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| | Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:06 | |
| Rappel du premier message :
Votre pauvre enfant.
JOURNAL DU SIEGE DE PARIS
En envoyant à sa famille son Journal du siège de Paris que nous donnons ci-après, Crémazie l'accompagne de la note suivante qui fait comprendre dans quelles conditions ce journal a été écrit.
Je vous envoie aujourd'hui mon journal jusqu'au 19 décembre. J'y ai inséré régulièrement, chaque soir, les impressions de la journée. Vous verrez dans ces pages bien des choses qui n'ont existé que dans l'imagination des assiégés, des rumeurs insensées et des cancans absurdes. Séparés par une muraille de fer de la France et de l'univers, nous nous sommes nourris, pendant quatre mois, d'espérances trompeuses et d'illusions décevantes. Comme le mirage du désert, la délivrance miroitait toujours à nos yeux, mais elle ne devait jamais devenir une réalité. Il vous faut donc, en lisant ces pages, vous mettre à la place des assiégés qui, pendant près de cinq mois, n'ont entendu d'autre musique que celle du canon et de la fusillade, n'ont connu la situation de la province que par les messages emphatiques et mensongers de Gambetta. Non seulement nous ne connaissions pas ce qui se passait dans les départements, mais nous n'étions même pas renseignés sur les batailles qui se livraient à nos portes: le gouvernement de l'Hôtel de ville nous donnant comme des succès toutes les sorties de l'armée de Paris, à l'exception de l'affaire du 2 décembre, qui a été glorieuse, mais sans résultat, puisqu'il a fallu rentrer dans Paris le 4 au matin. Maintenant que le voile qui nous cachait le véritable état des choses se lève chaque jour davantage, nous pouvons bien
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:46 | |
| Ce projet d'une paix honteuse est-il réalisable? La province a-t-elle à ce point la crainte ou la haine de la république, que Napoléon III, ramené comme Louis XVIII par les baïonnettes teutonnes, lui semble préférable au gouvernement du 4 septembre? Comme nous sommes bloqués depuis quarante-trois jours, nous ne connaissons rien des départements que les phrases retentissantes que Gambetta nous envoie de Tours et qui ne peuvent nous faire connaître l'état des esprits dans le reste de la France. Je ne puis croire, cependant, que le parti bonapartiste puisse rêver, par des moyens aussi indignes, la restauration du régime impérial. On annonce la mort de la reine d'Espagne, qui aurait été emportée subitement à Houlgate. On dit que les Allemands, au nombre de 12,000, ont envahi le Mans et occupent Laval. Rien d'officiel. Nous avons failli avoir une émeute à propos du charbon. Les cuisinières parisiennes emploient le charbon de bois. Comme ce combustible, devenu très rare, se vend aujourd'hui six francs le boisseau, un charbonnier a eu l'idée triomphante, mais passablement canaille, de vendre pour du vrai charbon, des petits morceaux de bois trempés dans l'encre. Colère parfaitement justifiée des ménagères, qui veulent écharper l'Auvergnat coupable de cette mauvaise et malhonnête plaisanterie. Rassemblement, bousculades, enfin arrivée de la garde nationale, qui empoigne le charbonnier et ferme sa boutique. Les clubs continuent à étonner les natifs. Celui des
partisans de Blanqui, à la Barrière-Blanche, a décidé à l'unanimité que le citoyen général Trochu serait invité à soumettre tous ses plans, même les plus secrets, à la discussion et à l'approbation des clubs. |
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| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:46 | |
| SAMEDI SOIR, 29 octobre. - Temps sombre le matin, pluie battante pendant l'après-midi. Les Prussiens, au nombre de ,000, avec trente pièces de canon, ont essayé par cinq fois de reprendre le Bourget. Constamment repoussés, ils ont été obligés de se retirer en laissant une très grande quantité de morts et de blessés sur le champ de bataille. Le Combat de ce matin affirme que la reddition de Metz lui a été donnée comme un fait certain par Flourens, qui disait tenir cette nouvelle de Rochefort. Ce soir, Flourens reconnaît bien avoir donné cette nouvelle à Pyat, mais nie avoir dit qu'il tenait ce renseignement de Rochefort. Ce serait une personne attachée au gouvernement provisoire qui lui aurait annoncé la capitulation de Bazaine. Quelle personne? Tout cela ne me semble pas très clair. Les forts de Vanves, de Bicêtre et de Metz ont tonné toute la journée pour démolir les ouvrages des Prussiens. Les impérialistes réfugiés à Londres viennent de fonder un journal intitulé la Situation, qui semble donner quelque plausibilité au projet Rouher dont j'ai pris note hier. Aujourd'hui, je suis allé sur la place du Panthéon, où se font les enrôlements volontaires. Draperies rouges, armes en faisceaux, drapeaux tricolores, l'inscription: Citoyens, la patrie est en danger, rien ne manque à la mise en scène, rien si ce n'est les volontaires. Pendant une demi-heure que je suis resté là à faire le badaud en écoutant un long monsieur tout de noir habillé, une manière de notaire ou d'avoué, qui faisait l'éloge de Garibaldi, j'ai vu se présenter un seul patriote, un jeune homme en blouse bleue, qui avait une de ces bonnes et
honnêtes figures comme on en rencontre souvent dans nos campagnes |
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| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:46 | |
| . Il a été vivement applaudi par la foule. A part le luxe de la mise en scène, ces enrôlements de volontaires ressemblent assez à nos élections. On parle d'un grand projet d'union républicaine que M. de Kératry tenterait en ce moment de réaliser avec l'Espagne. Les cortès proclameraient la république et céderaient, moyennant cinq cent millions de francs, Cuba aux États-Unis. A ces conditions, le gouvernement américain ferait une alliance offensive et défensive avec la France et l'Espagne contre la Prusse et garantirait la neutralité de la Russie. M'est avis que ce beau projet a bien peu de chances de succès, surtout si, comme on l'annonçait ces jours derniers, le duc d'Aoste a été proclamé roi à Madrid. Le décret abolissant l'ordre de la Légion d'honneur pour tout ce qui n'est pas militaire, a paru dans le Journal officiel de ce matin. Le gouvernement de l'Hôtel de Ville, qui a pris le nom de la défense nationale, devrait s'occuper de chasser les Prussiens et laisser à la future constituante le soin de faire ou d'abroger les lois. Le décret de ce matin est donc une nouvelle boulette à porter au débit des hommes du 4 septembre. DIMANCHE SOIR, 30 octobre. - Magnifique journée d'automne. Les boulevards sont encombrés de promeneurs. Les familles, en toilette des beaux jours, inondent les avenues et les places publiques comme au temps jadis. Qui pourrait croire que nous sommes bloqués depuis quarante-quatre jours? Ce matin, 40,000 Prussiens, soutenus par quarante- cinq pièces de canon, ont attaqué le Bourget. Les défenseurs de ce village, conquis vendredi, ont dû battre en retraite avec des pertes considérables. C'est toujours le même système depuis le commencement du siège. On est constamment
obligé de se replier devant le nombre, puisque, sans compter les 400,000 hommes de garde nationale, il y a dans Paris ,000 soldats et mobiles, pourquoi n'envoie-t-on pas les troupes d'attaque en nombre suffisant? On murmure beaucoup en ce moment et je crois que nous aurons des émeutes avant peu. Du reste, l'impression général semble mauvaise aujourd'hui.
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| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:47 | |
| Rien de précis, rien d'officiel, mais il souffle dans l'air comme un vent de malheur. Il doit être arrivé des nouvelles fâcheuses au gouvernement. Les petits, comme moi, ne sont pas dans le secret des dieux. Je parierais dix contre un qu'avant quarante-huit heures, le journal officiel nous annoncera quelque désastre. La capitulation de Bazaine? Une armée de la province anéantie par les Prussiens? Qui sait? M. Thiers est arrivé aujourd'hui à Paris et, sans prendre le temps de se rendre chez lui, s'est dirigé immédiatement vers le Ministère des affaires étrangères. Il a passé toute la journée avec Jules Favre. Aujourd'hui, à deux heures, on a élevé sans tambour ni trompette, en tapinois, comme des gens qui commettent une action honteuse, la statue de Voltaire sur le piédestal qui portait celle du prince Eugène. On dit que Napoléon III vient de former un ministère, in partibus infidelium, composé de Palikao, Persigny, Rouher, Pietri, La Guéronnière, Émile de Girardin. Il paraît que les bestiaux souffrent beaucoup dans les squares et jardins où ils sont parqués depuis le commencement du siège. Comme ils maigrissent à vue d'oeil, on va les abattre et saler leur viande. Les Américains ne sont pas en odeur de sainteté auprès de Bismarck. Plusieurs familles yankees qui ont voulu quitter la capitale hier, n'ont pu franchir les lignes prussiennes et ont été brutalement renvoyées à Paris. J'ai mangé du cheval ce soir et il me pèse sur l'estomac. Je vais
me faire un peu de thé. |
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| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:47 | |
| Vous ai-je dit que j'avais un ménage complet, se composant d'une lampe à esprit de vin avec une petite casserole en ferblanc, plus une petite machine également en ferblanc qui me sert pour le thé et le café? Le tout me coûte 2 fr. 50. J'oubliais une tasse, une soucoupe, un sucrier et une petite cuiller, qui coûtent 1 fr. 25 les trois articles. Vous voyez que je suis un bon parti et je ne comprends pas comment une héritière ne m'a pas encore offert sa main avec 100,000 francs de rente. Ces Françaises, ça ne sait pas distinguer les partis avantageux. Au lieu de prendre des pilules de Morrison, quand je digère mal, ce qui m'arrive assez souvent, je me fais une tasse de thé que j'avale bouillant et sans lait, et je suis sûr que dix minutes après, j'ai l'estomac débarrassé. Il va sans dire qu'il faut mettre une quantité de thé suffisante, une pleine cuillerée pour une tasse. Si c'était de l'eau chaude avec du lait et une dose homéopathique de thé, comme on le boit trop souvent en Canada, ça ferait autant d'effet qu'un cautère sur une jambe de bois. Je vais donc me payer du thé pour éperonner mon cheval, qui fait une station beaucoup trop longue dans mon estomac. Dix heures. Je suis débarrassé des embarras que me causait la plus noble conquête que l'homme ait jamais faite, mais il vient de m'arriver un malheur. J'ai cassé mon sucrier, un magnifique sucrier qui m'avait bien coûté cinquante centimes (dix sous). En achèterai-je un autre? Quand je me suis permis cette fantaisie d'un luxe asiatique, nous vivions sous le tyran. Aujourd'hui que nous avons l'ineffable bonheur de respirer sous la république une et indivisible, je me demande si les immortels principes de 89 permettent à un citoyen de se servir d'une faïence qui rappelle les plus
mauvais jours du despotisme! Comme je n'oserai jamais résoudre cette question pleine d'insondables profondeurs, je me contenterai à l'avenir d'un modeste sac en papier. Sur ce, bonsoir. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:47 | |
| LUNDI SOIR, 31 octobre. - Pluie toute la journée. Un déluge de mauvaises nouvelles. Bazaine a capitulé le 27 octobre. N'ayant plus de munitions ni de vivres, ayant mangé tous les chevaux de son armée, il a dit subir les rigoureuses conditions acceptées par Napoléon III à Sedan. Les Prussiens ont fait 173,000 prisonniers, comprenant les troupes de Bazaine et la garde nationale de Metz, 700 canons, 250,000 chassepots, etc. Il y a maintenant plus de 350,000 prisonniers français entre les mains des Allemands. L'histoire ne nous offre pas d'exemple d'une suite de désastres aussi foudroyants. Après un bombardement de quatre jours, les Prussiens sont entrés dans Soissons, où ils ont fait 4000 prisonniers. Vernon, comme Châteaudun, a été bombardé et incendié. Chartres est investi. La catastrophe de Metz, annoncée officiellement ce matin, produit une excitation douloureuse dans toute la ville, qui est déjà mal disposée par la malheureuse affaire du Bourget. M. Thiers, arrivé hier avec des propositions d'armistice, a passé toute la journée et toute la nuit en conférence avec les membres du gouvernement. Comme la masse ne comprend pas le sens du mot armistice, elle s'imagine que l'on va signer la paix en acceptant toutes les conditions de M. de Bismarck. Des groupes nombreux se forment. Malgré la pluie, je vais voir ce qui se passe. Sur la place du Château-d'Eau, on n'entend que des paroles indignées, on ne voit que des gestes menaçants. On crie à la trahison. Les propos les plus absurdes sont acceptés comme parole d'Évangile. Un gros homme, cheveux
rouges, yeux bleus bêtes, étend une espèce de battoir que je suppose être sa main, et crie: « Citoyens, Thiers est une canaille! Il est allé vendre la France à Saint-Pétersbourg. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:48 | |
| L'empereur de Russie lui a donné cinquante millions pour le prix de sa trahison. » Un petit bossu habillé en gentleman, qui sent le patchouli à quinze pas, crie d'une voix aiguë: « Il n'a pas seulement vendu la France, il a reçu dix millions de la famille Bourbon qui va revenir, sous la protection des despotes, nous ramener la féodalité et l'inquisition. À bas Thiers! » Un grand animal qui ressemble énormément à Savard le typographe (de Québec), prétend que c'est la réaction cléricale qui veut faire la paix afin d'anéantir la république et de rétablir le pouvoir temporel du pape. La cohue va en augmentant. Bientôt le cri À l'Hôtel de Ville! poussé par les gardes nationaux de Belleville, qui débouchent par la rue du faubourg du Temple, attire l'attention des politiqueurs de la place du Château-d'Eau. Un gigantesque drapeau rouge précède la milice citoyenne, composée des électeurs de Rochefort. Tout le monde les suit. La pluie continue à tomber, je n'ai pas de parapluie. Comme je ne tiens pas à attraper un rhume ou un rhumatisme pour le plus grand bien de la Sociale, je rentre chez moi. À deux heures et demie, panique dans notre rue. On annonce que l'on se tire des coups de fusil à l'Hôtel de Ville. Le faubourg Saint- Antoine serait descendu en masse sur la place de Grève. Les boulangeries de notre quartier sont envahies par les ménagères effarées qui viennent faire leurs provisions de pain pour plusieurs jours dans la crainte que la guerre civile n'empêche la circulation dans les rues. Le clairon sonne à droite, le rappel est battu à gauche, partout on appelle la garde nationale aux armes. À cinq heures, je sors, malgré la
pluie qui continue à tomber en cataractes. Au coin du boulevard de Sébastopol, je rencontre un imbécile qui m'apprend d'un air triomphant que le gouvernement réactionnaire et clérical du 4 septembre est renversé, et que les citoyens Blanqui, Flourens, Pyat, Mottu, le fameux destructeur de crucifix, V. Hugo, Bonvalet, le restaurateur, forment le nouveau pouvoir chargé de chasser les Prussiens et d'aller proclamer la république dans toutes les capitales de l'Europe. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:48 | |
| Cette canaille de Jules Favre, ajoute mon homme, n'était qu'un jésuite, comme ce sacristain de Trochu. Il est certain qu'ils ont déjà volé chacun dix millions à la caisse publique. Mon animal me donne une poignée de main que je ne lui demandais pas et continue son chemin en criant: Vive la république démocratique et sociale! Remarquez que je n'ai pas eu le temps de dire un seul mot à ce bonhomme-là. Je rentre à la maison, où j'annonce qu'on vient de renverser les hommes du 4 septembre. Les bonnes gens n'en peuvent croire leurs oreilles. Les bourgeois sont consternés. Dans leurs rêves de cette nuit, je suis certain qu'ils verront passer la guillotine de 93. Il faut bien avouer que le rétablissement de la commune et du comité du salut public ne nous ouvre pas des perspectives précisément agréables. Voilà le tapage qui recommence. La rue de l'Entrepôt retentit du son du clairon comme un champ de bataille. Il est neuf heures et demie. Est-ce le gouvernement Blanqui qui commence à faire des siennes? Je vais aller voir un peu de quoi il retourne. Dix heures et quart. J'arrive de la porte Saint-Martin. On bat le rappel dans toutes les rues. Pourquoi? Je l'ai demandé à vingt personnes. Les uns affirment que les Prussiens attaquent en masse le fort d'Aubervilliers et que leurs obus viennent éclater sur le mur d'enceinte. Les autres prétendent
que l'on se bat devant l'Hôtel de Ville. Les gardes nationaux arrivent de tous les côtés. Les bataillons se forment. Les uns marchent sur l'Hôtel de Ville, quelques-uns montent le faubourg Saint-Martin pour se rendre aux remparts. La pluie a fait place à un vent glacé qui nous pince joliment bien. Je n'ai pas de paletot. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:49 | |
| Je commence à sentir le froid. Comme pour me réchauffer je ne tiens nullement à courir, sur la place de Grève, recevoir les balles des défenseurs du comité du salut public ou à me rendre aux remparts pour offrir ma poitrine d'homme libre aux obus monarchiques du roi Guillaume, je rentre tranquillement me coucher prosaïquement dans mon lit. À demain. MARDI SOIR, 1er novembre. - Temps splendide. En 1848, Henri Murger demandait tous les matins à son concierge sous quel gouvernement il avait le bonheur de respirer. Nous pourrons bientôt faire comme lui. Hier soir, nous avions pour maîtres la raison sociale Blanqui, Flourens, Pyat et C1e. Ce matin, nous avons été agréablement surpris en apprenant que les gardes nationaux avaient rétabli le gouvernement provisoire. Jusqu'à trois heures du matin, l'émeute triomphe. Elle décrète l'élection de la commune, la guerre à outrance, la mise en accusation du général Trochu. À quatre heures du matin, 120,000 gardes nationaux en armes cernent l'Hôtel de Ville. Les mobiles bretons, en passant par le souterrain qui unit la caserne Napoléon au palais municipal, surgissent, comme d'une boite à surprise, au milieu des émeutiers, qui sont bientôt entourés et désarmés. On laisse sortir les auteurs de cette algarade sans les molester, et Flourens, monté sur son cheval de bataille, retourne tout penaud à Belleville avec ses hommes, qui n'ont plus de fusils, mais qui font un nez long comme d'ici à demain. On ne fait pas d'arrestations afin
de ne pas donner, dans ce temps où l'union est si nécessaire, un prétexte à M. Blanqui et C1e pour se poser en martyrs et pour exciter leurs partisans à la guerre civile. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:49 | |
| Les décrets de ce gouvernement qui a duré dix heures sont annulés par les hommes du 4 septembre, réinstallés à quatre heures du matin. E finita la comedia. Comme je n'ai pas été témoin de cette déplorable et ridicule aventure, je ne puis vous envoyer d'autres détails que ceux que je copierais dans les journaux. Il est donc beaucoup plus simple de vous envoyer ces journaux, qui vous parviendront en même temps que ces lignes quand nous serons débloqués. Quand? Dieu seul le sait. Les journaux officieux, en parlant de la défaite des émeutiers, disent que force est restée à la loi. Il me semble plutôt que force est restée à la force. Jules Favre, entouré par les partisans de la commune qui le tenaient prisonnier, leur reprochait de vouloir renverser le gouvernement du 4 septembre par la violence. Et vous, lui a-t-on répondu, est-ce que ce n'est pas par la violence que vous avez renversé l'empire? On ne dit pas ce que Jules Favre a répondu. A l'heure qu'il est, il n'y a pas plus de loi que de droit. Au point de vue des principes, si Blanqui et Pyat avaient réussi à se maintenir à l'Hôtel de Ville, leur autorité eût été tout aussi légitime que celle du gouvernement provisoire, puisqu'elles ont toutes deux une origine commune, la violence. Je ne dis pas cela pour défendre Blanqui et autres farceurs ejusdem farinae, mais seulement pour rappeler que, du moment qu'on sort de la légalité, on n'a plus le droit de reprocher aux autres ce que l'on a fait soi-même. Il n'en est pas moins très heureux pour la France que la tentative des partisans de la commune ait avorté. Les membres du gouvernement provisoire ne sont pas des petits saints, mais du moins ce sont
des gens honorables, des messieurs, tandis que les chefs de la clique de Belleville ne sont, à l'exception de Flourens, que des voyous. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 16:49 | |
| Tout le monde est si content d'avoir échappé à la dictature de la voyoucratie, que l'on semble oublier les malheurs de ces derniers jours. Malgré les inquiétudes de toutes sortes causées par la situation pleine de périls de la capitale, les Parisiens n'ont pas oublié que c'est aujourd'hui la veille de la fête des morts. Des centaines de mille personnes se rendent aux différents cimetières pour déposer sur les tombes aimées une couronne d'immortelles et donner au souvenir des êtres chéris qui ne sont plus une prière et une larme. Rien à noter en fait d'opérations militaires. MERCREDI SOIR, 2 novembre. - Un froid de chien. Comme opérations militaires, rien de sérieux. Ce matin, les murs étaient couverts d'affiches officielles annonçant un plébiscite pour demain. Les membres du gouvernement provisoire, à qui l'algarade du 31 octobre a mis la puce à l'oreille, sentent le besoin de légitimer par le suffrage universel le pouvoir qu'ils ont pris par la violence à la suite de la capitulation de Sedan. Jusqu'à ce jour, les hommes du 4 septembre ne sont qu'un accident. Si le vote de demain se prononce en leur faveur, ils seront un gouvernement régulier, autant qu'il est possible de l'être, puisque nous sommes toujours séparés du reste de la France. On parle de la conclusion de l'armistice dont M. Thiers avait apporté les conditions quand il est venu à Paris dimanche dernier. On dit même que les signatures sont données, mais que l'armistice ne sera rendu public que le lendemain du plébiscite. Je crois que la partie est perdue, bien perdue. La capitulation de Metz, le manque d'énergie de la province travaillée en tous sens par les partis qui divisent le pays, ne nous permettent plus
d'espérer une solution heureuse à l'épouvantable crise que nous traversons en ce moment. |
| | | | Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS | |
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