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 Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) LA POUPÉE PERDUE.

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MessageSujet: Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) LA POUPÉE PERDUE.   Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859)   LA POUPÉE PERDUE. Icon_minitimeSam 6 Oct - 15:48

LA POUPÉE PERDUE.

Alphonse avait passé tout un jour de congé au milieu de ses jeunes
parentes, et ce jour s'était écoulé comme une heure. Le jardin déjà
embaumé, la cour où il y avait de l'herbe et des poules, les greniers où
vivaient des pigeons à la plume éclatante au soleil, tout avait maintenu
la joie et la concorde dans cette jolie famille; pourtant Marceline
devint triste après le départ d'Alphonse. Elle le fut le lendemain, le
surlendemain, longtemps, jusqu'à ce que l'on s'aperçut qu'il y avait de
profonds soupirs dans son silence, que ces soupirs ressemblaient presque
à des sanglots et qu'enfin sa santé s'altérait d'une manière sensible.

Son père la portait dans ses bras, la faisait danser avec Valérie,
coudre avec Albertine, sortir avec sa bonne Suzanne.

L'enfant obéissait partout, mais elle dansait d'un air pleurant, se
couchait sur l'épaule de son père, rêveuse et les yeux fixes, gardait
sans y toucher les gâteaux délicieux dont Suzanne voulait réveiller son
appétit, et posait une heure entière sa petite tête brûlante sur les
genoux de sa patiente soeur, Albertine.

-Veux-tu cela? lui disait-on, et cela? et cela? et beaucoup de choses
propres à la distraire.

Oui! oui! oui!» répondait-elle d'une voix douce et plaintive, mais elle
ne jetait seulement pas les yeux sur les joujoux qu'on s'empressait de
lui offrir.

Cette petite fille était devenue si chère à monsieur Sarrasin, qu'il
devint lui-même tout rêveur de la voir ainsi languissante après avoir
interrogé sa maison dans la crainte que l'enfant n'y fut malheureux
pendant ses courtes absences; il prit la résolution de la veiller
lui-même jusque dans son sommeil, cet excellent père! il entra quand
tous les enfants dormaient paisibles et blancs comme des ramiers couchés
dans leurs nids.

Le sommeil d'Albertine l'arrêta un moment dans une contemplation pleine
de bonheur. C'était l'ange de la paix, qui s'était endormi dans la
prière pour tous! Augusta dont les joues rouges semblaient bondir
comme deux beaux fruits sur l'oreiller blanc, appela comme Albertine le
baiser de ce père attendri. Il jugea par le sourire de Valérie qu'elle
s'était assoupie avec une chanson sur les lèvres. Jamais il n'avait
compris jusque là tout le bonheur d'un père, qui entend les douces
haleines de ses enfants immobiles de sommeil et de santé.

C'est à remercier Dieu à genoux; c'est à croire qu'on l'entend respirer
lui-même dans ce monde.

Il n'eut pas le loisir d'interroger le repos de son plus jeune enfant,
car à peine eut-il effleuré les boucles blondes de son front presque
pâle, que la petite Marceline se réveilla en tressaillant et fixa ses
yeux brillants tout grand ouverts sur son bien-aimé père, en lui tendant
les bras.

-T'ai-je fait peur? dit-il en se penchant sur elle. Non! j'ai cru que
c'était le bon Dieu, bon comme toi.»

Alors, avec une voix de père qui ouvre les secrets de tous les enfants,
il entra dans la petite âme sensible et renfermée, au milieu d'un
ruisseau de larmes qu'il fit couler à force de confiance et de tendres
paroles, la petite mélancolique laissa sortir cet aveu: J'ai perdu ma
fille!

-Comment! dit monsieur Sarrasin frappé d'étonnement, c'est là ce que je
cherche depuis trois mois, et tu ne m'en as rien dit?

Oh! tu aurais trop de chagrin, poursuivit-elle eu jetant les bras à son
cou et puis je ne voulais pas rapporter; c'est si laid!

Dis tout, dis, pauvre ange! insista son père ému et enchanté d'avoir
découvert la blessure.

-Eh! bien!... ne gronde pas Alphonse, dit-elle en sanglotant sur le
coeur de son père. Moi, je serai bien sage..., je rirai devant toi.»

Je vous avoue que cet homme qui n'était plus enfant depuis trente ans
passés, pleura d'aussi bon coeur que cette douce petite fille.
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Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) LA POUPÉE PERDUE.
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