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 Joachim Du Bellay (1522-1560) Chapitre III.

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James
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James


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MessageSujet: Joachim Du Bellay (1522-1560) Chapitre III.   Joachim Du Bellay (1522-1560) Chapitre III. Icon_minitimeDim 16 Déc - 13:08

Chapitre III. Pourquoi la langue française n'est si riche que la grecque et
latine.
Et si notre langue n'est si copieuse et riche que la grecque ou latine, cela ne
doit être imputé au défaut d'icelle, comme si d'elle-même elle ne pouvait jamais
être sinon pauvre et stérile; mais bien on le doit attribuer à l'ignorance de
nos majeurs, qui, ayant (comme dit quelqu'un, parlant des anciens Romains) en
plus grande recommandation le bien faire, que le bien dire, et mieux aimant
laisser à leur postérité les exemples de vertu que des préceptes, se sont privés
de la gloire de leurs bienfaits, et nous du fruit de l'imitation d'iceux; et par
même moyen nous ont laissé notre langue si pauvre et nue qu'elle a besoin des
ornements, et (s'il faut ainsi parler) des plumes d'autrui. Mais qui voudrait
dire que la grecque et romaine eussent toujours été en l'excellence qu'on les a
vues du temps d'Homère et de Démosthène, de Virgile et de Cicéron? et si ces
auteurs eussent jugé que jamais, pour quelque diligence et culture qu'on y eût
pu faire, elles n'eussent su produire plus grand fruit, se fussent-ils tant
efforcés de les mettre au point où nous les voyons maintenant? Ainsi puis-je
dire de notre langue, qui commence encore à fleurir sans fructifier, ou plutôt,
comme une plante et vergette, n'a point encore fleuri, tant s'en faut qu'elle
ait apporté tout le fruit qu'elle pourrait bien produire. Cela certainement non
pour le défaut de la nature d'elle, aussi apte à engendrer que les autres, mais
pour la coulpe de ceux qui l'ont eue en garde, et ne l'ont cultivée à
suffisance, mais comme une plante sauvage, en celui même désert où elle avait
commencé à naître, sans jamais l'arroser, la tailler, ni défendre des ronces et
épines qui lui faisaient ombre, l'ont laissée envieillir et quasi mourir. Que si
les anciens Romains eussent été aussi négligents à la culture de leur langue,
quand premièrement elle commença à pulluler, pour certain en si peu de temps
elle ne fût devenue si grande. Mais eux, en guise de bons agriculteurs, l'ont
premièrement transmuée d'un lieu sauvage en un domestique ; puis afin que plus
tôt et mieux elle pût fructifier, coupant à l'entour les inutiles rameaux, l'ont
pour échange d'iceux restaurée de rameaux francs et domestiques, magistralement
tirés de la langue grecque, lesquels soudainement se sont si bien entés et faits
semblables à leur tronc, que désormais n'apparaissent plus adoptifs, mais
naturels. De là sont nées en la langue latine ces fleurs et ces fruits colorés
de cette grande éloquence, avec ces nombres et cette liaison si artificielle,
toutes lesquelles choses, non tant de sa propre nature que par artifice, toute
langue a coutume de produire. Donc si les Grecs et Romains, plus diligents à la
culture de leurs langues que nous à celle de la nôtre, n'ont pu trouver en
icelles, sinon avec grand labeur et industrie, ni grâce, ni nombre, ni
finalement aucune éloquence, nous devons nous émerveiller, si notre vulgaire
n'est si riche comme il pourra bien être, et de là prendre occasion de le
mépriser comme chose vile, et de petit prix. Le temps viendra (peut-être) et je
l'espère moyennant la bonne destinée française que ce noble et puissant royaume
obtiendra à son tour les rênes de la monarchie, et que notre langue (si avec
François n'est du tout ensevelie la langue française) qui commence encore à
jeter ses racines, sortira de terre, et s'élèvera en telle hauteur et grosseur,
qu'elle se pourra égaler aux mêmes Grecs et Romains, produisant comme eux des
Homères, Démosthènes, Virgiles et Cicérons, aussi bien que la France a
quelquefois produit des Périclès, Nicias, Alcibiades, Thémistocles, Césars et
Scipions.

_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James

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