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 Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) ELEGIES LE RETOUR CHEZ DELIE

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Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859)  ELEGIES LE RETOUR CHEZ DELIE Empty
MessageSujet: Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) ELEGIES LE RETOUR CHEZ DELIE   Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859)  ELEGIES LE RETOUR CHEZ DELIE Icon_minitimeSam 20 Oct - 14:43

ELEGIES LE RETOUR CHEZ DELIE




C' est ici... pardonnez, je respire avec peine ;
Mes genoux affaiblis me forcent à m' asseoir.
Ici, tous mes secrets vous cherchèrent un soir.
Oh ! Que de souvenirs un souvenir ramène !
Ô mémoire du coeur, vous garde-t-on toujours ?
Oui, le temps fane en vain les roses sur nos têtes ;
Le temps éteint toutes les fêtes :
Il n' éteint pas tous les amours !
Trois étés de ces bois ont embaumé l' ombrage,
Depuis que, m' exilant sur des rives sans fleurs,
Je n' emportai que le triste courage,
En pleurant, de cacher mes pleurs.
Ne me reprochez plus ma fuite et mon silence ;
Ne pressez pas mon coeur plein de ces jours amers :



Hélas ! Quand l' aquilon souffle avec violence,
L' alcyon qui s' envole est morne sur les mers.
Dans mon isolement j' enfermais ma pensée ;
Des maux que je fuyais poursuivie et lassée,
D' avance je traînais les maux qui m' attendaient,
Et, quand vous m' accusiez, mes larmes répondaient.
Que les bords étrangers sont froids pour la souffrance !
En vain de doux regards y plaignaient ma langueur,
En vain ! ... tous les regards importunent le coeur,
Quand on n' y voit plus l' espérance.
Quel attrait déchirant me fait donc revenir ? ...
Ah ! Ne le nommez pas ! Souffrez que ma tristesse,
Qui ne veut rien du temps, mais qui craint sa vitesse,
S' arrête sur un souvenir.
C' est vous ! Je vous revois, toujours belle, Délie !
De mes siècles de pleurs à peine un seul moment
Semble avoir dans son vol touché ce front charmant,
Et du dieu qui me hait vous êtes embellie.
Pour fixer le bonheur avez-vous un secret ?
Ne pouvez-vous pas me l' apprendre ?
Je croyais ! ... du bonheur ce que j' ai su comprendre,
C' est qu' on en meurt par le regret.
Ne vous étonnez plus : en recevant la vie,
De tout ce qu' elle offrait je n' ai vu que l' amour ;
Mon coeur le respirait avec l' air et le jour.
À quelque chère idole en tous temps asservie,
Je tombais à genoux pour adorer des fleurs ;
Je me vouais surtout à la plus solitaire :
Elle me semblait triste, et je sentais des pleurs
S' échapper de mon sein. Aimante avec mystère,



Je courais raconter à quelque humble arbrisseau
Ce que j' avais souffert du tourment de l' étude :
Comme au fond de mon coeur dormait l' inquiétude,
Quand mes heures coulaient au bruit d' un frais ruisseau !
Qu' ils étaient loin alors ces maîtres sans clémence
Qui ne m' apprenaient qu' à frémir !
Que Dieu me semblait grand, dans cet espace immense
Où je n' entendais rien gémir !
Le timbre dont l' horloge éveillait mes alarmes,
La leçon monotone et les regards grondeurs,
Et le livre muet imbibé de mes larmes,
Soleil ! Tout se perdait dans tes pures splendeurs !
Dérobée en furtive aux sévères entraves
De l' école où tremblaient mes compagnes esclaves,
J' étais libre, j' errais, je suspendais mes pas,
Je répondais... à qui ? Je ne le savais pas ;
Mais un intime accent, toujours, toujours le même,
Me suivait, me parlait, me répétait : " je t' aime ! "
Et d' avance, à ce mot en tous lieux entendu,
" Je t' aime ! " était le mot que j' avais répondu.
Ne riez pas, Délie ! écoutez ! De ma mère
Ayez pour un moment l' indulgente pitié ;
Elle ne riait pas de cette sève amère
Qui de son tendre fruit consumait la moitié.
Mère, elle m' entendait lorsqu' en ses bras penchée,
Mes yeux priaient ses yeux de prendre mon secret :
Peut-être sa pitié, sur mon âme attachée,
Reconnaissait son âme où veillait un regret ;
Car mes jeunes amours n' avaient pas d' inconstance :
Pour l' arbrisseau chéri j' appelais le printemps ;
S' il mourait, à mon existence
Un doux ombrage, un charme allait manquer longtemps,



Et je ne chantais plus ; sa verdure fanée
Ornait mon front pensif aux jeux bruyants du soir :
Ce n' étaient plus mes jeux ; de leurs cris consternée,
J' allais près de ma mère et languir et m' asseoir ;
Et ma mère, en berçant ma fièvre douloureuse,
Disait que l' arbrisseau reverdirait un jour.
Cette fièvre du coeur, c' était déjà l' amour,
Et je ne fus jamais à demi malheureuse.
Jugez quand ce fut lui ! Quand j' entendis sa voix,
Cet accent retrouvé ! Que suis-je devenue,
Quand je vis mon idole à mes pieds reconnue,
Tous mes rêves épars ressaisis à la fois ?
J' osai me croire aimée : alors toute la terre
Tressaillit avec moi, me rapprocha des cieux.
Pour écouter longtemps je sus longtemps me taire,
Et je ne répondis qu' au regard de ses yeux :
J' osai le soutenir, et je perdis mon âme ;
Je ne me souvins plus, je n' entendis plus rien ;
L' univers, c' était lui ; lui m' appela son bien ;
Et tout s' anéantit dans notre double flamme.
Les voilà donc ces lieux où je donnai mes jours !
Rien n' est changé... que lui, dans ce touchant asile !
C' est le même parfum qui court dans l' air tranquille !
Cette lampe y brûle toujours !
Ô Délie ! Est-ce là que j' ai souri moi-même
À l' objet adoré que m' offrait ce miroir ?
Qu' il est beau le miroir qui double ce qu' on aime !
Ce portrait qui se meut, quel bonheur de le voir !



Je marche où de ses pieds mes pieds pressaient l'empreinte.
Que de fois, pour tromper l' embarras le plus doux,
Cette harpe, au hasard, parla seule entre nous !
Mais ces lieux qu' à présent je parcours avec crainte,
Ces parfums, ces flambeaux, ces brillantes couleurs,
Ces contrastes de mes douleurs,
Ces messagers riants qu' à vos pieds on envoie,
Tout parle, tout s' empreint d' une alarmante joie,
Et mon coeur... oui, mon coeur entend qu' il va venir :
Cruelle ! Et vous vouliez encor me retenir !
Vous me trompiez... adieu ! Votre main caressante
Ne m' enchaînera plus : je suis libre aujourd' hui.
En me réunissant à lui,
Croyez-vous n' inventer qu' une ruse innocente ?
Je n' ai donc pas souffert ? Regardez-moi ! L' amour
N' est donc qu' un mot frivole, un rêve, un badinage,
Un lien sans devoir égarant le jeune âge,
Qu' il brise et reprend tour à tour ?
Je ne sais ; mais, adieu ! Fière autant que sensible,
Dans l' effroi d' abaisser ma douleur à ses pieds,
J' ai fui ; laissez-moi fuir. Quoi ! Pour cet inflexible,
C' est vous qui me priez !
" Il le veut " , dites-vous. Il veut ! Toujours le même :
Voilà comme il régnait sur mes esprits confus ;
J' obéissais toujours, mais je disais: " il m' aime ! "
Ose-t-on commander à ceux qu' on n' aime plus ?
Que veut-il ? Mon bonheur ? Eh bien ! Je suis heureuse,
Je suis calme, je suis... voyez ! Je vis encor.
Dans le bruit de la fête apprenez-lui mon sort :
Ménagez bien son âme ; elle est si généreuse !



Et si vous me nommez, choisirez-vous l' instant
Où quelque objet nouveau, brillant et sous les armes,
Fera battre et rêver son coeur déjà content,
Pour dire : " elle est partie ! Oh ! Que j' ai vu de larmes! "
Si c' est lui qu' il faut plaindre, enfin, je le plaindrai ;
Mais, je le sens, jamais je ne le reverrai !
Le revoir ! ô terreur ! L' entendre ! Lui répondre !
Reconnaître ses yeux qui m' ont donné la mort,
Les voir errer sur moi, sans trouble, sans remord !
Balbutier son nom, m' égarer, me confondre !
Le revoir ! ô douleur ! Sans joie, à mon retour,
Interroger mes traits oubliés dans l' absence,
Et peut-être un moment douter, en ma présence,
S' il m' a connue un jour !
Non ! Laissez-moi m' enfuir. Que je doute moi-même
Si je l' ai vu jamais, si j' existe, si j' aime !
Ah ! Je ne le hais pas, je ne sais point haïr :
Mais, laissez-moi douter... mais laissez-moi m' enfuir !
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Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) ELEGIES LE RETOUR CHEZ DELIE
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