POESIES POSTH. DANS UNE EGLISE
église ! église où de mon âme,
moitié de pleurs, moitié de flamme,
et prompt comme l' eau de la mer,
coula le flot le plus amer !
église où ma jeunesse blonde,
craintive ensemble et vagabonde,
attirée aux chants du saint lieu,
n' accourait pas toute vers Dieu !
église où chaque dalle usée,
d' un tendre poids scandalisée,
dénonça deux ans, jour par jour,
des pas que rejoignait l' amour !
église où mon heure allait vite
pour rencontrer à l' eau bénite
une autre âme que j' y voyais,
une main qu' ailleurs je fuyais !
église vainement austère,
où le doux encens de la terre,
ruisselant sur mes longs cheveux,
égarait le cours de mes voeux !
église où mon humble famille,
moins morte aux soupirs de sa fille,
planait sur mon sort combattu
et criait dans l' air : " que veux-tu ? "
le savais-je, ô Dieu de mon père ?
Où va-t-on vers ce qu' on espère ?
Où fuit-on l' ombre de ses pas ? ...
Dieu ! Savais-je où l' on n' aime pas !
Dieu des larmes, le sais-je encore ?
Je n' ai su qu' un mal qui dévore,
un mal dont on n' ose souffrir,
ni vivre, ô mon Dieu ! Ni mourir.
église ! église, ouvrez vos portes
et vos chaînes douces et fortes
aux élancements de mon coeur
qui frappe à la grille du choeur.
Ouvrez ! Je ne suis plus suivie
que par moi-même et par la vie
qui fait chanceler sous son poids
mon âme et mon corps à la fois.
Ouvrez ! Je suis triste et blessée,
seule sous mon aile abaissée ;
il n' est plus de pas sur mes pas,
ni d' âme qui me parle bas.
Ouvrez à mon sort sans patrie,
flottant comme une algue flétrie !
Des deux voix tendres d' autrefois
vous n' entendrez plus qu' une voix !