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 François Coppée. (1842-1908) Ii

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François Coppée. (1842-1908) Ii Empty
MessageSujet: François Coppée. (1842-1908) Ii   François Coppée. (1842-1908) Ii Icon_minitimeDim 1 Juil - 17:14

II
OR, par un de ces jours où le soleil traverse
Et change en diamants les gouttes de l'averse,
Olivier, par la pluie en sa chambre enfermé,
Tenait sur ses genoux un coffret parfumé,
De ses amours défunts tombe étroite et discrète,
Et relisait, tout en fumant sa cigarette,
Ses anciens billets doux, liés par des faveurs.
Distrait, il parcourait de ses regards rêveurs
Tantôt un vélin bleu, tantôt un vélin rose;
Mais s'il reconnaissait l'écriture, la prose,
Et même l'orthographe, excentrique parfois,
S'il se rappelait bien l'attitude, la voix,
Le regard, le baiser, enfin toute la femme,
Cependant la tristesse envahissait son âme;
Car dans les mots écrits sur ces papiers relus,
Ce qu'à présent, hélas! il ne retrouvait plus,
C'était l'émotion autrefois ressentie.
Son âme, d'où la foi naïve était partie,
Avait trop vite appris qu'une promesse ment,
Qu'en disant : Pour toujours! on fait un faux serment,
Et qu'on ne garde pas au coeur ni sur sa bouche
Les baisers prodigués dans les pattes de mouche.
- Quoi donc? Toujours l'adieu, le regret, puis l'oubli! -
La passion, ainsi que l'encre, avait pâli
Sur ces lettres d'amour, tendres ou libertines.
Et puis Rosette ici réclamait des bottines,
Florine un rôle en vers, Célimène un sonnet.
Ces détails lui sautaient aux yeux; il comprenait;
Et l'unique bonheur auquel on peut prétendre
En ce monde, est de croire et non pas de comprendre.
Tout à coup le soleil étincela, plus clair.
Le jeune homme voulut respirer le grand air;
Il ferma le coffret, se mit à la croisée,
Et regarda.

La pluie, à la fin apaisée,
Semblait avoir lavé le matinal azur.
Des nuages légers passaient dans le ciel pur.
- Oh! quelle bonne odeur a la terre mouillée! -
L'averse avait rendu plus fraîche la feuillée,
Plus blanches les maisons et les nids plus bavards.
Olivier habitait un de ces boulevards
Des faubourgs qui s'en vont du côté des banlieues.
Là-bas, vers l'horizon et les collines bleues,
Le peuple du quartier populaire et lointain
Bornant le Luxembourg et le pays Latin,
Allait aux bois voisins, foule bruyante et gaie,
- Car c'était justement un dimanche de paie, -
Pour revenir le soir, les chapeaux de travers,
Les habits sous le bras et les gilets ouverts,
Et chantant le vin frais comme on chante victoire.
Les marronniers touffus, près de l'Observatoire,
Embaumaient, énervants, et sur les piétons
Jetaient leurs fleurs avec les premiers hannetons.
En gants blancs et tout fiers de leur grande tenue,
Des couples de soldats émaillaient l'avenue.
Des amoureux allaient, gais comme une chanson,
Faire leur nid d'un jour à Sceaux, à Robinson,
Sous les bosquets poudreux où l'on sert des fritures.
Des gens à mirlitons surchargeaient les voitures.
Entre les petits ifs, aux portes des cafés,
On buvait; et, jetant. des rires étouffés,
Nu-tête et deux par deux, passaient des jeunes filles.
A la foule joyeuse ouvrant ses larges grilles,
Le Luxembourg, splendide et calme, apparaissait,
Inondé d'un soleil radieux qui faisait
Plus verts les vieux massifs et plus blancs les vieux marbres.
A quelques pas, Guignol s'enrouait sous les arbres.
Et le chant des oiseaux dominait tous ces cris.
C'était bien le printemps, un dimanche, à Paris.

Dans le marasme auquel son âme était en proie,
Le poète Olivier souffrait de cette joie.
Tout ce tumulte heureux lui semblait insensé;
Car il songeait au vide affreux de son passé,
Aux souvenirs flétris de ses amours banales.
Ce jeune avril avec ses grâces matinales,
Ce soleil, ces frissons d'ailes dans les tilleuls,
Ces gens contents de vivre et de n'être pas seuls,
Ces rires, ces gaîtés, cet entrain, cette vie,
Éveillaient en lui-même une cruelle envie.
Cet homme jalousé n'était pas heureux. Non.
- Qu'importe un peu de bruit autour de votre nom?
Qu'importe le laurier, bien souvent éphémère,
Si quelque blanche épouse ou quelque vieille mère
Ne doit pas de sa main le suspendre au foyer? -
Olivier avait pu sans peine se frayer
Sa route; le bonheur l'avait aidé tout jeune;
Il avait peu connu la misère et le jeûne,
Et pour qu'il la cueillît la fleur cherchait sa main.
Oui, mais il n'avait pas, au début du chemin,
Rencontré, dans un jour mille fois béni, celle
Dont le regard contient la sublime étincelle
Où s'allume l'amour vrai, constant, simple et bon,
Qui purifie ainsi que le brûlant charbon
Dont un ange toucha la lèvre d'Isaïe;
La maîtresse soumise et l'esclave obéie;
Celle qui, sans serments jurés ni vains discours,
Nous prend en un moment, tout entier, pour toujours,
Et nous emplit le coeur de divines lumières,
Lorsque notre baiser descend sur ses paupières.
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François Coppée. (1842-1908) Ii
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