MELANGES LE RETOUR DU MARIN
-" petits enfants, vos jeunes yeux,
entre l' eau qui gronde et les cieux,
ont-ils vu blanchir une voile ?
Celle dont j' ai filé la toile,
si mon rêve dit l' avenir,
avant l' hiver doit revenir. "
-" oui ! Tantôt sur la roche nue,
en regardant l' errante nue,
nous avons vu là-bas, là-bas,
rouler une voile sans mâts. "
-" enfants des pauvres matelots,
dont les pères sont sur les flots,
votre voix peut percer l' orage :
criez de tout votre courage !
Dans l' éclair aux sombres couleurs
voit-on flotter nos trois couleurs ? "
-" non ! Du haut de la roche nue,
quand l' éclair déchire la nue,
sur ce pont, qui flotte vers nous
on ne voit qu' un homme à genoux. "
-" c' est lui ! Fidèle et courageux,
au fond de mon rêve orageux,
cette nuit je l' ai vu paraître :
descendez pour le reconnaître !
Moi j' ai tant pleuré que mes yeux
ne verront plus Jame qu' aux cieux ! "
-" quoi ! La foudre en crevant la nue,
l' a jeté sur la roche nue ;
s' il n' a pas cessé de souffrir,
descendons l' aider à mourir. "
et les enfants des matelots
retirèrent Jame des flots.
C' était Jame ! Et la fiancée
vint toucher, à sa main glacée,
son doux lien, son anneau d' or ;
car Jame le portait encor !
Qu' ils sont bien sous la roche nue,
à l' abri de l' errante nue,
oublieux de leurs mauvais jours,
morts... et mariés pour toujours !