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 Paul Claudel. (1868-1955) Fête Des Morts Le Septième Mois.

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MessageSujet: Paul Claudel. (1868-1955) Fête Des Morts Le Septième Mois.   Paul Claudel. (1868-1955) Fête Des Morts Le Septième Mois. Icon_minitimeLun 18 Juin - 21:19

Fête Des Morts Le Septième Mois.

Ces lingots de carton sont la monnaie des morts. Dans un papier mince on a
découpé des personnes, des maisons, des animaux. « Patrons » de la vie, le
défunt se fait suivre de ces légers simulacres, et, brûlés, ils l’accompagnent
où il va. La flûte guide les âmes, le coup du gong les rassemble comme des
abeilles. Dans les noires ténèbres, l’éclat de la flamme les apaise et les
rassasie.

Le long de la berge, les barques toutes prêtes attendent que la nuit soit venue.
Au bout d’une perche est fixé un oripeau écarlate, et, soit qu’attaché au ciel
couleur de feuille, le fleuve par ce tournant ait l’air d’en dériver les eaux,
soit que, sous les nues accumulées, il roule obscurément sa masse pullulante, à
la proue le brûlot flamboyant, au mât le feston ballotté des lanternes rehausse
d’une touche ardente l’air éteint, comme dans une chambre spacieuse une
chandelle que l’on tient au poing éclaire le vide solennel nel de la nuit.
Cependant, le signal est donné; les flûtes éclatent, le gong tonne, les pétards
pètent, les trois bateliers s’attellent à la longue godille. La barque part et
vire, laissant dans le mouvement de son sillage une file de feux : quelqu’un
sème de petites lampes. Lueurs précaires, sur la vaste coulée des eaux opaques,
cela clignote un instant et périt. Un bras saisissant le lambeau d’or, la botte
de feu qui fond et flamboie dans la fumée, en touche le tombeau des eaux:
l’éclat illusoire de la lumière, tels que des poissons, fascine les froids
noyés. D’autres barques illuminées vont et viennent; on entend au loin des
détonations, et sur les bateaux de guerre deux clairons, s’enlevant l’un à
l’autre la parole, sonnent ensemble l’extinction des feux.

L’étranger attardé qui, du banc où il demeure, considère la vaste nuit ouverte
devant lui comme un atlas, entendra revenir la barque religieuse. Les falots se
sont éteints, l’aigre hautbois s’est tu, mais sur un battement précipité de
baguettes, étoffé d’un continu roulement de tambour, le métal funèbre continue
son tumulte et sa danse. Qui est-ce qui tape? Cela éclate et tombe, finit,
repart, et tantôt c’est un vacarme comme si des mains impatientes battaient la
lame suspendue entre deux mondes, et tantôt avec solennité sous des coups
espacés elle répercute à pleine voix le heurt. Le bateau se rapproche, il longe
la rive et la flotte des barques amarrées, et, s’engagent dans l’ombre épaisse
des pontons à opium, le voici à mes pieds. Je ne vois rien, mais l’orchestre
funèbre, qui d’un long intervalle, à la mode de chiens qui hurlent, s’était tu,
fait de nouveau explosion dans les ténèbres.

Ce sont les fêtes du septième mois, où la Terre entre dans son repos.

Sur la route, les traîneurs de petites voitures ont fiché en terre, entre leurs
pieds, des bâtons d’encens et de petits bouts de chandelles rouges. Il faut
rentrer: demain je viendrai m’asseoir à la même place. Tout s’est tu, et tel
qu’un mort sans yeux au fond de l’infini des ondes, encore, j’entends le ton du
sistre sépulcral, la clameur du tambour de fer dans l’ombre compacte heurté d’un
coup terrible.






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Paul Claudel. (1868-1955) Fête Des Morts Le Septième Mois.
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