CHANT ROYAL DE LA PLUS BELLE QUI JAMAIS FUT AU MONDE
Anges, Trônes et Dominations,
Principautés, Archanges, Chérubins,
Inclinez-vous aux basses régions
Avec Vertus, Poestés, Séraphins,
Transvolitez des hauts cieux cristallins
Pour décorer la triomphante entrée
Et la très digne naissance adorée,
Le saint concept par mystères très hauts
De celle Vierge, où toute grâce abonde,
Décrétée par dits impériaux
La plus belle qui jamais fut au monde.
Faites sermons et prédications,
Carmes dévots, Cordeliers, Augustins ;
Du saint concept portez relations,
Chaldéiens, Hébrieux et Latins ;
Romains, chantez sur les monts palatins
Que Joachim Sainte Anne a rencontrée,
Et que par eux nous est administrée
Cette Vierge sans amours conjugaux
Que Dieu créa de plaisance féconde,
Sans point sentir vices originaux,
La plus belle qui jamais fut au monde.
Ses honnêtes belles réceptions
D’âme et de corps aux beaux lieux intestins
Ont transcendé toutes conceptions
Personnelles, par mystères divins.
Car pour nourrir Jésus de ses doux seins
Dieu l’a toujours sans macule montrée,
La déclarant par droit et loi outrée :
Toute belle pour le tout beau des beaux,
Toute claire, nette, pudique et monde,
Toute pure par dessus tous vaisseaux,
La plus belle qui jamais fut au monde.
Muses, venez en jubilations
Et transmigrez vos ruisseaux cristallins,
Viens, Aurora, par lucidations,
En précursant les beaux jours matutins ;
Viens, Orpheüs, sonner harpe et clarins,
Viens, Amphion, de la belle contrée,
Viens, Musique, plaisamment accoutrée,
Viens, Reine Esther, parée de joyaux,
Venez, Judith, Rachel et Florimonde,
Accompagnez par honneurs spéciaux
La plus belle qui jamais fut au monde.
Très doux zéphyrs, par sibyllations
Semez partout roses et romarins,
Nymphes, laissez vos inondations,
Lieux stigieux et carybdes marins ;
Sonnez des cors, violes, tambourins ;
Que ma maîtresse, la Vierge honorée
Soit de chacun en tous lieux décorée ;
Viens, Apollon, jouer des chalumeaux,
Sonne, Panna, si haut que tout redonde,
Collaudez tous en termes généraux
La plus belle qui jamais fut au monde.
Esprits dévots, fidèles et loyaux,
En paradis beaux manoirs et châteaux,
Au plaisir Dieu, la Vierge pour nous fonde
Où la verrez en ses palais royaux,
La plus belle qui jamais fut au monde.
Dévotes Épistres de Katherine d’Amboise, 1861