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 André Chénier (1762-1794) FRAGMENT VI. -CHANT III.

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MessageSujet: André Chénier (1762-1794) FRAGMENT VI. -CHANT III.   André Chénier (1762-1794) FRAGMENT VI. -CHANT III. Icon_minitimeSam 16 Juin - 23:19

FRAGMENT VI. -CHANT III.

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Chassez de vos autels, juges vains et frivoles,
Ces héros conquérants, meurtrières idoles;
Tous ces grands noms, enfants des crimes, des malheurs,
De massacres fumants, teints de sang et de pleurs.
Venez tomber aux pieds de plus nobles images:
Voyez ces hommes saints, ces sublimes courages,
Héros dont les vertus, les travaux bienfaisants,
Ont éclairé la terre et mérité l’encens;
Qui, dépouillés d’eux-mêmes et vivant pour leurs frères,
Les ont soumis au frein des règles salutaires,
Au joug de leur bonheur; les ont faits citoyens;
En leur donnant des lois leur ont donné des biens,
Des forces, des parents, la liberté, la vie;
Enfin qui d’un pays ont fait une patrie.
Et que de fois pourtant leurs frères envieux
Ont d’affronts insensés, de mépris odieux,
Accueilli les bienfaits de ces illustres guides,
Comme dans leurs maisons ces animaux stupides
Dont la dent méfiante ose outrager la main
Qui se tendait vers eux pour apaiser leur faim!
Mais n’importe; un grand homme au milieu des supplices
Goûte de la vertu les augustes délices.
Il le sait: les humains sont injustes, ingrats.
Que leurs yeux un moment ne le connaissent pas;
Qu’un jour entre eux et lui s’élève avec murmure
D’insectes ennemis une nuée obscure;
N’importe, il les instruit, il les aime pour eux.
Même ingrats, il est doux d’avoir fait des heureux.
Il sait que leur vertu, leur bonté, leur prudence,
Doit être son ouvrage et non sa récompense,
Et que leur repentir, pleurant sur son tombeau,
De ses soins, de sa vie, est un prix assez beau,
An loin dans l’avenir sa grande âme contemple
Les sages opprimés que soutient son exemple;
Des méchants dans soi-même il brave la noirceur:
C’est là qu’il sait les fuir; son asile est son coeur.
De ce faîte serein, son Olympe sublime,
Il voit, juge, connaît. Un démon magnanime
Agite ses pensers, vit dans son coeur brûlant,
Travaille son sommeil actif et vigilant,
Arrache au long repos sa nuit laborieuse,
Allume avant le jour sa lampe studieuse,
Lui montre un peuple entier, par ses nobles bienfaits,
Indompté dans la guerre, opulent dans la paix,
Son beau nom remplissant leur coeur et leur histoire,
Les siècles prosternés au pied de sa mémoire.
Par ses sueurs bientôt l’édifice s’accroît.
En vain l’esprit du peuple est rampant, est étroit,
En vain le seul présent les frappe et les entraîne,
En vain leur raison faible et leur vue incertaine
Ne peut de ses regards suivre les profondeurs,
De sa raison céleste atteindre les hauteurs;
Il appelle les dieux à son conseil suprême.
Ses décrets, confiés à la voix des dieux même,
Entraînent sans convaincre, et le monde ébloui
Pense adorer les dieux en n’adorant que lui.
Il fait honneur aux dieux de son divin ouvrage.
C’est alors qu’il a vu tantôt à son passage
Un buisson enflammé receler l’Éternel;
C’est alors qu’il rapporte, en un jour solennel,
De la montagne ardente et du sein du tonnerre,
La voix de Dieu lui-même écrite sur la pierre;
Ou c’est alors qu’au fond de ses augustes bois
Une nymphe l’appelle et lui trace des lois,
Et qu’un oiseau divin, messager de miracles,
A son oreille vient lui dicter des oracles.
Tout agit pour lui seul, et la tempête et l’air,
Et le cri des forêts, et la foudre et l’éclair;
Tout. Il prend à témoin le monde et la nature.
Mensonge grand et saint! glorieuse imposture,
Quand au peuple trompé ce piège généreux
Lui rend sacré le joug qui doit le rendre heureux!
Descends, oeil éternel, tout clarté, tout lumière,
Viens luire dans son âme, éclairer sa paupière,
Pénétrer avec lui dans le coeur des humains,
De ce grand labyrinthe ouvre-lui les chemins;
Qu'il aille interroger ses plus sombres retraites,
Voir de tous leurs pensers les racines secrètes.
Fais de leurs passions à ses doctes efforts
Tenter, étudier, compter tous les ressorts.
Qu'un charme en ses discours flatte, entraîne, ravisse.
Fais régner sur les coeurs sa voix législatrice,
Pour qu'il les puisse instruire à vivre plus heureux;
Les unir de liens qui semblent nés pour eux;
Etayer leur faiblesse et diriger leur force;
De l'honnête et du beau leur présenter l'amorce.
Car si pour magistrats les lois ont des bourreaux,
Si leur siège sanglant est sur des échafauds,
La crainte sur les coeurs n'a qu'un pouvoir fragile.
Et qu'espérer de grand chez un peuple servile,
Lâche, à se mépriser en naissant façonné,
Avili par ses lois dès l'instant qu'il est né?
Par ses lois! Le poison, que son trépas va suivre,
Infecte l'aliment qui dut le faire vivre.
Toujours un grand supplice en amène un plus grand.
Plus la loi fait d'efforts, plus son pouvoir mourant
S'éteint. L'empire fuit dès que Thémis farouche
N'a que flammes, gibets, tortures à la bouche.
Elle lutte, on résiste. Et ce fatal combat
Use l'âme du peuple et les noeuds de l'Etat.
Sous une loi de sang un peuple est sanguinaire.
Quand d'un crime léger la mort est le salaire,
Tout grand forfait est sûr. Débile à se venger
La loi ne prévient plus même un crime léger.
La balance est en nous. Le pouvoir d'un caprice
N'a point ondé les droits, la raison, la justice.
Ils sont nés avec l'homme et ses premiers liens.
Tel crime nuit aux moeurs, aux droit des citoyens,
Trouble la paix publique, outrage la nature:
A ce modèle inné que la loi les mesure:
Que le coupable ingrat soit exclu de jouir
De mêmes biens communs qu'il osait envahir.
Qu'à tous les yeux, aux siens, par une loi certaine,
La nature du crime en indique la peine.
Clairvoyantes alors les lois dans le danger
N'apportent point au mal un remède étranger.
La peine, du forfait compagne involontaire,
N'est qu'un juste équilibre, un talion sévère
Que n'épouvante point le scélérat puissant,
Que n'ensanglante point la mort de l'innocent.
La loi dans les esprits se glisse, s'insinue,
Les fait penser comme elle et fascine la vue.
Ce qu'elle dit supplice est supplice tout prêt.
Ce qu'elle nomme un prix est un prix en effet.
Je veux qu'aux citoyens la justice vengée,
L'honneur d'avoir bien fait, la patrie obligée,
Les regards du sénat, des enfants, des aïeux,
Soient un triomphe cher qui les élève aux cieux.
Je veux que leur bourreau soit la honte ennemie;
Leurs peines le mépris, le blâme, l'infamie;
Que l'arbre, le rocher, le ciel, les éléments,
Appelés à témoin de la foi des serments,
Soient les juges secrets, qui dans l'âme parjure
Portent d'un long tourment l'implacable morsure.
Mais cet Etat surtout porte empreint sur le front
Du père de ses lois l'esprit vaste et profond,
Où par intérêt même on devient magnanime;
Où la misère marche à la suite du crime;
Où par la faim, la soif, le vice est combattu,
Où l'on ne vit heureux qu'à force de vertu.
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Et si le bien existe, il doit seul exister.

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André Chénier (1762-1794) FRAGMENT VI. -CHANT III.
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