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| | Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS | |
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:06 | |
| Rappel du premier message :
Votre pauvre enfant.
JOURNAL DU SIEGE DE PARIS
En envoyant à sa famille son Journal du siège de Paris que nous donnons ci-après, Crémazie l'accompagne de la note suivante qui fait comprendre dans quelles conditions ce journal a été écrit.
Je vous envoie aujourd'hui mon journal jusqu'au 19 décembre. J'y ai inséré régulièrement, chaque soir, les impressions de la journée. Vous verrez dans ces pages bien des choses qui n'ont existé que dans l'imagination des assiégés, des rumeurs insensées et des cancans absurdes. Séparés par une muraille de fer de la France et de l'univers, nous nous sommes nourris, pendant quatre mois, d'espérances trompeuses et d'illusions décevantes. Comme le mirage du désert, la délivrance miroitait toujours à nos yeux, mais elle ne devait jamais devenir une réalité. Il vous faut donc, en lisant ces pages, vous mettre à la place des assiégés qui, pendant près de cinq mois, n'ont entendu d'autre musique que celle du canon et de la fusillade, n'ont connu la situation de la province que par les messages emphatiques et mensongers de Gambetta. Non seulement nous ne connaissions pas ce qui se passait dans les départements, mais nous n'étions même pas renseignés sur les batailles qui se livraient à nos portes: le gouvernement de l'Hôtel de ville nous donnant comme des succès toutes les sorties de l'armée de Paris, à l'exception de l'affaire du 2 décembre, qui a été glorieuse, mais sans résultat, puisqu'il a fallu rentrer dans Paris le 4 au matin. Maintenant que le voile qui nous cachait le véritable état des choses se lève chaque jour davantage, nous pouvons bien
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Auteur | Message |
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Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:37 | |
| LUNDI SOIR, 26 septembre. - Vous souvient-il que, lors de l'insurrection de 1838, nos patriotes disaient que le bon Dieu était Anglais, parce que la navigation du Saint-Laurent était
restée libre pendant presque tout le cours du mois de décembre? En présence de ce ciel d'une implacable sérénité, de ce soleil radieux comme dans les plus beaux jours de l'été, les Parisiens prêtent au bon Dieu des sympathies prussiennes. Sur les bords de notre grand fleuve comme sur les rives de ce ruisseau qui s'appelle la Seine, le peuple souverain est toujours le même. Ce matin, le fort de la Faisanderie, à Vincennes, a tiré sur l'ennemi, qui se dirigeait du côté de Choisy-le-Roi. Un convoi de munitions, atteint par les obus du fort, a vu ses caissons sauter, en anéantissant, par leur explosion, une partie de l'escorte. Le roi Guillaume concentre ses troupes entre Sceaux et Versailles. C'est pour se préparer à recevoir le choc des armées de Lyon, de la Loire et du Nord, formant ensemble un effectif de 400,000 combattants que les Allemands opèrent cette concentration. C'est la cavalerie, au nombre de 80,000 sabres, qui continue à isoler Paris du reste de la France. On reçoit cependant, tous les deux ou trois jours, des nouvelles des départements par les ballons et les pigeons. Les Prussiens ne peuvent réussir à établir leurs batteries. Les artilleurs de la marine qui font le service des forts les culbutent aussitôt qu'elles sont en place. Encore ce matin, le fort de Nogent a renversé, à une distance de cinq kilomètres (11/4 lieue), deux batteries ennemies et tué plus de 300 soldats du vieux Guillaume. Vendredi dernier, deux régiments badois, au quartier général ennemi, à Versailles, ont refusé de marcher en avant, en donnant pour raison de leur refus que les soldats prussiens restaient toujours dans la réserve, tandis que les Badois et les Bavarois étaient constamment envoyés au feu. Samedi, vingt-quatre sous-officiers et soldats de ces deux régiments ont été fusillés sur la route de Satory. Tous ces malheureux pays, le duché de
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| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:38 | |
| Bade, la Bavière, le Wurtemberg, le Hanovre, annexés à la Prusse par la politique violente de Bismarck, commencent à s'apercevoir que leurs maîtres de Berlin ne voient en eux que de la chair à canon, et qu'ils travaillent non pas pour leur patrie, mais pour le roi de Prusse. On s'attend toujours à une attaque du côté d'Auteuil en même temps que par Saint- Denis. La défense sur ces deux points est formidable et toutes les probabilités sont que les Germains en seront pour leurs frais d'attaque. Bien que l'on ne s'attende pas à un bombardement immédiat, cependant, comme il faut être prêt pour toutes les éventualités, on dépave les places du quartier latin afin d'amortir l'effet des bombes qui pourraient être lancées par l'armée assiégeante. Le gouvernement vient de décréter la liberté du colportage. Sous le règne du tyran, on ne pouvait vendre dans les foires et dans les campagnes que les livres et gravures revêtus de l'estampille de la police. Voua avez peut-être eu connaissance du beau tapage que fit, il y a quatre ans, la clique libre penseuse, parce que l'estampille avait été refusée à la Vie de Jésus de Renan. Le gouvernement, à mon avis, avait cent fois raison d'appliquer la loi sur le colportage à ce détestable livre, qui aurait semé l'impiété dans les campagnes, encore très nombreuses, qui ont le bonheur de garder intacte la foi de leurs pères. Il me souvient qu'à propos de ce refus de l'estampille au livre de Renan, l'Avenir national traitait Napoléon III de jésuite et de calotin! Maintenant que le colportage est entièrement libre, de quel déluge de livres impies, de brochures et de gravures obscènes les campagnes vont être inondées. Dieu seul le sait! MARDI, 27 septembre. - Toujours beau temps. Quand donc aurons-nous de la pluie? Elle serait accueillie comme un bienfait du ciel. Les reconnaissances n'ont pas rencontré un
seul Prussien dans le rayon des forts de la rive gauche. Depuis samedi, les assiégeants ne montrent pas le bout du nez. |
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| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:40 | |
| On dit que l'armée de la Loire arrive et que les Teutons vont au-devant d'elle afin de la détruire avant qu'elle puisse secourir Paris. Aucuns expliquent l'inaction du roi Guillaume par les préparatifs qu'il fait pour donner un assaut formidable aux forts et au mur d'enceinte. On annonce aussi que Moltke envoie en Normandie un corps de 75,000 Germains, destiné à ravitailler l'armée assiégeante. Tous ces on dit me font l'effet d'être des canards. Je les note cependant, car je veux enregistrer tous les bruits, vrais ou faux. Dans une rencontre avec l'avant-garde de l'armée de la Loire, les Prussiens ont reçu une raclée telle qu'ils ont été obligés de faire une retraite précipitée sur Étampes. Cette bonne nouvelle nous est arrivée ce matin par une estafette du gouvernement qui a réussi à traverser les lignes ennemies. Elle nous a appris en même temps que Thiers avait quitté Tours, siège de la délégation du gouvernement provisoire, pour se rendre à Saint-Pétersbourg. Vers une heure après-midi, des nuages d'une fumée noire et épaisse couvraient Paris. Dans la prévision d'un bombardement, le gouvernement a réuni sur les buttes Chaumont tout le pétrole emmagasiné dans les entrepôts de Belleville et de la Villette. On achevait d'enterrer les cinquante mille barils de pétrole quand le feu s'est déclaré. On a pu immédiatement circonscrire les ravages de l'incendie. Les pertes matérielles ne s'élèvent pas à un chiffre élevé. Une enquête est ouverte pour savoir si cet accident est dû à la malveillance. Les chiffonniers et les huissiers s'organisent en corps francs. L'industrie des premiers se trouve paralysée, les communications coupées ne permettant plus l'expédition des chiffons aux fabriques de papier des
départements. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:41 | |
| Pour les huissiers, comme l'échéance des billets est renvoyée à la conclusion de la paix, ils n'ont plus de protêts à signifier. En France, ce n'est pas le notaire mais l'huissier qui proteste les billets. Encore un cancan. On affirme qu'un parlementaire prussien arrivé à l'Hôtel de Ville, a eu un long entretien avec Jules Favre. Je n'en crois rien. Lundi (hier), le roi Guillaume a passé une grande revue des troupes réunies à Versailles. Les fins politiqueurs prétendent que cette revue annonce une attaque générale sur tous les forts. Moi qui ne suis ni fin ni politiqueur, je ne dis rien et j'attends les événements. Des sentinelles avancées, ayant entendu quelques coups de fusil, ont abandonné leur poste et sont rentrées en fuyant dans Paris. Ce matin, ces fuyards ont été conduits de la place Vendôme à la prison militaire de la rue du Cherche-Midi, au milieu des huées de la population. Ils avaient le képi mis à l'envers, la tunique retournée, les mains liées derrière le dos, et portaient sur la poitrine et sur les épaules deux pancartes sur lesquelles se lisait le mot « Lâche. » Le fameux canonnier de Saint-Denis, qui démolit les batteries à six kilomètres (I %2 lieue) et qui a déjà mis quarante-sept canons prussiens hors de service, est un Alsacien, qui s'appelle Christman. MERCREDI, 28 septembre. - Le beau temps continue. Maintenant que l'armée de la Loire marche sur Paris, mieux vaut ne pas avoir les pluies qui étaient l'objet de nos désirs depuis le commencement du siège. Une deuxième estafette est arrivée de Tours. Elle nous apprend que la démarche de Jules Favre auprès de M. de Bismarck a gagné toutes les sympathies du continent. L'Europe considère la position des Prussiens comme très aventurée. Par la même voie nous avons la nouvelle de l'entrée des troupes italiennes à Rome,
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:43 | |
| après quelques coups de fusil. Le pape n'a pas quitté le Vatican. Est-ce la fin définitive du pouvoir temporel? Qui peut connaître les desseins de la Providence? Qui pourrait dire que dans quelques années, peut-être dans quelques mois, Pie IX ne sera pas encore le Pontife-Roi? L'entrée des soldats de Victor-Emmanuel dans la ville éternelle me remet en mémoire les paroles que Napoléon III adressait à un diplomate étranger, il y a deux ans: Quand je serai détrôné, le pape fera bien de faire préparer au Quirinal les appartements de Victor-Emmanuel, car ma chute entraînera immédiatement celle du pouvoir temporel. La troisième livraison de la correspondance de la famille impériale vient de paraître. Elle n'offre rien de bien extraordinaire. Les amateurs de scandale sont désappointés. Ils n'en ont pas pour leur creuse dent. Il paraît, cependant, que le fameux complot éventé avant le plébiscite n'avait pas l'importance qu'on lui a donnée. Aucuns prétendent que l'on a trouvé à la Préfecture de police la preuve que cette prétendue conspiration était un coup monté par Pietri, Grandperret et Bernier. On dit que des mandats d'amener sont lancés contre ces trois personnages. Forcade de la Roquette serait aussi sous le coup d'un ordre d'arrestation. La finance est pleine de confiance, comme le prouve la hausse de la bourse depuis trois jours. C'est un fait, peut-être unique dans l'histoire des villes assiégées, non seulement de voir la bourse ouverte, mais encore d'assister à la hausse constante de la vente, quand le canon de l'ennemi ébranle les colonnes de l'Exchange. Cette fermeté de toutes les valeurs publiques vaut une victoire, car elle donne du coeur au ventre à tous les boutiquiers et les rentiers, pour qui la cote de la bourse est la seule infaillibilité de ce monde. On se dit tout bas, à l'oreille, que les espions prussiens vont
essayer d'empoisonner les bestiaux destinés à la nourriture des assiégés. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:44 | |
| Huit boeufs auraient succombé aux effets de l'intoxication. Je n'en crois pas un traître mot. L'Arc de triomphe de l'Étoile devient une véritable forteresse. Des plaques de fer l'enveloppent de la base au sommet, sur lequel, on place des pièces de marine du plus fort calibre. On commence à voir des pièces de cinq francs en argent avec l'effigie de la République. C'est le modèle de 1848, une grosse tête de femme à l'expression bête et brutale. On parle de l'adoption par la patrie de tous les enfants des citoyens morts en combattant. Rien des Prussiens, qui ont abandonné les travaux qu'ils avaient commencés près de Choisy-le-Roi. Ils ont brûlé l'église de Créteil, dont le clocher servait d'observatoire aux francs-tireurs. La viande devient très rare, non pas que l'approvisionnement soit épuisé, mais par suite de la grève des bouchers, qui prétendent que le prix fixé par le gouvernement ne leur permet pas de rentrer dans leurs déboursés. Le veau n'existe plus qu'à l'état de souvenir. Les prix du mouton ont augmenté de 30% depuis trois jours. Il est probable, cependant, que cette crise tire à sa fin, car les autorités vont établir des boucheries municipales dans tous les quartiers. Par ce moyen on pourra se passer de messieurs les bouchers. La malveillance, d'après le rapport du préfet de police, est tout à fait étrangère à l'incendie des buttes Chaumont. C'est la pipe d'un fumeur imprudent, nommé Henriot, qui a été la cause du désastre du 27. Le général de Polhès, qui commande l'armée de la Loire, en ce moment en marche pour secourir Paris, est né en 1813. Comme colonel de zouaves, il s'est distingué sous les murs de Sébastopol. On dit que le peuple anglais désapprouve hautement la politique toute prussienne de la reine Victoria et du ministère
Gladstone. Une assemblée de 200,000 personnes aurait protesté contre la conduite du cabinet britannique. Jeudi, 29 septembre. - Il paraît que le soleil a passé un bail emphytéotique avec Paris. Toujours un ciel d'une pureté irréprochable. Les Prussiens se massent du côté de Choisy-le- Roi, sans doute pour repousser l'armée de la Loire, qui avance tous les jours. Du côte de Saint-Denis, on a canonné et culbuté les batteries que l'ennemi commençait à placer. Les francs-tireurs ont amené, ce matin, aux Halles centrales cinq fourgons de provisions enlevés hier à l'armée allemande. On assure que les éclaireurs de l'armée de la Loire ont été vus, mercredi, à une lieue de Choisy-le-Roi. Les Prussiens ont coupé le canal de l'Ourcq et celui de la Dhuys. S'ils pensent, par ce moyen, faire mourir la capitale par la soif, ils se trompent joliment. Les puits artésiens, sans compter la Seine, peuvent fournir l'eau nécessaire à quatre millions d'habitants. Les provisions augmentent de prix chaque jour. En ce moment les haricots se vendent 1 franc 50 la livre, les choux-fleurs 1.80 pièce, la morue 1.25 la livre, le boeuf salé 2.25 la livre, le lard 2.10 à 2.25, les oeufs 4 sous pièce, les poulets 7 à 10 fr. pièce, les oies 22 francs. Impossible de trouver un seul hareng. Les pommes de terre, le pain et le vin sont en abondance, et on peut parfaitement vivre avec ces trois aliments. On commence à voir d'un mauvais oeil les attachés aux ambulances. Tous les jours on rencontre dans les rues des milliers d'hommes jeunes et vigoureux qui portent le brassard de la convention de Genève. On se dit, et avec raison, ce me semble, que ces hommes rendraient plus de services à la France comme soldats que comme infirmiers. Les femmes, les prêtres, les religieux et religieuses qui s'offrent pour soigner les blessés,
remplaceraient avantageusement dans les ambulances les attachés actuels. Il se fait un commerce actif de casques prussiens. Dans les reconnaissances de chaque jour, on abat toujours quelques Teutons, et le pioupiou se fait des rentes en vendant aux amateurs le fameux casque à paratonnerre. Hier, on a arrêté des espions prussiens qui avaient endossé les habits de soldats français tombés morts sur le champ de bataille de Villejuif. Grâce à l'uniforme ils avaient pu s'introduire dans Paris par la porte d'Orléans. Malheureusement ils n'ont même pas pu donner le nom du colonel du régiment dont ils portaient le numéro. Ils ont été fusillés ce matin. VENDREDI, 30 septembre. - Le temps est toujours beau, mais il se refroidit. Ce matin, à 4 heures, le canon a commencé à gronder du côté de Villejuif et aussi du côté de Bougival. Le combat a duré jusqu'à 11 heures. Les Prussiens, qui voulaient essayer encore de s'emparer de Villejuif, non seulement n'ont pas réussi dans leur projet, mais ils ont été chassés de Chevilly et de l'Hay, qu'ils occupaient depuis le commencement du siège, et repoussés jusqu'à Bourg-la- Reine. Nous n'avons pas encore les détails de l'affaire de Bougival, qui s'est terminée victorieusement pour les assiégés. Ce que l'on sait, c'est qu'un régiment prussien surpris dans l'île de Croissy a presque été anéanti et que tous les avant-postes de l'ennemi se seraient repliés après une courte résistance. À Chevilly, le général de brigade Guilhem a été tué. À Thiais, d'où l'ennemi a également été chassé, 24 canons tombés aux mains des Français n'ont pu être enlevés faute d'attelages. Du côté des assiégés on évalue les pertes à tués et 600 blessés. Les Prussiens ont eu 8,000 morts et 1,500 blessés. Il se confirme que les francs-tireurs des
Vosges ont fait sauter le tunnel de Saverne. Les Allemands vont donc, pendant les longs jours nécessaires pour réparer le tunnel, être privés des vivres et des munitions qu'ils recevaient de leur pays. Les Teutons continuent à se conduire comme les dignes descendants des Vandales. Ils ont pendu le curé de Sarcelles, qui voulait, par ses supplications, les empêcher de brûler l'église de son village. C'est le cinquième curé que ces brutes pendent depuis qu'ils entourent Paris. Comme je vous l'ai dit déjà, la guerre actuelle est bien une guerre de race et de religion, et nous devons nous attendre à toutes les horreurs des luttes du 16e siècle, si les soldats du roi Guillaume réussissent à prendre la capitale. Heureusement que leur position en ce moment est plus critique que la nôtre, et qu'ils ont devant eux la perspective d'un épouvantable désastre, si Paris tient encore pendant un mois. L'endroit le plus menacé de la capitale, Passy, vient d'être mis en état de défense par une formidable batterie qui pourra imposer silence aux canons ennemis établis sur les hauteurs de Saint-Cloud. Les Prussiens continuent à se concentrer à Versailles. Tous les corps ennemis qui campaient entre Romainville, Rosny et Nogent, se replient aujourd'hui sur la ville de Louis XIV. Guillaume a envoyé un corps d'armée en Picardie. Amiens, ville ouverte, a été occupé sans résistance. Abbeville, qui est fortifiée, se dispose à subir un siège et à imiter l'héroïsme des villes de l'Est. Le journal officiel de ce soir annonce que la cavalerie, sous les ordres de M. de Pindray, a chassé l'ennemi de Bondy, aujourd'hui dans l'après-midi. Cette journée du 30 septembre a donc été glorieuse sur tous les points. Je crois que Bismarck doit commencer à réfléchir et à regretter les conditions insolentes qu'il a posées à Jules Favre, la semaine dernière.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:45 | |
| SAMEDI SOIR, 1er octobre. - Toujours le même temps magnifique le jour, froid la nuit. Les prisonniers faits dans les combats d'hier portaient presque tous la médaille militaire. Ils étaient horribles à voir, pâles, exténués, d'une saleté repoussante. Ils ont déclaré que, depuis le 24 juin, ils n'avaient jamais couché dans un lit et que, depuis cinq jours, ils ne mangeaient que des pommes de terre à moitié bouillies. Un des officiers badois condamnés à mort la semaine dernière, a réussi à s'échapper de Versailles. Il a traversé la Seine à Neuilly et s'est constitué prisonnier entre les mains des Français. D'après ce qu'il dit, l'armée prussienne serait en proie à une démoralisation profonde et à la misère. Les soldats n'ont plus de souliers et les rations manquent presque complètement. Cet officier est le neuvième enfant que la guerre a enlevé à sa famille. Son père, âgé de 62 ans, a été incorporé dans l'armée active. Ce matin, on a conclu un armistice de quatre heures pour enterrer les victimes de la bataille d'hier. A part quelques coups de fusil entre les avant- postes et une douzaine d'obus lancés par les forts, la journée a été calme. Vermorel, le rédacteur du Courrier français, si souvent accusé de faire partie de la police, s'est rendu aujourd'hui au bureau du Moniteur de la République, pour demander raison d'un article dans lequel on l'accuse d'avoir mangé au râtelier impéri al. On a échangé des soufflets. A quand les coups d'épée? Louis Blanc, dans les journaux de ce matin, adresse un appel éloquent au peuple anglais. C'est parfait au point de vue littéraire. Sous le rapport politique, je crois que la valeur de ce document est complètement nulle. Français et républicain, Louis Blanc oublie qu'il parle à des Anglais, sujets de sa très gracieuse majesté la reine Victoria. Attendre aide de la vieille Angleterre, c'est se faire illusion.
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| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:46 | |
| John Bull, Saxon et protestant, est très heureux de voir ses cousins de Prusse humilier et affaiblir ces Français catholiques qui depuis vingt ans jouent le premier rôle en Europe. DIMANCHE, 2 octobre. - Le beau temps persiste. Beaucoup de monde dans les églises. Une triste nouvelle a jeté la douleur dans l'âme des Parisiens. Après une défense héroïque de cinquante jours, le vaillant général Uhrich a dû ouvrir à l'ennemi les portes de Strasbourg. Depuis douze jours la garnison ne mangeait plus que de deux jours l'un. Place de guerre de première classe, capitale de l'Alsace, c'est la clé de la France. Si on réussit à délivrer Paris et à rejeter l'ennemi de l'autre côté du Rhin, il faudra faire le siège de cette cité héroïque, qui alors sera défendue par les soldats de Guillaume. Toul, épuisé, ayant vu ses remparts abattus par le canon prussien, a été également obligé de se rendre. Il faut que les forces militaires de la France soient complètement désorganisées pour qu'on ait laissé succomber ces deux villes, qui ont fait une défense surhumaine, sans pouvoir envoyer un corps d'armée, à leur secours. Que vont faire les ,000 Allemands qui assiégeaient ces deux villes? Vont-ils aller rejoindre les troupes qui bloquent Bazaine? Se dirigeront-ils sur Paris? Iront-ils à la rencontre de l'armée de la Loire? Nous le saurons bientôt. On dit que Bismarck est parti hier pour Berlin. Pourquoi? On prétend que la présence de Thiers à Saint-Pétersbourg aurait amené la Russie à prendre une attitude hostile à la Prusse, et que c'est pour conjurer l'orage qui menace Berlin du côté de l'Orient que le premier ministre de Guillaume s'est hâté de traverser le Rhin. Peut-être toute cette histoire n'est-elle qu'un de ces canards qui nous tombent tous les jours dans le bec en place des
ortolans qui font complètement défaut. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:48 | |
| Dans les journaux de ce matin, Victor Hugo adresse une seconde épître aux Parisiens. Style haché genre Michelet, antithèses éloquentes, cette production sera acclamée comme un chef-d'oeuvre immortel par la confrérie hugolâtre. Pour le commun des mortels, elle ne sera qu'une amplification réussie. Le gouvernement vient de suspendre les subventions théâtrales. Je trouve cela fort juste. Pourquoi le paysan, l'ouvrier, le petit rentier qui ne mettent jamais le pied dans les grands théâtres, les seuls subventionnés, pourquoi les personnes que leurs principes religieux éloignent de ces genres d'amusements paieraient-ils les appointements des danseuses, qui gagnent assez d'argent comme courtisanes du high life sans que l'État force les contribuables à payer les plaisirs des amateurs de ballet? Il me semble que l'argent du public ne doit servir qu'à améliorer moralement et matériellement le sort du peuple. Je n'ai jamais pu comprendre comment la Ferraris et la Mouravief, qui reçoivent chacune 80,000 francs par an pour faire des entrechats et des pirouettes dans un costume tout à fait décolleté, contribuaient à rendre le peuple meilleur. Donc, un bon point au gouvernement de l'Hôtel de Ville. On achève le baraquement des mobiles sur les boulevards extérieurs. En ce moment, les mobiles, logés chez les habitants de tous les quartiers de Paris, ne peuvent être réunis rapidement en cas d'alerte. C'est pour remédier à cet inconvénient que l'on travaille, jour et nuit, à l'achèvement des baraques. Les Prussiens sont toujours les maîtres en fait d'espionnage. L'état-major de Guillaume reçoit à midi, à Versailles, les journaux parus le matin à Paris. La province, effrayée par la proclamation de la république, répond mollement à l'appel de la capitale. Avant Reichshoffen, les
journaux républicains ne se gênaient pas pour dire: Si les Prussiens en venant à Paris nous débarrassent des Bonapartes, qu'ils soient les bienvenus! Est-ce que la province va dire à son tour: |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:49 | |
| Que le roi Guillaume soit le bienvenu, s'il nous débarrasse de la république! Le grand malheur de la France c'est que ses enfants sont plutôt des partisans que des patriotes. On dit que le dernier rapport de Crémieux ne semble pas annoncer un grand enthousiasme pour le gouvernement actuel dans les départements. Rien des fortifications, si ce n'est une reconnaissance heureuse du côté de Montretout. On parle de 300 ennemis tués ou blessés. LUNDI SOIR, 3 octobre. - Toujours un temps splendide. Coups de fusil à Noisy-le-Sec, escarmouches à Bondy, tel est le bilan de la journée. On commence à s'inquiéter du silence du gouvernement au sujet de ce qui se passe à Tours. Tous les journaux affirment que Crémieux aurait envoyé un rapport déplorable. Il n'aurait pu réussir à former une armée régulière, mais seulement quelques corps de guérillas. Pourquoi l'autorité ne dément-elle pas ces rumeurs qui circulent depuis trois jours? Si elles sont fondées, mieux vaudrait le dire franchement, afin que les Parisiens sachent à quoi s'en tenir. Blanqui et Pyat accusent le conseil des dix de l'Hôtel de Ville de suivre les errements du régime impérial. Bientôt, ajoute Blanqui, nous en serons à regretter l'homme de décembre. Il paraît que l'on a établi à Tours une espèce de gouvernement composé de sénateurs, de députés, qui ne crient pas du tout: Vive la république! Les uns tiennent toujours pour l'empereur, les autres pour Henri V. Cette division des forces qui, en ce moment suprême, devraient être réunies contre l'invasion, pourrait bien amener la ruine complète de la France. De tous côtés arrivent de mauvaises
nouvelles. |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS Lun 30 Juil - 15:50 | |
| Elles n'ont rien d'officiel, mais elles laissent une impression pénible dans tous les esprits. On annonce que les Prussiens sont maîtres d'Orléans et que demain ils seront à Bourges. La prise de cette dernière ville serait un véritable désastre, car c'est sur son arsenal, l'un des plus riches du pays, que l'on compte pour armer les troupes qui doivent venir au secours de Paris. Dans ce cas, la délégation du gouvernement établie à Tours serait obligée de se replier sur la Garonne. Ici, dans la capitale, les affaires semblent prendre une mauvaise tournure. Le gouvernement provisoire est divisé en deux camps. L'Électeur libre, journal d'Ernest Picard, éreinte Gambetta, qu'il accuse d'avoir envoyé des nullités pour soulever la province. Il ridiculise avec raison l'idée de confier à un vieil avocat de soixante-seize ans, Crémieux, le soin de lever des armées sur les bords de la Loire. Outre cette division dans le gouvernement, nous avons le parti ultra-radical, représenté par le Combat, de Pyat, la Patrie en danger, de Blanqui, le Réveil, de Delescluze, qui veut absolument que l'élection de la commune de Paris ait lieu les 9 et 10 octobre. Le gouvernement s'y oppose et il fait bien. Si la commune sortait des élections demandées par les meneurs des faubourgs, son premier acte serait le renversement de l'autorité actuelle, à qui elle dirait: Votre pouvoir, sorti de l'émeute, n'a aucune sanction légale. Nous, au contraire, nous sommes les élus de la capitale. Comme vous êtes réactionnaire, nous prononçons votre déchéance. Ce que le gouvernement provisoire ne veut pas accorder, est- il bien sûr que les démagogues ne le prendront pas par la violence? On dit que plusieurs des maires de Paris veulent procéder quand même à l'élection de la commune. Nous verrons bien ce qu'ils feront dans six jours. Le général
américain Burnside, parti de New-York le 3 septembre, après avoir passé quelques jours au camp prussien, est venu dimanche à Paris. Il est reparti hier à midi. Est-ce comme touriste qu'il a pu traverser les lignes prussiennes et françaises? |
| | | | Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS | |
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