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 Victor HUGO (1802-1885) À vous tous

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MessageSujet: Victor HUGO (1802-1885) À vous tous    Victor HUGO (1802-1885) À vous tous  Icon_minitimeDim 27 Nov - 22:43

À VOUS TOUS
Je ne vous cache pas que je pense à nos pères.
Durs au tigre,, ils mettaient le pied sur les vipères;
Ils affrontaient la griffe, ils bravaient les venins,
Et ne craignaient pas plus les géants que les nains.
Ils étaient confiants, ils faisaient de grands songes,
Et par toute l'Europe,. au-dessus des mensonges,
Des crimes, des erreurs, ils faisaient sans repos
Flotter ces fiers chiffons qu'on appelle drapeaux;
Quand les rois accouraient vers nous, gueules ouvertes,
Quand, fauve, horrible, éparse en nos campagnes vertes,
Quelque armée arrivait, ils étaient là; souvent
Ils avaient dissipé comme un nuage au vent
Cette armée innombrable et terrible naguère,
Que les fleurs qu'ils mettaient à leur chapeau de guerre
N'avaient pas encore eu le temps de se faner.
Je sais que l'homme fort ne doit pas s'étonner,
Et qu'il est de bon goût d'envoyer des bouffées
De cigare à l'histoire, aux tombeaux, aux trophées;
Boire son vin vaut mieux que répandre son sang;
Je sais que le dédain sied aux coeurs d'à présent ;
Et que des gens d'esprit et de bon sens qu'enivre
Ce but sublime, rire et digérer, bien vivre,
Sont grands, certe, et n'ont point le travers puéril
De vénérer ces vieux qui cherchaient le péril;
Les filles ont des droits, certes, et, je l'avoue,
C'est doux de contempler sur leur gorge et leur joue
Les roses et les lys, et la poudre de riz.
Quel ténor aura-t-on cette année à Paris?
Est-ce de damas rose ou bien de satin mauve
Qu'il faut vêtir sa belle et tendre son alcôve?
Quand ,passe, éblouissante et faite pour aimer,
Une femme au. front pur et charmant, s'informer
Si cet ange est à vendre et combien on l'achète;
Prier chez Dupanloup et souper chez Vachette;
Croire et jouir hanter des membres du Sénat;
Attendre, dos au feu, le sourire incarnat
De l'aurore, attablés à des brelans féroces,
Pendant que nos cochers dorment sur nos carrosses;
Dormir, bâiller, railler, ignorer, être ainsi,
C'est beau, je le répète; et je comprends aussi
Qu'on évite un aïeul comme on fuit un reproche,
Et qu'on soit élégant, et qu'on n'ait dans sa poche,
Tandis que d'autres vont pieds nus sur le pavé,
Que de l'or dans de l'eau de Cologne lavé.
Je ne suis point ingrat pour l'air que je respire
Jusqu'à n'y pas sentir le parfum de l'empire,
Et le Napoléon troisième a fait nos coeurs
Tels qu'ils sont, gracieux, point fanfarons, moqueurs;
Toujours les Sybaris ont bafoué les Romes;
C'est' bien. Màis il n'en est pas' moins vrai que ces hommes
D'autrefois, peu frottés des savons de Guerlain,
Entrèrent dans Moscou, dans 'Vienne et dans Berlin;
Qu'ils châtiaient les rois de' leurs façons brutales,
Qù'ils étaient familiers avec les 'capitales;
Qu'ils se plaisaient parfois à d'étranges assauts,
Que leur cavalerie attaquait des vaisseaux,
Les prenait, et donnait aux flottes l'abordage;
Que chacun d'eux, vieillard, enfant, se sentait d'âge
Et d'humeur à servir la France, et qu'à Valmy,
A Jemmape, à Fleurus, ils chassaient l'ennemi
A coups" de hache, à' coups de sabre, à coups de lance;
Qu'on e'n voyait plus d'un sortir de l'ambulance,
'Et, comme à l'Océan retourne l'alcyon,
Revenir au combat, sans faire attention
A la blessure encore ouverte qui suppure;
Qu'ils 'mangeaient du pain sec et buvaient de l'eau pure,
Qu'ils allaient, qu'ils marchaient, qu'ils ne trouvaient jamais
Les gouffres trop profonds ni trop hauts les sommets;
Qu'ils étaient fraternels aux races orphelines;
Et qu'ils disaient: -Que sont les Alpes? des collines.
Porter l'artillerie à bras sur les hauteurs
Est simple, et le passage est aisé, ces =menteurs!
Il n'en est pas moins vrai que ces hommes-là rirent
De tout ce qui nous fait trembler, et qu'ils défirent
' Ce que vingt siècles noirs et tristes avaient fait;
Qu'ils battirent Brunswick, Cobourg, Mélas, Clairfait;
Qu'ils dônnaient en spectacle à notre enfance. blonde
L'évanouissement superbe du vieux m'onde,
Que la justice était à l'aise au milieu d'eux, '
Qu'ils braquaient le canon sur le passé hideux
Qu'ils' n'avaient point de saés d'argent, ni d'or en piles,
Mais qu'ils faisaient l'Argonne égale' aux Thermopyles,
Qù'ils enjambaient le Rhin dont nous 'nous éloignons,
Et que ce n'étaient pas de petits compagnons.
Sur l'impériale de l'omnibus.

7 septembre 1873.
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Victor HUGO (1802-1885) À vous tous
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