, lisez: benêt;
Caton est le Sosie auguste de Jocrisse;
Prudence et dignité se nomment avarice;
Tout est défiguré, calomnié, noirci;
Un front de vierge n'est qu'un masque réussi.
Quoi! vous vous dites pur, vous me croyez donc bête.
Quel est votre motif secret pour être honnête?
Le bien suspect confine au mal; pas de vertu
Qui ne vienne d'un vice immonde qu'on ait eu;
Oh! s'il vivait, celui qu'on mena chez Pilate "
Sanglant, coiffé d'épine et vêtu d'écarlate,
Comme on reprocherait, en glosànt là-dessus,
La Madeleine au Christ et-saint-Jean à Jésus!
Comme on l'appellerait sacrilège, profane,
Fourbe! comme on rirait de ce dieu sur un âne!
Car on a tant d'esprit qu'on est inepte; on dit:
Monk est un paladin, Bayard est un bandit.
Un contresens hideux fausse les âmes viles.
O grandeurs des vieux temps, laissez-nous donc tranquilles!
La déroute, l'orgie, et la peur, sont nos soeurs;
Ceux qu'on nomme héros, nous les nommons poseurs;
Les invincibles sont suivis des incurables.
On entend un jongleur dire, -ô temps misérables! -
Que l'honneur est néant, que la gloire est zéro,

Et qu'il hait le martyr autant que le bourreau.
Quoi! Régulus! d'Assas! quoi! des vertus si hautes,
De tels dévoûments, c'est à se tenir les côtes!

Écoutez-les parler: -Je dis, et je m'en tords
De rire, que Socrate au fond a tous les torts;
Bien vivre, et de laquais emplir son vestibule,
Cela vaut mieux que d'être Horace ou Thrasybule;
Je préfère, en dépit de Dante le rimeur,
Trimalcion qui soupe à Thraséas qui meurt;
Je contemple Aristide avec insouciance;
Je sens mon estomac plus que ma conscience;
Je ne tiens pas le moins du monde à rayonner,
Et plus qu'un grand exploit j'estime un bon dîner.
Ayons donc le bon sens d'être ce que nous sommes,
Des nains; délivrons-nous du fardeau des grands hommes.
A bas tous ces gens-là! l'orgueil les étouffait;
Votre Léonidas veut faire de l'effet;
Qu'est-ce que Winkelried? un crétin ineffable.
Quant à Guillaume Tell, messieurs, c'est une fable.
Le lion qui mangea Callisthène a bien fait.
Hoche, Marceau, Kléber? J'aime autant Galliffet.
Vivent ceux qui toujours plièrent et fléchirent! -

Et des sages, sortis de Lilliput, déchirent
Toute la vieille histoire où ces grands noms ont lui.
On se sent insulté par la gloire d'autrui.
On excuse Anitus et l'on comprend Zoïle.
Le vrai, le faux, cela se joue à croix ou pile.
On ébauche en l'honneur du tigre un vague chant;
Est-on sûr que Néron, après tout, fût méchant?
L'oiseau de basse-cour fête l'oiseau de proie.
On est abominable et stupide avec joie;
Décroître plaît; c'est. doux et bon d'être petit;
La multitude, ayant pour amour l'appétit,
Craint la contagion des âmes magnanimes;
Duperie et devoir deviennent synonymes;
L'infamie est utile et la probité nuit
Et c'est ainsi qu'on entre en raillant dans la nuit,
O douleur! et qu'on voit s'effacer au solstice
Tous ces astres, le droit, l'idéal, la justice,
C'est ainsi que notre âme abdique, c'est ainsi
Qu'un peuple est lentement par la honte saisi,
C'est ainsi qu'on est monstre après qu'on fut archange,
Que la Rome d'Émile et de Gracchus se change
En la Rome d'Ignace, et que le grand Paris
Tombe 'de plus que Sparte à moins que Sybaris.

16 août 1873. Auteuil. V. M. "'
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