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 Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

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MessageSujet: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:06

Votre pauvre enfant.


JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

En envoyant à sa famille son Journal du siège de Paris
que nous donnons ci-après, Crémazie l'accompagne de la
note suivante qui fait comprendre dans quelles conditions ce
journal a été écrit.

Je vous envoie aujourd'hui mon journal jusqu'au 19
décembre. J'y ai inséré régulièrement, chaque soir, les
impressions de la journée. Vous verrez dans ces pages bien
des choses qui n'ont existé que dans l'imagination des
assiégés, des rumeurs insensées et des cancans absurdes.
Séparés par une muraille de fer de la France et de l'univers,
nous nous sommes nourris, pendant quatre mois,
d'espérances trompeuses et d'illusions décevantes. Comme le
mirage du désert, la délivrance miroitait toujours à nos yeux,
mais elle ne devait jamais devenir une réalité. Il vous faut
donc, en lisant ces pages, vous mettre à la place des assiégés
qui, pendant près de cinq mois, n'ont entendu d'autre
musique que celle du canon et de la fusillade, n'ont connu la
situation de la province que par les messages emphatiques et
mensongers de Gambetta.
Non seulement nous ne connaissions pas ce qui se passait
dans les départements, mais nous n'étions même pas
renseignés sur les batailles qui se livraient à nos portes: le
gouvernement de l'Hôtel de ville nous donnant comme des
succès toutes les sorties de l'armée de Paris, à l'exception de
l'affaire du 2 décembre, qui a été glorieuse, mais sans
résultat, puisqu'il a fallu rentrer dans Paris le 4 au matin.
Maintenant que le voile qui nous cachait le véritable état des
choses se lève chaque jour davantage, nous pouvons bien


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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:07

dire, avec l'Écriture: Ergo erravimus et ambulavimus in vias
falsas. Traduction vulgaire: Nous nous sommes mis le doigt
dans l'oeil jusqu'au coude.
J'ai fini, hier, de mettre au net mes notes prises au crayon
depuis le 19 décembre. Comme j'écrivais après coup, il
m'eût été facile de faire le malin en prédisant une foule de
choses arrivées depuis. J'ai copié scrupuleusement mes notes
sans rien ajouter et sans rien retrancher.
Puissiez-vous y trouver quelque intérêt! Je suis bien
certain que vous n'éprouverez pas autant de plaisir en les
lisant, vu le peu de soin de la forme, que j'ai senti de bonheur
à les écrire pour vous. Il me semblait que nous causions
chaque soir ensemble.
Comme je ne sais pas quand je pourrai vous écrire, je
commence à noter, chaque soir, les nouvelles et les
impressions de la journée. Je ne vous raconterai pas les
grands faits du siège, que vous connaîtrez par les journaux,
mais seulement les petits faits, les bruits et les cancans.
MARDI SOIR, 13 septembre 1870. - Aujourd'hui le général
Trochu a passé la revue des gardes nationaux et des mobiles,
en tout 400,000 hommes. Les boulevards, de la Bastille à la
Madeleine, étaient occupés par la garde nationale. Les
Champs-Élysées, de la place de la Concorde à l'Arc de
triomphe de l'Étoile, voyaient la garde mobile déployée sur
les deux côtés de la grande allée. Le gouverneur de Paris, que
j'ai vu passer sur la place du Château-d'Eau, paraît plus jeune
que le portrait publié par les journaux illustrés. Les cris de
Vive la France! Vive Trochu! étaient très nombreux. Celui de
Vive la République! ne m'a pas semblé rencontrer le même
écho.

Sur le trottoir, en face de la caserne du Prince-Eugène, en
attendant l'arrivée du général Trochu, j'entends autour de
moi les cancans les plus absurdes. Les uns disent que
Napoléon III n'a capitulé à Sedan que pour donner 80,000
hommes de renfort aux Prussiens, qui doivent le remettre sur
le trône quand ils auront pris Paris. Les autres prétendent, au
contraire, que ces 80,000 prisonniers de guerre envoyés en
Prusse s'empareront, à un moment donné, des armes de
l'ennemi, reviendront en France et tomberont sur l'arrière-
garde dé l'invasion allemande. Ce que l'on dit de la santé de
l'Empereur semble assez plausible. Le pauvre homme est pris
par trois maladies terribles, diabète, goutte et maladie de la
moelle épinière. Cette dernière affection aurait amené un
ramollissement du cerveau, cause des désastres de ces
derniers jours. Des voyous parcourent la place du Château-
d'Eau en vendant des caricatures où l'insulte basse, triviale,
honteuse, est jetée à la famille impériale. Celles qui ont
l'impératrice pour sujet frisent souvent, atteignent
quelquefois le genre obscène, Tout cela est triste. Je n'ai pas
besoin de vous dire que ces saletés ne trouvent d'acheteurs
que dans cette lie de la population qui remonte à la surface
dans les jours de trouble. Décidément, le peuple souverain
n'est pas beau à voir au jour de son triomphe.
MERCREDI SOIR, 14 septembre. - Le matin, temps
sombre; le midi, le soleil se montre. Poussière insupportable.
Les rues n'ont pas été arrosées depuis plusieurs jours, les
hommes chargés de ce service étant employés au transport du
matériel de guerre. Grand émoi dans la rue Vaugirard. Une
bande de pignoufs ayant obtenu, on ne sait comment, un
ordre de perquisition chez les jésuites, s'est présentée chez
les révérends pères et a visité et fouillé toute la maison. Ces

aimables drôles prétendaient que ces religieux cachaient des
armes, voire même un canon, lesquelles armes étaient
destinées à la réaction. Inutile d'ajouter qu'il n'y avait pas
même un pistolet de deux sous dans la maison de la rue
Vaugirard. Nos hommes ont dût se retirer avec leur courte
honte, si tant il y a que ces gens-là puissent avoir une honte,
courte ou longue. L'Empire voyait des républicains partout;
la république ne rêve que de réaction. Est-ce que l'on va nous
ramener aux beaux jours de 93? Allons-nous être soupçonnés
d'être suspects? - Les Prussiens sont à cinq lieues. Les
uhlans ont déjà paru dans la plaine Saint-Denis. Pendant ce
temps-là savez-vous à quoi s'occupe le gouvernement
provisoire? Il nomme une commission pour changer les noms
des rues de Paris. Est-ce assez byzantin? Il faut cependant
rendre justice aux hommes du 4 septembre. Ils travaillent
sans relâche à l'armement de Paris et de la France. Ils ont
plus fait en quatorze jours que Palikao en un mois. Cela se
conçoit. Sous l'Empire, on ne voulait donner des armes
qu'aux gens à bons principes, c'est-à-dire dévoués à
l'Empire. Aujourd'hui, on distribue des fusils à tout le
monde. Je sais bien que plus tard il nous en cuira, quand le
peuple souverain de Belleville voudra mettre en pratique les
théories socialistes et communistes des clubs. Il tournera
contre le gouvernement actuel le chassepot qui lui avait été
donné pour chasser l'envahisseur. Pour le moment, la grande
question est de sauver Paris, et le pâle voyou de Belleville
fera meilleure besogne sur le dos des Prussiens que le
bourgeois honnête et tranquille du Marais ou de la rue
Vivienne. On chassera d'abord le Teuton, sauf à se prendre
aux cheveux quand le sol ne sera plus souillé par les hordes
d'outre-Rhin. Pour en revenir à la commission qui doit

changer les noms des rues de Paris, je pense bien que Jules
Favre et Gambetta ne tiennent pas absolument à ce
changement. Comme tous les gouvernements sortis de
l'émeute de la rue, les maîtres actuels de l'Hôtel de ville sont
harcelés par les républicains de la veille. Tous les farceurs
qui, depuis dix ans, ont passé leur temps dans les brasseries à
maudire Napoléon entre deux verres d'absinthe, se posent
aujourd'hui en martyrs et racontent la fabuleuse odyssée des
malheurs qu'ils ont endurés sous le règne du tyran. Pour se
débarrasser des plus importants de ces importuns on tâche de
les caser. C'est pour les empêcher d'organiser des
manifestations dans le genre de celle du 15 mai 1848 qu'on
leur donne un os à ronger. Gare la mine le jour où l'on ne
pourra plus placer les martyrs de la deuxième catégorie! Ce
jour-là, le gouvernement ne sera plus qu'un affreux
réactionnaire et l'insurrection sera le plus saint des devoirs.
JEUDI SOIR, 15 septembre. - Sur le boulevard Magenta,
j'ai vu défiler ce soir, à 7 heures, une partie du corps d'armée
du général Vinoy, qui est arrivé trop tard à Sedan pour
prendre part à la bataille. Les soldats, reposés des fatigues de
la retraite, ont une allure tout à fait martiale. Les mitrailleuses
attiraient surtout l'attention. Le défilé a duré près d'une
heure. On dit qu'ils vont établir un camp retranché entre
Joinville-le-Pont et Charenton. Aux acclamations qui
saluèrent ces braves troupiers, un malheureux provincial,
accompagné de sa fille, a mêlé le cri de Vive l'Empereur! On
a manqué l'écharper sur place, pendant que sa fille, folle de
terreur, était prise d'une attaque de nerfs. Il ne fait pas bon en
ce moment, d'être bonapartiste. Comme il faut une victime
expiatoire, c'est l'Empereur que l'on rend responsable des
malheurs de la patrie. Tout le monde dit aujourd'hui que la

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:08

France était opposée à la guerre, que Napoléon III seul a
voulu attaquer la Prusse, afin de mieux asseoir sa dynastie.
Pourtant, Paris en masse demandait les bords du Rhin il y a
deux mois. Non seulement Paris, mais toute la France a
poussé le cri: À Berlin! Depuis 1866, on a reproché chaque
jour à l'Empire de n'avoir pas vengé Sadowa. Les journaux
de l'opposition n'ont pas cessé un instant de rendre
l'Empereur responsable de ce qu'ils appelaient l'humiliation
de la France. Malheureusement les Français, impérialistes et
républicains, ne soupçonnaient pas la formidable puissance
militaire dont la Prusse vient de donner une preuve si rapide
et si foudroyante. Napoléon vaincu a tous les torts. Quand on
est empereur des Français il ne faut jamais être vaincu, ou, si
la victoire fuit votre drapeau, il faut toujours savoir garder la
gloire en se faisant tuer à la tête de l'armée. La victoire ou la
mort! Un Parisien ne sort pas de là. Aujourd'hui, il y avait
dans l'air cette odeur âcre de bois brûlé qui se produit
quelquefois à Québec quand le feu est dans la forêt. Ce sont
les bois des environs de Paris, incendiés par ordre de
l'autorité militaire, qui nous envoient ce parfum qui nous
prend à la gorge. Comme le charbon, si le siège se prolonge,
pourrait devenir rare, on pose dans les rues des appareils
destinés à isoler, au besoin, les conduits du gaz des maisons
de ceux qui fournissent l'éclairage des rues. Par ce moyen on
pourra toujours fournir aux besoins des lampes des rues, en
laissant de côté les particuliers, qui s'éclaireront avec de la
bougie ou du pétrole. Les commères du voisinage sont
affolées en voyant ces travaux. Elles s'imaginent que l'on
mine Paris pour le faire sauter comme la forteresse de Laon.
Les journaux manquent de papier. Le Parlement, l'Histoire,
le Public, le Volontaire cessent de paraître à cause de cette

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:09

disette. Les communications sont coupées avec les
départements qui alimentent l'imprimerie parisienne.
Quelques feuilles s'impriment sur du papier brouillard. Je
vous envoie un numéro de la Petite Presse imprimé sur
papier à envelopper. C'est bon à conserver comme souvenir
du siège de Paris. Villemessant, qui avait si bien blagué les
républicains, abandonne la direction du Figaro, qui est vu
d'un très mauvais oeil aujourd'hui par les hommes au
pouvoir. Le barbier endiablé ne compte que médiocrement
sur les bons offices de son ancien collaborateur, Rochefort,
l'un de nos neuf souverains, qui doit pourtant sa fortune au
journal de Villemessant.
VENDREDI SOIR, 16 septembre. - Le temps continue à être
magnifique. Les nuits sont froides. On parle d'une victoire
remportée par Bazaine. Rien d'officiel cependant. On voit
des espions partout. Un jeune Suédois, pensionnaire de la
maison, a été arrêté avant-hier, dans l'après-midi, sur le
boulevard du Prince-Eugène. Comme il parle le français avec
un accent étranger très prononcé, un ouvrier qui lui avait
adressé la parole a ameuté les passants en criant: C'est un
Prussien! Mort aux espions! La garde nationale est venue à
son secours et l'a conduit au poste et de là à la préfecture. Ce
n'est qu'après une détention de trente-six heures qu'il a été
mis en liberté, grâce à l'intervention de l'ambassade
suédoise. Remarquez que ce jeune homme, comme tous les
Scandinaves, déteste la Prusse et voulait s'engager comme
volontaire dans l'armée franÇaise. La foule est toujours
stupide, et je préfère le despotisme du grand Mogol à cette
domination brutale des masses. Pour moi, je suis à l'abri de
ces algarades, car j'ai maintenant l'accent d'un vieux
Parisien. De plus, il paraît que j'ai la tournure d'un officier en

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:11

retraite, car lorsque je passe devant les stations de voitures,
les cochers m'offrent leurs véhicules en m'appelant mon
capitaine. Après-midi, je suis allé voir la statue de la ville de
Strasbourg sur la place do la Concorde. Elle est entièrement
couverte de fleurs, et on fait queue pour mettre son nom sur
le registre qui doit être offert à l'héroïque capitale de
l'Alsace. Le jardin des Tuileries est fermé. Il sert maintenant
de camp à la cavalerie. Le palais est transformé en
ambulance. Plus do drapeau tricolore. Le drapeau blanc avec
croix rouge de la Convention de Genève flotte
mélancoliquement sur le pavillon central, en attendant que les
canons prussiens viennent remplir de blessés les salons de
Napoléon III. Tandis que de la rue de Rivoli je contemplais
campos ubi Napoleo fuit, cinq ou six mille mobiles de la
Bourgogne ont passé en chantant un chant de leur pays dont
l'air est, à quelques notes près, celui de: En roulant ma boule.
Je n'ai pas pu saisir les paroles. La Claire fontaine vient de la
Normandie. Nous devons Derrière chez ma tante à la
Franche-Comté. En roulant ma boule appartient peut-être à la
patrie de Charles le Téméraire.
SAMEDI, 17 septembre. - Le soir, à huit heures, je reçois
les lettres de ma mère et de Joseph, ainsi que les journaux.
C'est une heureuse surprise, car je commençais à croire que
les communications étaient coupées avec l'Angleterre.
Demain j'irai au bureau de poste m'informer si on peut
encore expédier des lettres en Amérique. H... est parti pour le
Saguenay. J'en suis bien content, car cela va le reposer.
Aujourd'hui combats d'avant-postes sous les murs de Paris à
l'avantage des Français. Les troupes italiennes sont sous les
murs de Rome. Les zouaves veulent résister, mais il est
probable que le pape ne se défendra pas. Triste année pour

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:12

nous Canadiens. Fils de la France, nous assistons à
l'humiliation, à l'invasion de la vieille patrie. Catholiques,
nous voyons le Saint-Père au pouvoir de ses ennemis et la
chute, au moins pour le moment, du pouvoir temporel.
L'avenir est sombre. Espérons que la Providence nous
donnera bientôt des jours meilleurs !
DIMANCHE, 18 septembre. - Temps doux comme au mois
de juillet. Il nous faudrait de la pluie et du froid afin d'épuiser
les Prussiens. Aujourd'hui, à l'église, il y avait beaucoup plus
d'hommes que d'ordinaire. Habituellement, sur cent
personnes qui assistent aux offices, le sexe fort mais laid en
compte cinq ou six. Ce matin, à la messe de dix heures, il y
avait presque autant d'hommes que de femmes. D'où
viennent ces fidèles? De la province qui se réfugie à Paris.
Les Parisiens, en présence des balles et des obus prussiens,
ont-ils retrouvé au fond de leurs coeurs la foi de leurs pères?
Après avoir jeté au bureau de poste ma lettre et des journaux,
je fais une promenade sur les boulevards. Comme aux jours
les plus calmes, les trottoirs sont encombrés de familles
endimanchées, les cafés sont pleins, et les moblots blaguent
et rient comme si les Prussiens étaient à Berlin et non pas
sous les murs de Paris. Au coin de la rue Vivienne5 à la
librairie Lacroix, je vois affichée une liste d'ouvrages qui,
publiés en Belgique, n'avaient pu entrer en France sous
l'empire. Ces productions, dont les titres seuls font deviner
les infamies qu'elles renferment, sont dirigées, les unes
contre le pape, les autres contre l'empereur. Naturellement, la
république s'empresse d'autoriser la vente de tous ces livres.
- Il paraît que l'on s'est battu près de Vincennes. Tous les
voisins sont aux portes et commentent les rencontres de la

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:13

journée, qui semblent avoir été favorables aux armes de la
France.
LUNDI SOIR, 19 septembre. - Le temps est toujours trop
beau. Décidément les Prussiens ont toutes les chances. Il n'y
a pas eu d'engagement sérieux hier; seulement quelques
escarmouches entre uhlans et francs-tireurs. Les Prussiens
sont à Versailles, ils campent dans le parc. Le grand et le
petit Trianon sont occupés par l'état-major. Les vandales
respecteront-ils les richesses artistiques de ce palais sans
rival? Le général Ambert a été arrêté parce qu'il ne voulait
pas crier: Vive la république! Cette arrestation, faite par les
gardes nationaux, n'a pas été maintenue par l'autorité.
Cependant, pour obéir à la pression de la démagogie, le
gouvernement a destitué le général. A compter d'aujourd'hui,
le service des postes est interrompu, la ligne de l'Ouest ayant
été coupée hier par les Prussiens. J'ai bien peur que ma lettre
d'hier ne vous parvienne pas. L'employé du bureau de poste
de la rue de Bondy est un monsieur bien informé. Il me dit
que non seulement ma lettre partira, mais encore que les
communications resteront ouvertes avec l'Angleterre pendant
toute la durée du siège, et, le même jour, les voies ferrées
sont coupées par l'ennemi. Il paraît que, sous la république
comme sous le tyran, les informations officielles laissent
quelquefois à désirer. Je suis allé faire un tour sur le
boulevard Saint-Martin. Dans certains endroits on peut à
peine passer sur le trottoir. Les mobiles, fatigués de
l'exercice matinal, sont étendus sur le bitume et dorment au
soleil comme des lézards ou des lazzaroni. Au moment où je
vous écris on entend le canon. Je vais aller voir ce qui se
passe. - 9%2 heures. - J'arrive de la place du Château-d'Eau,
qui est couverte de monde. A part quelques femmes effarées,

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:14

l'attitude du peuple est calme. On s'est battu toute la journée,
sans succès le matin, victorieusement le soir; voilà ce que je
puis démêler dans les récits contradictoires de quelques
soldats qui arrivent des fortifications. Pas de détails officiels,
beaucoup de cancans. Les coupe de canon qui continuent à
retentir du côté de Saint-Denis ont pour but de chasser les
Prussiens des bois voisins où ils veulent s'établir. Le ton de
certains journaux religieux me semble bien étrange. Je
comprends que les républicains éreintent le régime qui vient
de tomber. Pendant dix-huit ans, ils ont été criblés d'amendes
et de mois de prison, ils prennent leur revanche, c'est tout
naturel. Mais que le Monde, l'Univers, l'Union viennent nous
parler de la tyrannie de Napoléon III, des charmes de la
liberté, j'avoue que je n'y comprends plus rien. Comme dans
le Barbier de Séville, je me demande: Qui diable trompe-t-on
ici?
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:15

MARDI SOIR, 20 septembre. - Toujours un beau temps
désespérant. L'affaire d'hier a été très sérieuse. Les Prussiens
ont eu plus de 6,000 hommes hors de combat. Ils se sont
emparés de la redoute de Châtillon, que l'on n'avait pas eu le
temps de fortifier d'une manière suffisante. Les mobiles de
Paris et ceux de la Bretagne se sont battus comme de vieilles
troupes. Les recrues et les engagés volontaires du 3e zouaves,
qui ont remplacé les vrais zouzous tués à Reischoffen et à
Forbach, ont lâché pied au premier feu et sont venus jeter la
panique dans Paris. Sans cette malheureuse débandade d'une
partie de l'aile droite, le combat de Châtillon, bien que
glorieux et ayant donné des résultats considérables, se fût
certainement terminé par une grande victoire. Les Prussiens
occupent les hauteurs de Meudon, d'où ils peuvent
bombarder le mont Valérien. Comment n'a-t-on pas défendu

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:22

et fortifié un point stratégique aussi important? L'un des plus
brillants rédacteurs du Figaro, Auguste Villemot, le
chroniqueur par excellence, est mort dimanche d'une attaque
d'apoplexie dans son domicile de la rue Jacob, à l'âge de
soixante ans. Son livre la Vie à Paris, qui renferme ses
meilleures chroniques, restera comme un modèle du genre.
Le chansonnier vaudevilliste Alexandre Flan est mort aussi
dans ces derniers jours. Sa muse facile, mais peu châtiée et ne
respectant guère les oreilles chastes, était populaire dans les
faubourgs. De Flan il restera tout au plus quelques refrains
qui dans vingt ans seront chantés par des ouvriers en ribote.
Le gigantesque Lomon, l'un des rédacteurs du Pays, et par
conséquent bonapartiste enragé, a été arrêté hier sur le
boulevard par les gardes nationaux républicains. Ce
malheureux Lomon avait commis le crime énorme d'oser
dire qu'il n'était pas partisan de la république. Il faudrait
pourtant s'entendre sur le mot liberté. Sous l'empire, on avait
parfaitement le droit de dire à ses amis que l'on était
républicain, orléaniste, légitimiste. Si on ne haranguait pas en
public contre le régime impérial, on était bien certain de
n'être nullement inquiété. Aujourd'hui, on n'a pas même le
droit de dire que la république pourrait bien ne pas être le
paradis sur la terre. Et les immortels principes de 89, je me
demande ce que l'on en fait, si un citoyen n'a pas le droit
d'exprimer ce qu'il pense. - Les zouaves pontificaux veulent
défendre Rome jusqu'à la dernière extrémité. Ici, tout le
monde, même ceux qui détestent la papauté, approuve ces
braves soldats. On est indigné de la conduite infâme de
l'Italie, qui, au lieu de venir au secours de la France, à qui
elle doit tout, profite des malheurs qui viennent de fondre sur
l'avant-garde de la race latine pour aller dépouiller Pie IX des

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