PLUME DE POÉSIES
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 Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V

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MessageSujet: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:54

Chapitre V


Je n'aurais esquissé qu'incomplètement la physionomie
sui generis de l'humble canton où je suis né, si je ne parlais
un peu des oiseaux de passage qui le visitaient quelquefois.
Dans les commencements de la colonie des notaires
ambulants parcouraient nos districts de paroisse en paroisse,
leur encrier de corne sur la hanche, en quête de contrats de
mariage, d'actes de vente, d'obligations, de donaisons
vieux mot de l'ancien répertoire ou autres documents à
rédiger. Leurs exemple fut suivi par les maîtres d'école, qui
se firent eux aussi les colporteurs de l'intelligence. Ils
voyageaient à petite journée, s'arrêtant de maison en maison
pour donner par-ci par-là des leçons de lecture et d'écriture
aux personnes de tout âge qui avaient l'ambition d'être
rangées parmi les gens instruits. Quelques-uns avaient une
clientèle de dix lieues à la ronde. Ils gagnaient ainsi quelques
sous par jour, avec leurs repas et leur coucher.
Je connais des instituteurs diplômés de notre temps qui
voudraient bien jouir du même avantage.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:54

L'arsenal professionnel de ces instituteurs errants n'était
pas des plus compliqués: il se réduisait généralement à un
alphabet et une ardoise; quelquefois même à un simple
paroissien romain.
Car être instruit, dans ce temps-là, c'était être en état,
suivant l'expression courante, de porter un livre à l'église. Du
moment qu'une personne était censée lire les prières de la
messe, c'était une personne instruite, et elle jouissait d'une
considération toute particulière dans son entourage. Oh! l'on
n'était pas difficile!
On rapporte qu'un jour un individu, très absorbé en
dévotion, marmottait consciencieusement, le nez dans un
paroissien tout neuf.
-Mais, mon vieux, lui souffla son voisin, fais donc
attention, tu tiens ton livre la tête en bas.
-Qu'est-ce que ça fait? répond l'autre, tu sais bien que je
suis gaucher.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:55

Je n'ai jamais connu pour ma part, aucun de ces
professeurs de passage, qui avaient enseigné à lire à mon père
- ma mère, elle, avait étudié au couvent où sa mère avait été
novice ils appartenaient à une autre génération; et je ferai
voir dans un autre chapitre, que, si primitive que fût, de mon
temps, notre organisation scolaire, nous ne manquions pas de
maîtres d'école domiciliés dans l'endroit.
Mais nous avions d'autres visiteurs périodiques,
industriels ambulants dont le type survécut de bon nombre
d'années à ces éducateurs nomades, et dont quelques-uns
sont encore familiers à ma mémoire. Je veux parler des
fondeurs de cuillers, des « crampeurs » de poêles et des
raccommodeurs de faïence brisée. Y avait-il des jeunes qui
faisaient ces métiers-là? Cela n'est pas sûr. En tout cas, tous
les fondeurs de cuillers, crampeurs de poêles et
raccommodeurs de faïence que j'ai vus, étaient des vieux. Il
fallait s'en défier, disait-on, car quelques-uns passaient pour
jeter des sorts. Aussi n'osait-on rien leur refuser. D'où
venaient-ils? On ne savait pas trop; et eux, probablement
pour bénéficier de la réputation mystérieuse qu'on leur
faisait, n'en parlaient jamais. Peut-être aussi n'avaient-ils
jamais eu de domicile bien arrêté. Ils avaient l'air de vivre en
chemineaux, et c'était bien rare qu'on les vît plus d'une fois
au même endroit. Ils portaient leurs outils et leurs matériaux
sur leur dos, dans un sac, et s'arrêtaient de préférence chez
les pauvres gens. Je parle ici en particulier des fondeurs de
cuillers.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:55


Dans ces temps reculés, l'argenterie n'était connue que
chez les richards de la ville et les seigneurs de la campagne.
Il ne s'en vendait nulle part, d'ailleurs. Quand on voulait s'en
procurer, on prenait de l'argent monnayé des piastres
françaises, comme on disait alors et l'on se faisait fabriquer
son argenterie sur commande. Si le fabricant y mêlait
quelques lingots d'étain, c'était pour donner aux cuillers un
peu plus de « luisant », et, du reste, ça ne paraissait pas. Chez
le pauvre, on se contenta longtemps de la cuiller de plomb,
qui avait succédé à la cuiller de fer, puis vint la cuiller
d'étain. Les cuillers d'étain fine et d'argent d'Allemagne ne
firent leur apparition qu'un peu plus tard, et seulement chez
les gens d'une certaine aisance. Cela s'enveloppait dans du
coton, et cela se montrait. Je me souviens qu'on avait chez
mon père un service d'argent d'Allemagne qui nous valut
bien de l'admiration, et probablement des envieux. Ce qu'on
appelait argent d'Allemagne était un amalgame d'argent, de
cuivre et d'étain, ni jaune ni blanc entre les deux.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:55

Mais revenons aux cuillers de plomb. Naturellement cela se pliait,
se bossait, se cassait; on en conservait les débris et les
morceaux; et quand arrivait un fondeur de cuillers, on faisait
tout remettre à neuf. Le fondeur de cuillers avait la fierté de
son travail; pour allécher la pratique, il variait et surtout
vantait ses « moules », dont le mérite et la valeur consistaient
principalement dans les dessins, fleurons ou arabesques plus
ou moins artistiques que la matrice imprimait en relief sur le
manche de la cuiller. J'en ai connu un qui avait un manche
orné d'un ostensoir. Ma cousine, disait-il un jour à une de
nos connaissances en train de lui faire une commande... Dans
ce temps-là, par parenthèse, les vieux ne disaient monsieur et
madame qu'au seigneur et à la seigneuresse; à tous les autres
ils disaient toujours mon cousin ou ma cousine, par politesse.
- Ma cousine, disait-il, prenez le Saint-Sacrement, ça n'est
pas beaucoup plus cher, et c'est la bénédiction des familles;
avec des cuillers comme cela, on n'a presque pas besoin de
dire le bénédicité...
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:55



Le fondeur de cuillers se doublait assez souvent d'un
conteur et d'un chanteur pour ainsi dire de profession; et
alors sa récolte de « gros sous » s'augmentait d'autant dans
les cantons où il se trouvait à passer la veillée. Chez nous il
faisait un peu concurrence à Joe Violon, mais comme celui-ci
exerçait gratuitement, cela mettait de la variété dans le
programme sans faire de tort à personne.
Je l'ai déjà dit, la « soirée de contes » était populaire,
surtout lorsqu'elle était agrémentée de chant.
Il y avait bien les soirées de cartes, où la jeunesse jouait
des pommes, des avelines, des noisettes, des fèves, des
bourzagues ou des paparmanes, à une espèce de poker
appelé petit paquet. Il y avait bien aussi les veillées de morts
qui ne manquaient pas d'attraits. Chez les cultivateurs on
avait bien d'autres choses encore. Mais chez les uns comme
chez les autres rien ne pourrait se comparer à la veillée de
contes. La plus grande punition qu'on pût nous infliger,
c'était de nous en priver.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:56


Je viens, si je ne me trompe, de me servir de deux
vocables qui ne sont probablement pas familiers aux oreilles
de tous mes lecteurs: les bourzagues et les paparmanes. C'est
une corruption, assez heureuse, du reste, des deux
expressions anglaises bull's eye et peppermint. La première
désignait une espèce de bonbon de forme sphérique en liséré
tors de différentes couleurs; l'autre, des pastilles de menthe,
tout simplement.
Sur ce, revenons à nos industries ambulantes. Le
crampeur de poêles avait beaucoup moins de prestige et
d'ailleurs était infiniment moins intéressant que le fondeur de
cuillers. C'était une espèce de forgeron mis comme un
ramoneur, que l'habitude de manier la ferraille et la suie, je
suppose, avait endurci et surtout noirci. Son métier consistait
à raccommoder les plaques de poêles brisées par l'action du
feu. Le mot crampeur venait de ce qu'il se servait pour cela
d'une tige de fer pliée aux deux bouts en forme de crampe.
Les deux bouts entraient dans deux trous percés dans la fonte,
de chaque côté de la fissure, à l'aide d'un vilebrequin de
foreur, et, fortement rivés au revers de la plaque,
maintenaient celle-ci dans sa solidité première.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:56

Si le crampeur de poêles était moins populaire que le fondeur de
cuillers, en revanche il a duré plus longtemps.
Le raccommodeur de faïence était plus policé. Sa besogne
était moins salissante, en premier lieu; et puis, comme il
travaillait le plus souvent sous le regard intéressé des enfants
et des femmes, il s'entraînait à la conversation, et allait
quelquefois jusqu'à poser au bel esprit. Sa manière de
procéder à ses raccommodages ne manquait pas
d'ingéniosité. Il forait lui aussi l'objet détérioré, de chaque
côté de la brisure; puis il passait dans les trous une grosse
ficelle, de la même façon dont s'y prenait le crampeur de
poêles avec sa tige de fer. Cela fait, il recouvrait la ficelle
d'un fort enduit de mastic, puis il la retirait par un des trous,
et coulait de l'étain dans le conduit laissé ouvert derrière elle.
L'étain refroidi, le mastic s'enlevait et laissait voir on avait
soin que ce fût en dessous quand il s'agissait d'une assiette
ou d'un plat, et à l'extérieur quand il s'agissait d'une tasse ou
d'un vase et laissait voir, dis je, un lien très propret, qui,
avec ses deux bouts rivés de l'autre côté, permettait à l'objet
raccommodé de durer encore autant qu'un neuf.
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:56

Tout passe en ce monde surtout les passants. De tous
ces petits métiers nomades, il ne reste plus guère que ceux du
rémouleur et du raccommodeur de parapluies. Mais il existait
encore bien d'autres industries de passage plus ou moins
populaires parmi les moutards de notre canton, et dont un
certain nombre était une véritable bénédiction pour une
population n'ayant que peu de rapports avec la ville.
Il y avait le joueur de serinette, dont les bonshommes de
plomb saluaient, tournaient sur des pivots, ou nous tendaient
une sébille suggestive, aux accents criards et discordants d'un
mécanisme toujours prêt à se disloquer de désespoir à force
de s'entendre.
Il y avait le « montreur de villes », qui pour un sou faisait
passer devant nos yeux, sous le grossissement d'une lentille,
une foule d'images dont les principales représentaient la ville
de Rome, le mont Vésuve, Napoléon et le Juif-Errant
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MessageSujet: Re: Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V   Louis-Honoré Fréchette (1839-1908) Mémoires intimes Chapitre V Icon_minitimeMer 5 Juin - 11:56

Il y avait le montreur d'animaux empaillés, au nombre
desquels se trouvait un certain crocodile accusé d'avoir
savouré cinq hommes, dégusté trois femmes et déglutiné un
enfant.
Il y avait le colporteur invariable irlandais celui-là
qu'on appelait «petit marchand », et qui portait au bout de
chaque bras un lourd panier chargé de bimbeloterie, et sur
son dos un ballot de marchandise d'un poids à éreinter un
boeuf.
Il y avait la petite vendeuse de tire, qui passait avec sa
planchette, en travers de laquelle les bâtons de miel de canne
étageaient leurs appétissantes torsades dorées qu'une pincée
retenait à chaque bout.
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