BALADE.
J'ay ou tresor de ma pensée
Ung mirouer qu'ay acheté;
Amour, en l'année passée,
Le me vendy de sa bonté;
Ou quel voy tousjours la beaulté
De celle que l'en doit nommer,
Par droit, la plus belle de France;
Grant bien me fait à m'y mirer,
En actendant bonne esperance.
Je n'ay chose qui tant m'agrée,
Ne dont tiengne si grant chierté,
Car, en ma dure destinée,
Mainteffoiz m'a reconforté;
Ne mon cueur n'a jamais santé,
Fors, quant il y peut regarder
Des yeulx de joyeuse plaisance,
Il s'y esbat pour temps passer,
En actendant bonne esperance.
Advis m'est, chascune journée
Que m'y mire, qu'en verité
Toute douleur si m'est ostée;
Pour ce, de bonne voulenté,
Par le conseil de Leaulté,
Mectre le vueil et enfermer
Ou coffre de ma souvenance,
Pour plus seurement le garder,
En actendant bonne esperance.