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 François Coppée. (1842-1908) IV

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François Coppée. (1842-1908) IV Empty
MessageSujet: François Coppée. (1842-1908) IV   François Coppée. (1842-1908) IV Icon_minitimeDim 1 Juil 2012 - 17:18

IV
CEPENDANT Olivier reprit un peu courage,
Le lendemain matin, et, sachant qu'un voyage
Peut distraire, il faisait ses apprêts sans songer
De quel côté ses pas allaient se diriger,
Quand soudain - la mémoire a de ces bons caprices
Il fredonna tout bas ce refrain des nourrices
Qu'il entendait jadis, rythmé par le rouet
De sa mère, du temps qu'à ses pieds il jouait
Au soleil, sur le seuil de sa maison de veuve.
Il se souvint alors de la pierre encor neuve
Qui la couvre, parmi l'herbe épaisse qui croîr,
A côté de la vieille église de l'endroit,
Et sur qui, vers le soir, l'ombre du clocher tombe.
Il résolut d'aller pleurer sur cette tombe
Et d'en orner de fleurs la simple croix de fer;
Et, comme si ce fùt un souvenir d'hier,
Il revécut les temps lointains de son enfance.
- Oui, c'est là qu'il irait. - Et, frémissant d'avance
De plaisir, il avait sous les yeux le tableau
Des sveltes peupliers qui se mirent dans l'eau
En murmurant tout bas leur chanson familière,
Et de la ville blanche au bord de la rivière.

O l'enfance! O le seul et divin souvenir!
Lac sans rides! Miroir que rien ne peut ternir!
Olivier revoyait les plus minimes choses,
La chaumière natale aux espaliers de roses,
Le vieux fusil, au mur par deux clous retenu,
Et ce père défunt qu'il n'avait pas connu,
Le grand lit qu'enfermait l'alcôve en boiseries,
Le bahut en noyer aux assiettes fleuries,
Et le grand potager derrière la maison
Où, pour faire la soupe et selon la saison,
Sa mère allait cueillir les choux-fleurs ou l'oseille;
- Puis l'école, où parfois le tirait par l'oreille
Le maître en pince-nez de fer, en bonnet noir,
Et l'orme de la place où l'on dansait le soir
Et qu'un jour de moisson avait frappé la foudre,
Et l'enseigne où Jean Bart près d'un baril de poudre
Fume pour indiquer le débit de tabac,
Et le lavoir qui rit, et le vieux cul-de-sac
Où l'on jouait sous la charrette abandonnée.

La malle d'Olivier fut vite terminée.
Sans doute il y régnait le désordre insolent
Qu'a le porte-manteau d'un acteur ambulant.
Mais un quart d'heure après avoir bouclé l'agrafe,
Il pouvait, à travers les fils du télégraphe,
D'où les petits oiseaux s'envolaient ayant peur,
Le front hors du wagon qu'emportait la vapeur
Et les cheveux livrés ati vent qui les fouette,
Voir de Paris décroître au loin la silhouette,
Et, semés de murs gris et de blanches maisons,
Verdoyer au soleil les vastes horizons.

L'express courut avec la vitesse d'usage,
Pour s'arrêter enfin dans un frais paysage
Où l'heureux voyageur, ivre d'émotion,
Reconnut, attendant devant la station,
Au milieu des enfants qui demandaient l'aumône,
La vieille diligence, et, sur la caisse jaune,
Put lire, écrit en noir, le nom de son pays.
Il jeta sa monnaie aux gamins ébahis,
Chercha le conducteur et lui paya la goutte.
Lestement, et pour voir de plus loin sur la route,
Il grimpa sous la bâche, au milieu des paquets,
Et s'assit en donnant leurs anciens sobriquets
Aux trois chevaux poussifs, plus maigres que nature,
Qui devaient tout à l'heure enlever la voiture.
« Hue! en route, la Grise! » Et le brave cocher
Qui nomme, en le montrant du fouet, chaque clocher
Et parfois d'un blasphème horrible se soulage,
Fait partir au grand trot son étique attelage.
O la délicieuse ivresse du retour!
Fou de joie, Olivier saluait d'un bonjour
Tous les gens qui passaient près de la diligence
Et qui se retournaient, surpris par l'obligeance
De ce monsieur bien mis qu'ils ne connaissaient pas.
Aux fillettes qui, tout en tricotant un bas,
Sur le bord des chemins font paître une ou deux chèvres,
Olivier, en portant ses doigts joints à ses lèvres,
Envoyait un baiser qui les étonnait bien.
Ce fin poète avait le bonheur plébéien.
Parfois il arrachait, de sa main bien gantée,
Des feuilles, quand un arbre était à sa portée,
Et, trivial, frappait sur l'épaule, ma foi!
Du gros cocher riant sans trop savoir pourquoi.
Car revoir son pays, c'est revoir sa jeunesse!
Il suffit qu'on y vienne et qu'on le reconnaisse,
Et qu'il soit bien le même, et que rien n'ait changé,
Pour que l'espoir ranime un coeur découragé!
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François Coppée. (1842-1908) IV
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