PLUME DE POÉSIES
Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer.

PLUME DE POÉSIES

Forum de poésies et de partage. Poèmes et citations par noms,Thèmes et pays. Écrivez vos Poésies et nouvelles ici. Les amoureux de la poésie sont les bienvenus.
 
AccueilPORTAILS'enregistrerDernières imagesConnexion
 

 Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

Aller en bas 
Aller à la page : Précédent  1 ... 6 ... 8, 9, 10 ... 13 ... 17  Suivant
AuteurMessage
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:06

Rappel du premier message :

Votre pauvre enfant.


JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

En envoyant à sa famille son Journal du siège de Paris
que nous donnons ci-après, Crémazie l'accompagne de la
note suivante qui fait comprendre dans quelles conditions ce
journal a été écrit.

Je vous envoie aujourd'hui mon journal jusqu'au 19
décembre. J'y ai inséré régulièrement, chaque soir, les
impressions de la journée. Vous verrez dans ces pages bien
des choses qui n'ont existé que dans l'imagination des
assiégés, des rumeurs insensées et des cancans absurdes.
Séparés par une muraille de fer de la France et de l'univers,
nous nous sommes nourris, pendant quatre mois,
d'espérances trompeuses et d'illusions décevantes. Comme le
mirage du désert, la délivrance miroitait toujours à nos yeux,
mais elle ne devait jamais devenir une réalité. Il vous faut
donc, en lisant ces pages, vous mettre à la place des assiégés
qui, pendant près de cinq mois, n'ont entendu d'autre
musique que celle du canon et de la fusillade, n'ont connu la
situation de la province que par les messages emphatiques et
mensongers de Gambetta.
Non seulement nous ne connaissions pas ce qui se passait
dans les départements, mais nous n'étions même pas
renseignés sur les batailles qui se livraient à nos portes: le
gouvernement de l'Hôtel de ville nous donnant comme des
succès toutes les sorties de l'armée de Paris, à l'exception de
l'affaire du 2 décembre, qui a été glorieuse, mais sans
résultat, puisqu'il a fallu rentrer dans Paris le 4 au matin.
Maintenant que le voile qui nous cachait le véritable état des
choses se lève chaque jour davantage, nous pouvons bien


Revenir en haut Aller en bas

AuteurMessage
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:46

Ce projet d'une paix honteuse est-il
réalisable? La province a-t-elle à ce point la crainte ou la
haine de la république, que Napoléon III, ramené comme
Louis XVIII par les baïonnettes teutonnes, lui semble
préférable au gouvernement du 4 septembre? Comme nous
sommes bloqués depuis quarante-trois jours, nous ne
connaissons rien des départements que les phrases
retentissantes que Gambetta nous envoie de Tours et qui ne
peuvent nous faire connaître l'état des esprits dans le reste de
la France. Je ne puis croire, cependant, que le parti
bonapartiste puisse rêver, par des moyens aussi indignes, la
restauration du régime impérial. On annonce la mort de la
reine d'Espagne, qui aurait été emportée subitement à
Houlgate. On dit que les Allemands, au nombre de 12,000,
ont envahi le Mans et occupent Laval. Rien d'officiel. Nous
avons failli avoir une émeute à propos du charbon. Les
cuisinières parisiennes emploient le charbon de bois. Comme
ce combustible, devenu très rare, se vend aujourd'hui six
francs le boisseau, un charbonnier a eu l'idée triomphante,
mais passablement canaille, de vendre pour du vrai charbon,
des petits morceaux de bois trempés dans l'encre. Colère
parfaitement justifiée des ménagères, qui veulent écharper
l'Auvergnat coupable de cette mauvaise et malhonnête
plaisanterie. Rassemblement, bousculades, enfin arrivée de la
garde nationale, qui empoigne le charbonnier et ferme sa
boutique. Les clubs continuent à étonner les natifs. Celui des

partisans de Blanqui, à la Barrière-Blanche, a décidé à
l'unanimité que le citoyen général Trochu serait invité à
soumettre tous ses plans, même les plus secrets, à la
discussion et à l'approbation des clubs.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:46

SAMEDI SOIR, 29 octobre. - Temps sombre le matin, pluie
battante pendant l'après-midi. Les Prussiens, au nombre de
,000, avec trente pièces de canon, ont essayé par cinq fois
de reprendre le Bourget. Constamment repoussés, ils ont été
obligés de se retirer en laissant une très grande quantité de
morts et de blessés sur le champ de bataille. Le Combat de ce
matin affirme que la reddition de Metz lui a été donnée
comme un fait certain par Flourens, qui disait tenir cette
nouvelle de Rochefort. Ce soir, Flourens reconnaît bien avoir
donné cette nouvelle à Pyat, mais nie avoir dit qu'il tenait ce
renseignement de Rochefort. Ce serait une personne attachée
au gouvernement provisoire qui lui aurait annoncé la
capitulation de Bazaine. Quelle personne? Tout cela ne me
semble pas très clair. Les forts de Vanves, de Bicêtre et de
Metz ont tonné toute la journée pour démolir les ouvrages
des Prussiens. Les impérialistes réfugiés à Londres viennent
de fonder un journal intitulé la Situation, qui semble donner
quelque plausibilité au projet Rouher dont j'ai pris note hier.
Aujourd'hui, je suis allé sur la place du Panthéon, où se font
les enrôlements volontaires. Draperies rouges, armes en
faisceaux, drapeaux tricolores, l'inscription: Citoyens, la
patrie est en danger, rien ne manque à la mise en scène, rien
si ce n'est les volontaires. Pendant une demi-heure que je suis
resté là à faire le badaud en écoutant un long monsieur tout
de noir habillé, une manière de notaire ou d'avoué, qui faisait
l'éloge de Garibaldi, j'ai vu se présenter un seul patriote, un
jeune homme en blouse bleue, qui avait une de ces bonnes et

honnêtes figures comme on en rencontre souvent dans nos
campagnes
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:46


. Il a été vivement applaudi par la foule. A part le
luxe de la mise en scène, ces enrôlements de volontaires
ressemblent assez à nos élections. On parle d'un grand projet
d'union républicaine que M. de Kératry tenterait en ce
moment de réaliser avec l'Espagne. Les cortès
proclameraient la république et céderaient, moyennant cinq
cent millions de francs, Cuba aux États-Unis. A ces
conditions, le gouvernement américain ferait une alliance
offensive et défensive avec la France et l'Espagne contre la
Prusse et garantirait la neutralité de la Russie. M'est avis que
ce beau projet a bien peu de chances de succès, surtout si,
comme on l'annonçait ces jours derniers, le duc d'Aoste a été
proclamé roi à Madrid. Le décret abolissant l'ordre de la
Légion d'honneur pour tout ce qui n'est pas militaire, a paru
dans le Journal officiel de ce matin. Le gouvernement de
l'Hôtel de Ville, qui a pris le nom de la défense nationale,
devrait s'occuper de chasser les Prussiens et laisser à la
future constituante le soin de faire ou d'abroger les lois. Le
décret de ce matin est donc une nouvelle boulette à porter au
débit des hommes du 4 septembre.
DIMANCHE SOIR, 30 octobre. - Magnifique journée
d'automne. Les boulevards sont encombrés de promeneurs.
Les familles, en toilette des beaux jours, inondent les avenues
et les places publiques comme au temps jadis. Qui pourrait
croire que nous sommes bloqués depuis quarante-quatre
jours? Ce matin, 40,000 Prussiens, soutenus par quarante-
cinq pièces de canon, ont attaqué le Bourget. Les défenseurs
de ce village, conquis vendredi, ont dû battre en retraite avec
des pertes considérables. C'est toujours le même système
depuis le commencement du siège. On est constamment

obligé de se replier devant le nombre, puisque, sans compter
les 400,000 hommes de garde nationale, il y a dans Paris
,000 soldats et mobiles, pourquoi n'envoie-t-on pas les
troupes d'attaque en nombre suffisant? On murmure
beaucoup en ce moment et je crois que nous aurons des
émeutes avant peu. Du reste, l'impression général semble
mauvaise aujourd'hui.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:47

Rien de précis, rien d'officiel, mais il
souffle dans l'air comme un vent de malheur. Il doit être
arrivé des nouvelles fâcheuses au gouvernement. Les petits,
comme moi, ne sont pas dans le secret des dieux. Je parierais
dix contre un qu'avant quarante-huit heures, le journal
officiel nous annoncera quelque désastre. La capitulation de
Bazaine? Une armée de la province anéantie par les
Prussiens? Qui sait? M. Thiers est arrivé aujourd'hui à Paris
et, sans prendre le temps de se rendre chez lui, s'est dirigé
immédiatement vers le Ministère des affaires étrangères. Il a
passé toute la journée avec Jules Favre. Aujourd'hui, à deux
heures, on a élevé sans tambour ni trompette, en tapinois,
comme des gens qui commettent une action honteuse, la
statue de Voltaire sur le piédestal qui portait celle du prince
Eugène. On dit que Napoléon III vient de former un
ministère, in partibus infidelium, composé de Palikao,
Persigny, Rouher, Pietri, La Guéronnière, Émile de Girardin.
Il paraît que les bestiaux souffrent beaucoup dans les squares
et jardins où ils sont parqués depuis le commencement du
siège. Comme ils maigrissent à vue d'oeil, on va les abattre et
saler leur viande. Les Américains ne sont pas en odeur de
sainteté auprès de Bismarck. Plusieurs familles yankees qui
ont voulu quitter la capitale hier, n'ont pu franchir les lignes
prussiennes et ont été brutalement renvoyées à Paris. J'ai
mangé du cheval ce soir et il me pèse sur l'estomac. Je vais

me faire un peu de thé.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:47

Vous ai-je dit que j'avais un ménage
complet, se composant d'une lampe à esprit de vin avec une
petite casserole en ferblanc, plus une petite machine
également en ferblanc qui me sert pour le thé et le café? Le
tout me coûte 2 fr. 50. J'oubliais une tasse, une soucoupe, un
sucrier et une petite cuiller, qui coûtent 1 fr. 25 les trois
articles. Vous voyez que je suis un bon parti et je ne
comprends pas comment une héritière ne m'a pas encore
offert sa main avec 100,000 francs de rente. Ces Françaises,
ça ne sait pas distinguer les partis avantageux. Au lieu de
prendre des pilules de Morrison, quand je digère mal, ce qui
m'arrive assez souvent, je me fais une tasse de thé que
j'avale bouillant et sans lait, et je suis sûr que dix minutes
après, j'ai l'estomac débarrassé. Il va sans dire qu'il faut
mettre une quantité de thé suffisante, une pleine cuillerée
pour une tasse. Si c'était de l'eau chaude avec du lait et une
dose homéopathique de thé, comme on le boit trop souvent
en Canada, ça ferait autant d'effet qu'un cautère sur une
jambe de bois. Je vais donc me payer du thé pour éperonner
mon cheval, qui fait une station beaucoup trop longue dans
mon estomac.
Dix heures. Je suis débarrassé des embarras que me
causait la plus noble conquête que l'homme ait jamais faite,
mais il vient de m'arriver un malheur. J'ai cassé mon sucrier,
un magnifique sucrier qui m'avait bien coûté cinquante
centimes (dix sous). En achèterai-je un autre? Quand je me
suis permis cette fantaisie d'un luxe asiatique, nous vivions
sous le tyran. Aujourd'hui que nous avons l'ineffable
bonheur de respirer sous la république une et indivisible, je
me demande si les immortels principes de 89 permettent à un
citoyen de se servir d'une faïence qui rappelle les plus

mauvais jours du despotisme! Comme je n'oserai jamais
résoudre cette question pleine d'insondables profondeurs, je
me contenterai à l'avenir d'un modeste sac en papier. Sur ce,
bonsoir.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:47

LUNDI SOIR, 31 octobre. - Pluie toute la journée. Un
déluge de mauvaises nouvelles. Bazaine a capitulé le 27
octobre. N'ayant plus de munitions ni de vivres, ayant mangé
tous les chevaux de son armée, il a dit subir les rigoureuses
conditions acceptées par Napoléon III à Sedan. Les Prussiens
ont fait 173,000 prisonniers, comprenant les troupes de
Bazaine et la garde nationale de Metz, 700 canons, 250,000
chassepots, etc. Il y a maintenant plus de 350,000 prisonniers
français entre les mains des Allemands. L'histoire ne nous
offre pas d'exemple d'une suite de désastres aussi
foudroyants. Après un bombardement de quatre jours, les
Prussiens sont entrés dans Soissons, où ils ont fait 4000
prisonniers. Vernon, comme Châteaudun, a été bombardé et
incendié. Chartres est investi. La catastrophe de Metz,
annoncée officiellement ce matin, produit une excitation
douloureuse dans toute la ville, qui est déjà mal disposée par
la malheureuse affaire du Bourget. M. Thiers, arrivé hier
avec des propositions d'armistice, a passé toute la journée et
toute la nuit en conférence avec les membres du
gouvernement. Comme la masse ne comprend pas le sens du
mot armistice, elle s'imagine que l'on va signer la paix en
acceptant toutes les conditions de M. de Bismarck. Des
groupes nombreux se forment. Malgré la pluie, je vais voir ce
qui se passe. Sur la place du Château-d'Eau, on n'entend que
des paroles indignées, on ne voit que des gestes menaçants.
On crie à la trahison. Les propos les plus absurdes sont
acceptés comme parole d'Évangile. Un gros homme, cheveux

rouges, yeux bleus bêtes, étend une espèce de battoir que je
suppose être sa main, et crie: « Citoyens, Thiers est une
canaille! Il est allé vendre la France à Saint-Pétersbourg.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:48

L'empereur de Russie lui a donné cinquante millions pour le
prix de sa trahison. » Un petit bossu habillé en gentleman, qui
sent le patchouli à quinze pas, crie d'une voix aiguë: « Il n'a
pas seulement vendu la France, il a reçu dix millions de la
famille Bourbon qui va revenir, sous la protection des
despotes, nous ramener la féodalité et l'inquisition. À bas
Thiers! » Un grand animal qui ressemble énormément à
Savard le typographe (de Québec), prétend que c'est la
réaction cléricale qui veut faire la paix afin d'anéantir la
république et de rétablir le pouvoir temporel du pape. La
cohue va en augmentant. Bientôt le cri À l'Hôtel de Ville!
poussé par les gardes nationaux de Belleville, qui débouchent
par la rue du faubourg du Temple, attire l'attention des
politiqueurs de la place du Château-d'Eau. Un gigantesque
drapeau rouge précède la milice citoyenne, composée des
électeurs de Rochefort. Tout le monde les suit. La pluie
continue à tomber, je n'ai pas de parapluie. Comme je ne
tiens pas à attraper un rhume ou un rhumatisme pour le plus
grand bien de la Sociale, je rentre chez moi. À deux heures et
demie, panique dans notre rue. On annonce que l'on se tire
des coups de fusil à l'Hôtel de Ville. Le faubourg Saint-
Antoine serait descendu en masse sur la place de Grève. Les
boulangeries de notre quartier sont envahies par les
ménagères effarées qui viennent faire leurs provisions de
pain pour plusieurs jours dans la crainte que la guerre civile
n'empêche la circulation dans les rues. Le clairon sonne à
droite, le rappel est battu à gauche, partout on appelle la
garde nationale aux armes. À cinq heures, je sors, malgré la

pluie qui continue à tomber en cataractes. Au coin du
boulevard de Sébastopol, je rencontre un imbécile qui
m'apprend d'un air triomphant que le gouvernement
réactionnaire et clérical du 4 septembre est renversé, et que
les citoyens Blanqui, Flourens, Pyat, Mottu, le fameux
destructeur de crucifix, V. Hugo, Bonvalet, le restaurateur,
forment le nouveau pouvoir chargé de chasser les Prussiens
et d'aller proclamer la république dans toutes les capitales de
l'Europe.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:48

Cette canaille de Jules Favre, ajoute mon homme,
n'était qu'un jésuite, comme ce sacristain de Trochu. Il est
certain qu'ils ont déjà volé chacun dix millions à la caisse
publique. Mon animal me donne une poignée de main que je
ne lui demandais pas et continue son chemin en criant: Vive
la république démocratique et sociale! Remarquez que je
n'ai pas eu le temps de dire un seul mot à ce bonhomme-là.
Je rentre à la maison, où j'annonce qu'on vient de renverser
les hommes du 4 septembre. Les bonnes gens n'en peuvent
croire leurs oreilles. Les bourgeois sont consternés. Dans
leurs rêves de cette nuit, je suis certain qu'ils verront passer
la guillotine de 93. Il faut bien avouer que le rétablissement
de la commune et du comité du salut public ne nous ouvre
pas des perspectives précisément agréables. Voilà le tapage
qui recommence. La rue de l'Entrepôt retentit du son du
clairon comme un champ de bataille. Il est neuf heures et
demie. Est-ce le gouvernement Blanqui qui commence à faire
des siennes? Je vais aller voir un peu de quoi il retourne.
Dix heures et quart. J'arrive de la porte Saint-Martin. On
bat le rappel dans toutes les rues. Pourquoi? Je l'ai demandé
à vingt personnes. Les uns affirment que les Prussiens
attaquent en masse le fort d'Aubervilliers et que leurs obus
viennent éclater sur le mur d'enceinte. Les autres prétendent

que l'on se bat devant l'Hôtel de Ville. Les gardes nationaux
arrivent de tous les côtés. Les bataillons se forment. Les uns
marchent sur l'Hôtel de Ville, quelques-uns montent le
faubourg Saint-Martin pour se rendre aux remparts. La pluie
a fait place à un vent glacé qui nous pince joliment bien. Je
n'ai pas de paletot.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:49

Je commence à sentir le froid. Comme
pour me réchauffer je ne tiens nullement à courir, sur la place
de Grève, recevoir les balles des défenseurs du comité du
salut public ou à me rendre aux remparts pour offrir ma
poitrine d'homme libre aux obus monarchiques du roi
Guillaume, je rentre tranquillement me coucher
prosaïquement dans mon lit. À demain.
MARDI SOIR, 1er novembre. - Temps splendide. En 1848,
Henri Murger demandait tous les matins à son concierge sous
quel gouvernement il avait le bonheur de respirer. Nous
pourrons bientôt faire comme lui. Hier soir, nous avions pour
maîtres la raison sociale Blanqui, Flourens, Pyat et C1e. Ce
matin, nous avons été agréablement surpris en apprenant que
les gardes nationaux avaient rétabli le gouvernement
provisoire. Jusqu'à trois heures du matin, l'émeute triomphe.
Elle décrète l'élection de la commune, la guerre à outrance,
la mise en accusation du général Trochu. À quatre heures du
matin, 120,000 gardes nationaux en armes cernent l'Hôtel de
Ville. Les mobiles bretons, en passant par le souterrain qui
unit la caserne Napoléon au palais municipal, surgissent,
comme d'une boite à surprise, au milieu des émeutiers, qui
sont bientôt entourés et désarmés. On laisse sortir les auteurs
de cette algarade sans les molester, et Flourens, monté sur
son cheval de bataille, retourne tout penaud à Belleville avec
ses hommes, qui n'ont plus de fusils, mais qui font un nez
long comme d'ici à demain. On ne fait pas d'arrestations afin

de ne pas donner, dans ce temps où l'union est si nécessaire,
un prétexte à M. Blanqui et C1e pour se poser en martyrs et
pour exciter leurs partisans à la guerre civile.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:49

Les décrets de
ce gouvernement qui a duré dix heures sont annulés par les
hommes du 4 septembre, réinstallés à quatre heures du matin.
E finita la comedia. Comme je n'ai pas été témoin de cette
déplorable et ridicule aventure, je ne puis vous envoyer
d'autres détails que ceux que je copierais dans les journaux.
Il est donc beaucoup plus simple de vous envoyer ces
journaux, qui vous parviendront en même temps que ces
lignes quand nous serons débloqués. Quand? Dieu seul le
sait. Les journaux officieux, en parlant de la défaite des
émeutiers, disent que force est restée à la loi. Il me semble
plutôt que force est restée à la force. Jules Favre, entouré par
les partisans de la commune qui le tenaient prisonnier, leur
reprochait de vouloir renverser le gouvernement du 4
septembre par la violence. Et vous, lui a-t-on répondu, est-ce
que ce n'est pas par la violence que vous avez renversé
l'empire? On ne dit pas ce que Jules Favre a répondu. A
l'heure qu'il est, il n'y a pas plus de loi que de droit. Au point
de vue des principes, si Blanqui et Pyat avaient réussi à se
maintenir à l'Hôtel de Ville, leur autorité eût été tout aussi
légitime que celle du gouvernement provisoire, puisqu'elles
ont toutes deux une origine commune, la violence. Je ne dis
pas cela pour défendre Blanqui et autres farceurs ejusdem
farinae, mais seulement pour rappeler que, du moment qu'on
sort de la légalité, on n'a plus le droit de reprocher aux autres
ce que l'on a fait soi-même. Il n'en est pas moins très
heureux pour la France que la tentative des partisans de la
commune ait avorté. Les membres du gouvernement
provisoire ne sont pas des petits saints, mais du moins ce sont

des gens honorables, des messieurs, tandis que les chefs de la
clique de Belleville ne sont, à l'exception de Flourens, que
des voyous.
Revenir en haut Aller en bas
Invité
Invité




Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 9 Icon_minitimeLun 30 Juil - 16:49

Tout le monde est si content d'avoir échappé à la
dictature de la voyoucratie, que l'on semble oublier les
malheurs de ces derniers jours. Malgré les inquiétudes de
toutes sortes causées par la situation pleine de périls de la
capitale, les Parisiens n'ont pas oublié que c'est aujourd'hui
la veille de la fête des morts. Des centaines de mille
personnes se rendent aux différents cimetières pour déposer
sur les tombes aimées une couronne d'immortelles et donner
au souvenir des êtres chéris qui ne sont plus une prière et une
larme. Rien à noter en fait d'opérations militaires.
MERCREDI SOIR, 2 novembre. - Un froid de chien.
Comme opérations militaires, rien de sérieux. Ce matin, les
murs étaient couverts d'affiches officielles annonçant un
plébiscite pour demain. Les membres du gouvernement
provisoire, à qui l'algarade du 31 octobre a mis la puce à
l'oreille, sentent le besoin de légitimer par le suffrage
universel le pouvoir qu'ils ont pris par la violence à la suite
de la capitulation de Sedan. Jusqu'à ce jour, les hommes du 4
septembre ne sont qu'un accident. Si le vote de demain se
prononce en leur faveur, ils seront un gouvernement régulier,
autant qu'il est possible de l'être, puisque nous sommes
toujours séparés du reste de la France. On parle de la
conclusion de l'armistice dont M. Thiers avait apporté les
conditions quand il est venu à Paris dimanche dernier. On dit
même que les signatures sont données, mais que l'armistice
ne sera rendu public que le lendemain du plébiscite. Je crois
que la partie est perdue, bien perdue. La capitulation de Metz,
le manque d'énergie de la province travaillée en tous sens par
les partis qui divisent le pays, ne nous permettent plus

d'espérer une solution heureuse à l'épouvantable crise que
nous traversons en ce moment.
Revenir en haut Aller en bas
 
Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS
Revenir en haut 
Page 9 sur 17Aller à la page : Précédent  1 ... 6 ... 8, 9, 10 ... 13 ... 17  Suivant
 Sujets similaires
-
» Octave Crémazie (1827-1879) A Monsieur Joseph Crémazie, Québec.
» Octave Crémazie (1827-1879) LE VER. I
» Octave Crémazie (1827-1879) OCTAVE CREMAZIE I
» Octave Crémazie (1827-1879) OCTAVE CREMAZIE II
» Octave Crémazie (1827-1879) OCTAVE CREMAZIE III

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
PLUME DE POÉSIES :: POÈTES & POÉSIES INTERNATIONALES :: POÈMES FRANCAIS-
Sauter vers: