PLUME DE POÉSIES
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 Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

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MessageSujet: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:06

Rappel du premier message :

Votre pauvre enfant.


JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

En envoyant à sa famille son Journal du siège de Paris
que nous donnons ci-après, Crémazie l'accompagne de la
note suivante qui fait comprendre dans quelles conditions ce
journal a été écrit.

Je vous envoie aujourd'hui mon journal jusqu'au 19
décembre. J'y ai inséré régulièrement, chaque soir, les
impressions de la journée. Vous verrez dans ces pages bien
des choses qui n'ont existé que dans l'imagination des
assiégés, des rumeurs insensées et des cancans absurdes.
Séparés par une muraille de fer de la France et de l'univers,
nous nous sommes nourris, pendant quatre mois,
d'espérances trompeuses et d'illusions décevantes. Comme le
mirage du désert, la délivrance miroitait toujours à nos yeux,
mais elle ne devait jamais devenir une réalité. Il vous faut
donc, en lisant ces pages, vous mettre à la place des assiégés
qui, pendant près de cinq mois, n'ont entendu d'autre
musique que celle du canon et de la fusillade, n'ont connu la
situation de la province que par les messages emphatiques et
mensongers de Gambetta.
Non seulement nous ne connaissions pas ce qui se passait
dans les départements, mais nous n'étions même pas
renseignés sur les batailles qui se livraient à nos portes: le
gouvernement de l'Hôtel de ville nous donnant comme des
succès toutes les sorties de l'armée de Paris, à l'exception de
l'affaire du 2 décembre, qui a été glorieuse, mais sans
résultat, puisqu'il a fallu rentrer dans Paris le 4 au matin.
Maintenant que le voile qui nous cachait le véritable état des
choses se lève chaque jour davantage, nous pouvons bien


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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:37

LUNDI SOIR, 26 septembre. - Vous souvient-il que, lors de
l'insurrection de 1838, nos patriotes disaient que le bon Dieu
était Anglais, parce que la navigation du Saint-Laurent était

restée libre pendant presque tout le cours du mois de
décembre? En présence de ce ciel d'une implacable sérénité,
de ce soleil radieux comme dans les plus beaux jours de l'été,
les Parisiens prêtent au bon Dieu des sympathies prussiennes.
Sur les bords de notre grand fleuve comme sur les rives de ce
ruisseau qui s'appelle la Seine, le peuple souverain est
toujours le même. Ce matin, le fort de la Faisanderie, à
Vincennes, a tiré sur l'ennemi, qui se dirigeait du côté de
Choisy-le-Roi. Un convoi de munitions, atteint par les obus
du fort, a vu ses caissons sauter, en anéantissant, par leur
explosion, une partie de l'escorte. Le roi Guillaume
concentre ses troupes entre Sceaux et Versailles. C'est pour
se préparer à recevoir le choc des armées de Lyon, de la
Loire et du Nord, formant ensemble un effectif de 400,000
combattants que les Allemands opèrent cette concentration.
C'est la cavalerie, au nombre de 80,000 sabres, qui continue
à isoler Paris du reste de la France. On reçoit cependant, tous
les deux ou trois jours, des nouvelles des départements par
les ballons et les pigeons. Les Prussiens ne peuvent réussir à
établir leurs batteries. Les artilleurs de la marine qui font le
service des forts les culbutent aussitôt qu'elles sont en place.
Encore ce matin, le fort de Nogent a renversé, à une distance
de cinq kilomètres (11/4 lieue), deux batteries ennemies et tué
plus de 300 soldats du vieux Guillaume. Vendredi dernier,
deux régiments badois, au quartier général ennemi, à
Versailles, ont refusé de marcher en avant, en donnant pour
raison de leur refus que les soldats prussiens restaient
toujours dans la réserve, tandis que les Badois et les Bavarois
étaient constamment envoyés au feu. Samedi, vingt-quatre
sous-officiers et soldats de ces deux régiments ont été fusillés
sur la route de Satory. Tous ces malheureux pays, le duché de

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:38

Bade, la Bavière, le Wurtemberg, le Hanovre, annexés à la
Prusse par la politique violente de Bismarck, commencent à
s'apercevoir que leurs maîtres de Berlin ne voient en eux que
de la chair à canon, et qu'ils travaillent non pas pour leur
patrie, mais pour le roi de Prusse. On s'attend toujours à une
attaque du côté d'Auteuil en même temps que par Saint-
Denis. La défense sur ces deux points est formidable et toutes
les probabilités sont que les Germains en seront pour leurs
frais d'attaque. Bien que l'on ne s'attende pas à un
bombardement immédiat, cependant, comme il faut être prêt
pour toutes les éventualités, on dépave les places du quartier
latin afin d'amortir l'effet des bombes qui pourraient être
lancées par l'armée assiégeante. Le gouvernement vient de
décréter la liberté du colportage. Sous le règne du tyran, on
ne pouvait vendre dans les foires et dans les campagnes que
les livres et gravures revêtus de l'estampille de la police.
Voua avez peut-être eu connaissance du beau tapage que fit,
il y a quatre ans, la clique libre penseuse, parce que
l'estampille avait été refusée à la Vie de Jésus de Renan. Le
gouvernement, à mon avis, avait cent fois raison d'appliquer
la loi sur le colportage à ce détestable livre, qui aurait semé
l'impiété dans les campagnes, encore très nombreuses, qui
ont le bonheur de garder intacte la foi de leurs pères. Il me
souvient qu'à propos de ce refus de l'estampille au livre de
Renan, l'Avenir national traitait Napoléon III de jésuite et de
calotin! Maintenant que le colportage est entièrement libre,
de quel déluge de livres impies, de brochures et de gravures
obscènes les campagnes vont être inondées. Dieu seul le sait!
MARDI, 27 septembre. - Toujours beau temps. Quand
donc aurons-nous de la pluie? Elle serait accueillie comme un
bienfait du ciel. Les reconnaissances n'ont pas rencontré un

seul Prussien dans le rayon des forts de la rive gauche.
Depuis samedi, les assiégeants ne montrent pas le bout du
nez.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:40

On dit que l'armée de la Loire arrive et que les Teutons
vont au-devant d'elle afin de la détruire avant qu'elle puisse
secourir Paris. Aucuns expliquent l'inaction du roi Guillaume
par les préparatifs qu'il fait pour donner un assaut formidable
aux forts et au mur d'enceinte. On annonce aussi que Moltke
envoie en Normandie un corps de 75,000 Germains, destiné à
ravitailler l'armée assiégeante. Tous ces on dit me font l'effet
d'être des canards. Je les note cependant, car je veux
enregistrer tous les bruits, vrais ou faux. Dans une rencontre
avec l'avant-garde de l'armée de la Loire, les Prussiens ont
reçu une raclée telle qu'ils ont été obligés de faire une retraite
précipitée sur Étampes. Cette bonne nouvelle nous est arrivée
ce matin par une estafette du gouvernement qui a réussi à
traverser les lignes ennemies. Elle nous a appris en même
temps que Thiers avait quitté Tours, siège de la délégation du
gouvernement provisoire, pour se rendre à Saint-Pétersbourg.
Vers une heure après-midi, des nuages d'une fumée noire et
épaisse couvraient Paris. Dans la prévision d'un
bombardement, le gouvernement a réuni sur les buttes
Chaumont tout le pétrole emmagasiné dans les entrepôts de
Belleville et de la Villette. On achevait d'enterrer les
cinquante mille barils de pétrole quand le feu s'est déclaré.
On a pu immédiatement circonscrire les ravages de
l'incendie. Les pertes matérielles ne s'élèvent pas à un chiffre
élevé. Une enquête est ouverte pour savoir si cet accident est
dû à la malveillance. Les chiffonniers et les huissiers
s'organisent en corps francs. L'industrie des premiers se
trouve paralysée, les communications coupées ne permettant
plus l'expédition des chiffons aux fabriques de papier des

départements.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:41

Pour les huissiers, comme l'échéance des
billets est renvoyée à la conclusion de la paix, ils n'ont plus
de protêts à signifier. En France, ce n'est pas le notaire mais
l'huissier qui proteste les billets. Encore un cancan. On
affirme qu'un parlementaire prussien arrivé à l'Hôtel de
Ville, a eu un long entretien avec Jules Favre. Je n'en crois
rien. Lundi (hier), le roi Guillaume a passé une grande revue
des troupes réunies à Versailles. Les fins politiqueurs
prétendent que cette revue annonce une attaque générale sur
tous les forts. Moi qui ne suis ni fin ni politiqueur, je ne dis
rien et j'attends les événements. Des sentinelles avancées,
ayant entendu quelques coups de fusil, ont abandonné leur
poste et sont rentrées en fuyant dans Paris. Ce matin, ces
fuyards ont été conduits de la place Vendôme à la prison
militaire de la rue du Cherche-Midi, au milieu des huées de la
population. Ils avaient le képi mis à l'envers, la tunique
retournée, les mains liées derrière le dos, et portaient sur la
poitrine et sur les épaules deux pancartes sur lesquelles se
lisait le mot « Lâche. » Le fameux canonnier de Saint-Denis,
qui démolit les batteries à six kilomètres (I %2 lieue) et qui a
déjà mis quarante-sept canons prussiens hors de service, est
un Alsacien, qui s'appelle Christman.
MERCREDI, 28 septembre. - Le beau temps continue.
Maintenant que l'armée de la Loire marche sur Paris, mieux
vaut ne pas avoir les pluies qui étaient l'objet de nos désirs
depuis le commencement du siège. Une deuxième estafette
est arrivée de Tours. Elle nous apprend que la démarche de
Jules Favre auprès de M. de Bismarck a gagné toutes les
sympathies du continent. L'Europe considère la position des
Prussiens comme très aventurée. Par la même voie nous
avons la nouvelle de l'entrée des troupes italiennes à Rome,

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:43

après quelques coups de fusil. Le pape n'a pas quitté le
Vatican. Est-ce la fin définitive du pouvoir temporel? Qui
peut connaître les desseins de la Providence? Qui pourrait
dire que dans quelques années, peut-être dans quelques mois,
Pie IX ne sera pas encore le Pontife-Roi? L'entrée des soldats
de Victor-Emmanuel dans la ville éternelle me remet en
mémoire les paroles que Napoléon III adressait à un
diplomate étranger, il y a deux ans: Quand je serai détrôné,
le pape fera bien de faire préparer au Quirinal les
appartements de Victor-Emmanuel, car ma chute entraînera
immédiatement celle du pouvoir temporel. La troisième
livraison de la correspondance de la famille impériale vient
de paraître. Elle n'offre rien de bien extraordinaire. Les
amateurs de scandale sont désappointés. Ils n'en ont pas pour
leur creuse dent. Il paraît, cependant, que le fameux complot
éventé avant le plébiscite n'avait pas l'importance qu'on lui a
donnée. Aucuns prétendent que l'on a trouvé à la Préfecture
de police la preuve que cette prétendue conspiration était un
coup monté par Pietri, Grandperret et Bernier. On dit que des
mandats d'amener sont lancés contre ces trois personnages.
Forcade de la Roquette serait aussi sous le coup d'un ordre
d'arrestation. La finance est pleine de confiance, comme le
prouve la hausse de la bourse depuis trois jours. C'est un fait,
peut-être unique dans l'histoire des villes assiégées, non
seulement de voir la bourse ouverte, mais encore d'assister à
la hausse constante de la vente, quand le canon de l'ennemi
ébranle les colonnes de l'Exchange. Cette fermeté de toutes
les valeurs publiques vaut une victoire, car elle donne du
coeur au ventre à tous les boutiquiers et les rentiers, pour qui
la cote de la bourse est la seule infaillibilité de ce monde. On
se dit tout bas, à l'oreille, que les espions prussiens vont

essayer d'empoisonner les bestiaux destinés à la nourriture
des assiégés.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:44

Huit boeufs auraient succombé aux effets de
l'intoxication. Je n'en crois pas un traître mot. L'Arc de
triomphe de l'Étoile devient une véritable forteresse. Des
plaques de fer l'enveloppent de la base au sommet, sur
lequel, on place des pièces de marine du plus fort calibre. On
commence à voir des pièces de cinq francs en argent avec
l'effigie de la République. C'est le modèle de 1848, une
grosse tête de femme à l'expression bête et brutale. On parle
de l'adoption par la patrie de tous les enfants des citoyens
morts en combattant. Rien des Prussiens, qui ont abandonné
les travaux qu'ils avaient commencés près de Choisy-le-Roi.
Ils ont brûlé l'église de Créteil, dont le clocher servait
d'observatoire aux francs-tireurs. La viande devient très rare,
non pas que l'approvisionnement soit épuisé, mais par suite
de la grève des bouchers, qui prétendent que le prix fixé par
le gouvernement ne leur permet pas de rentrer dans leurs
déboursés. Le veau n'existe plus qu'à l'état de souvenir. Les
prix du mouton ont augmenté de 30% depuis trois jours. Il est
probable, cependant, que cette crise tire à sa fin, car les
autorités vont établir des boucheries municipales dans tous
les quartiers. Par ce moyen on pourra se passer de messieurs
les bouchers. La malveillance, d'après le rapport du préfet de
police, est tout à fait étrangère à l'incendie des buttes
Chaumont. C'est la pipe d'un fumeur imprudent, nommé
Henriot, qui a été la cause du désastre du 27. Le général de
Polhès, qui commande l'armée de la Loire, en ce moment en
marche pour secourir Paris, est né en 1813. Comme colonel
de zouaves, il s'est distingué sous les murs de Sébastopol. On
dit que le peuple anglais désapprouve hautement la politique
toute prussienne de la reine Victoria et du ministère

Gladstone. Une assemblée de 200,000 personnes aurait
protesté contre la conduite du cabinet britannique.
Jeudi, 29 septembre. - Il paraît que le soleil a passé un
bail emphytéotique avec Paris. Toujours un ciel d'une pureté
irréprochable. Les Prussiens se massent du côté de Choisy-le-
Roi, sans doute pour repousser l'armée de la Loire, qui
avance tous les jours. Du côte de Saint-Denis, on a canonné
et culbuté les batteries que l'ennemi commençait à placer.
Les francs-tireurs ont amené, ce matin, aux Halles centrales
cinq fourgons de provisions enlevés hier à l'armée
allemande. On assure que les éclaireurs de l'armée de la
Loire ont été vus, mercredi, à une lieue de Choisy-le-Roi. Les
Prussiens ont coupé le canal de l'Ourcq et celui de la Dhuys.
S'ils pensent, par ce moyen, faire mourir la capitale par la
soif, ils se trompent joliment. Les puits artésiens, sans
compter la Seine, peuvent fournir l'eau nécessaire à quatre
millions d'habitants. Les provisions augmentent de prix
chaque jour. En ce moment les haricots se vendent 1 franc 50
la livre, les choux-fleurs 1.80 pièce, la morue 1.25 la livre, le
boeuf salé 2.25 la livre, le lard 2.10 à 2.25, les oeufs 4 sous
pièce, les poulets 7 à 10 fr. pièce, les oies 22 francs.
Impossible de trouver un seul hareng. Les pommes de terre,
le pain et le vin sont en abondance, et on peut parfaitement
vivre avec ces trois aliments. On commence à voir d'un
mauvais oeil les attachés aux ambulances. Tous les jours on
rencontre dans les rues des milliers d'hommes jeunes et
vigoureux qui portent le brassard de la convention de
Genève. On se dit, et avec raison, ce me semble, que ces
hommes rendraient plus de services à la France comme
soldats que comme infirmiers. Les femmes, les prêtres, les
religieux et religieuses qui s'offrent pour soigner les blessés,

remplaceraient avantageusement dans les ambulances les
attachés actuels. Il se fait un commerce actif de casques
prussiens. Dans les reconnaissances de chaque jour, on abat
toujours quelques Teutons, et le pioupiou se fait des rentes en
vendant aux amateurs le fameux casque à paratonnerre. Hier,
on a arrêté des espions prussiens qui avaient endossé les
habits de soldats français tombés morts sur le champ de
bataille de Villejuif. Grâce à l'uniforme ils avaient pu
s'introduire dans Paris par la porte d'Orléans.
Malheureusement ils n'ont même pas pu donner le nom du
colonel du régiment dont ils portaient le numéro. Ils ont été
fusillés ce matin.
VENDREDI, 30 septembre. - Le temps est toujours beau,
mais il se refroidit. Ce matin, à 4 heures, le canon a
commencé à gronder du côté de Villejuif et aussi du côté de
Bougival. Le combat a duré jusqu'à 11 heures. Les Prussiens,
qui voulaient essayer encore de s'emparer de Villejuif, non
seulement n'ont pas réussi dans leur projet, mais ils ont été
chassés de Chevilly et de l'Hay, qu'ils occupaient depuis le
commencement du siège, et repoussés jusqu'à Bourg-la-
Reine. Nous n'avons pas encore les détails de l'affaire de
Bougival, qui s'est terminée victorieusement pour les
assiégés. Ce que l'on sait, c'est qu'un régiment prussien
surpris dans l'île de Croissy a presque été anéanti et que tous
les avant-postes de l'ennemi se seraient repliés après une
courte résistance. À Chevilly, le général de brigade Guilhem
a été tué. À Thiais, d'où l'ennemi a également été chassé, 24
canons tombés aux mains des Français n'ont pu être enlevés
faute d'attelages. Du côté des assiégés on évalue les pertes à
tués et 600 blessés. Les Prussiens ont eu 8,000 morts et
1,500 blessés. Il se confirme que les francs-tireurs des

Vosges ont fait sauter le tunnel de Saverne. Les Allemands
vont donc, pendant les longs jours nécessaires pour réparer le
tunnel, être privés des vivres et des munitions qu'ils
recevaient de leur pays. Les Teutons continuent à se conduire
comme les dignes descendants des Vandales. Ils ont pendu le
curé de Sarcelles, qui voulait, par ses supplications, les
empêcher de brûler l'église de son village. C'est le cinquième
curé que ces brutes pendent depuis qu'ils entourent Paris.
Comme je vous l'ai dit déjà, la guerre actuelle est bien une
guerre de race et de religion, et nous devons nous attendre à
toutes les horreurs des luttes du 16e siècle, si les soldats du
roi Guillaume réussissent à prendre la capitale.
Heureusement que leur position en ce moment est plus
critique que la nôtre, et qu'ils ont devant eux la perspective
d'un épouvantable désastre, si Paris tient encore pendant un
mois. L'endroit le plus menacé de la capitale, Passy, vient
d'être mis en état de défense par une formidable batterie qui
pourra imposer silence aux canons ennemis établis sur les
hauteurs de Saint-Cloud. Les Prussiens continuent à se
concentrer à Versailles. Tous les corps ennemis qui
campaient entre Romainville, Rosny et Nogent, se replient
aujourd'hui sur la ville de Louis XIV. Guillaume a envoyé un
corps d'armée en Picardie. Amiens, ville ouverte, a été
occupé sans résistance. Abbeville, qui est fortifiée, se dispose
à subir un siège et à imiter l'héroïsme des villes de l'Est. Le
journal officiel de ce soir annonce que la cavalerie, sous les
ordres de M. de Pindray, a chassé l'ennemi de Bondy,
aujourd'hui dans l'après-midi. Cette journée du 30 septembre
a donc été glorieuse sur tous les points. Je crois que Bismarck
doit commencer à réfléchir et à regretter les conditions
insolentes qu'il a posées à Jules Favre, la semaine dernière.

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:45

SAMEDI SOIR, 1er octobre. - Toujours le même temps
magnifique le jour, froid la nuit. Les prisonniers faits dans les
combats d'hier portaient presque tous la médaille militaire.
Ils étaient horribles à voir, pâles, exténués, d'une saleté
repoussante. Ils ont déclaré que, depuis le 24 juin, ils
n'avaient jamais couché dans un lit et que, depuis cinq jours,
ils ne mangeaient que des pommes de terre à moitié bouillies.
Un des officiers badois condamnés à mort la semaine
dernière, a réussi à s'échapper de Versailles. Il a traversé la
Seine à Neuilly et s'est constitué prisonnier entre les mains
des Français. D'après ce qu'il dit, l'armée prussienne serait
en proie à une démoralisation profonde et à la misère. Les
soldats n'ont plus de souliers et les rations manquent presque
complètement. Cet officier est le neuvième enfant que la
guerre a enlevé à sa famille. Son père, âgé de 62 ans, a été
incorporé dans l'armée active. Ce matin, on a conclu un
armistice de quatre heures pour enterrer les victimes de la
bataille d'hier. A part quelques coups de fusil entre les avant-
postes et une douzaine d'obus lancés par les forts, la journée
a été calme. Vermorel, le rédacteur du Courrier français, si
souvent accusé de faire partie de la police, s'est rendu
aujourd'hui au bureau du Moniteur de la République, pour
demander raison d'un article dans lequel on l'accuse d'avoir
mangé au râtelier impéri al. On a échangé des soufflets. A
quand les coups d'épée? Louis Blanc, dans les journaux de ce
matin, adresse un appel éloquent au peuple anglais. C'est
parfait au point de vue littéraire. Sous le rapport politique, je
crois que la valeur de ce document est complètement nulle.
Français et républicain, Louis Blanc oublie qu'il parle à des
Anglais, sujets de sa très gracieuse majesté la reine Victoria.
Attendre aide de la vieille Angleterre, c'est se faire illusion.

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:46

John Bull, Saxon et protestant, est très heureux de voir ses
cousins de Prusse humilier et affaiblir ces Français
catholiques qui depuis vingt ans jouent le premier rôle en
Europe.
DIMANCHE, 2 octobre. - Le beau temps persiste.
Beaucoup de monde dans les églises. Une triste nouvelle a
jeté la douleur dans l'âme des Parisiens. Après une défense
héroïque de cinquante jours, le vaillant général Uhrich a dû
ouvrir à l'ennemi les portes de Strasbourg. Depuis douze
jours la garnison ne mangeait plus que de deux jours l'un.
Place de guerre de première classe, capitale de l'Alsace, c'est
la clé de la France. Si on réussit à délivrer Paris et à rejeter
l'ennemi de l'autre côté du Rhin, il faudra faire le siège de
cette cité héroïque, qui alors sera défendue par les soldats de
Guillaume. Toul, épuisé, ayant vu ses remparts abattus par le
canon prussien, a été également obligé de se rendre. Il faut
que les forces militaires de la France soient complètement
désorganisées pour qu'on ait laissé succomber ces deux
villes, qui ont fait une défense surhumaine, sans pouvoir
envoyer un corps d'armée, à leur secours. Que vont faire les
,000 Allemands qui assiégeaient ces deux villes? Vont-ils
aller rejoindre les troupes qui bloquent Bazaine? Se
dirigeront-ils sur Paris? Iront-ils à la rencontre de l'armée de
la Loire? Nous le saurons bientôt. On dit que Bismarck est
parti hier pour Berlin. Pourquoi? On prétend que la présence
de Thiers à Saint-Pétersbourg aurait amené la Russie à
prendre une attitude hostile à la Prusse, et que c'est pour
conjurer l'orage qui menace Berlin du côté de l'Orient que le
premier ministre de Guillaume s'est hâté de traverser le Rhin.
Peut-être toute cette histoire n'est-elle qu'un de ces canards
qui nous tombent tous les jours dans le bec en place des

ortolans qui font complètement défaut.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:48

Dans les journaux de
ce matin, Victor Hugo adresse une seconde épître aux
Parisiens. Style haché genre Michelet, antithèses éloquentes,
cette production sera acclamée comme un chef-d'oeuvre
immortel par la confrérie hugolâtre. Pour le commun des
mortels, elle ne sera qu'une amplification réussie. Le
gouvernement vient de suspendre les subventions théâtrales.
Je trouve cela fort juste. Pourquoi le paysan, l'ouvrier, le petit
rentier qui ne mettent jamais le pied dans les grands théâtres,
les seuls subventionnés, pourquoi les personnes que leurs
principes religieux éloignent de ces genres d'amusements
paieraient-ils les appointements des danseuses, qui gagnent
assez d'argent comme courtisanes du high life sans que l'État
force les contribuables à payer les plaisirs des amateurs de
ballet? Il me semble que l'argent du public ne doit servir qu'à
améliorer moralement et matériellement le sort du peuple. Je
n'ai jamais pu comprendre comment la Ferraris et la
Mouravief, qui reçoivent chacune 80,000 francs par an pour
faire des entrechats et des pirouettes dans un costume tout à
fait décolleté, contribuaient à rendre le peuple meilleur.
Donc, un bon point au gouvernement de l'Hôtel de Ville. On
achève le baraquement des mobiles sur les boulevards
extérieurs. En ce moment, les mobiles, logés chez les
habitants de tous les quartiers de Paris, ne peuvent être réunis
rapidement en cas d'alerte. C'est pour remédier à cet
inconvénient que l'on travaille, jour et nuit, à l'achèvement
des baraques. Les Prussiens sont toujours les maîtres en fait
d'espionnage. L'état-major de Guillaume reçoit à midi, à
Versailles, les journaux parus le matin à Paris. La province,
effrayée par la proclamation de la république, répond
mollement à l'appel de la capitale. Avant Reichshoffen, les

journaux républicains ne se gênaient pas pour dire: Si les
Prussiens en venant à Paris nous débarrassent des
Bonapartes, qu'ils soient les bienvenus! Est-ce que la
province va dire à son tour:
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:49

Que le roi Guillaume soit le
bienvenu, s'il nous débarrasse de la république! Le grand
malheur de la France c'est que ses enfants sont plutôt des
partisans que des patriotes. On dit que le dernier rapport de
Crémieux ne semble pas annoncer un grand enthousiasme
pour le gouvernement actuel dans les départements. Rien des
fortifications, si ce n'est une reconnaissance heureuse du côté
de Montretout. On parle de 300 ennemis tués ou blessés.
LUNDI SOIR, 3 octobre. - Toujours un temps splendide.
Coups de fusil à Noisy-le-Sec, escarmouches à Bondy, tel est
le bilan de la journée. On commence à s'inquiéter du silence
du gouvernement au sujet de ce qui se passe à Tours. Tous
les journaux affirment que Crémieux aurait envoyé un
rapport déplorable. Il n'aurait pu réussir à former une armée
régulière, mais seulement quelques corps de guérillas.
Pourquoi l'autorité ne dément-elle pas ces rumeurs qui
circulent depuis trois jours? Si elles sont fondées, mieux
vaudrait le dire franchement, afin que les Parisiens sachent à
quoi s'en tenir. Blanqui et Pyat accusent le conseil des dix de
l'Hôtel de Ville de suivre les errements du régime impérial.
Bientôt, ajoute Blanqui, nous en serons à regretter l'homme
de décembre. Il paraît que l'on a établi à Tours une espèce de
gouvernement composé de sénateurs, de députés, qui ne
crient pas du tout: Vive la république! Les uns tiennent
toujours pour l'empereur, les autres pour Henri V. Cette
division des forces qui, en ce moment suprême, devraient être
réunies contre l'invasion, pourrait bien amener la ruine
complète de la France. De tous côtés arrivent de mauvaises

nouvelles.
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Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Empty
MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 3 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:50

Elles n'ont rien d'officiel, mais elles laissent une
impression pénible dans tous les esprits. On annonce que les
Prussiens sont maîtres d'Orléans et que demain ils seront à
Bourges. La prise de cette dernière ville serait un véritable
désastre, car c'est sur son arsenal, l'un des plus riches du
pays, que l'on compte pour armer les troupes qui doivent
venir au secours de Paris. Dans ce cas, la délégation du
gouvernement établie à Tours serait obligée de se replier sur
la Garonne. Ici, dans la capitale, les affaires semblent prendre
une mauvaise tournure. Le gouvernement provisoire est
divisé en deux camps. L'Électeur libre, journal d'Ernest
Picard, éreinte Gambetta, qu'il accuse d'avoir envoyé des
nullités pour soulever la province. Il ridiculise avec raison
l'idée de confier à un vieil avocat de soixante-seize ans,
Crémieux, le soin de lever des armées sur les bords de la
Loire. Outre cette division dans le gouvernement, nous avons
le parti ultra-radical, représenté par le Combat, de Pyat, la
Patrie en danger, de Blanqui, le Réveil, de Delescluze, qui
veut absolument que l'élection de la commune de Paris ait
lieu les 9 et 10 octobre. Le gouvernement s'y oppose et il fait
bien. Si la commune sortait des élections demandées par les
meneurs des faubourgs, son premier acte serait le
renversement de l'autorité actuelle, à qui elle dirait: Votre
pouvoir, sorti de l'émeute, n'a aucune sanction légale. Nous,
au contraire, nous sommes les élus de la capitale. Comme
vous êtes réactionnaire, nous prononçons votre déchéance.
Ce que le gouvernement provisoire ne veut pas accorder, est-
il bien sûr que les démagogues ne le prendront pas par la
violence? On dit que plusieurs des maires de Paris veulent
procéder quand même à l'élection de la commune. Nous
verrons bien ce qu'ils feront dans six jours. Le général

américain Burnside, parti de New-York le 3 septembre, après
avoir passé quelques jours au camp prussien, est venu
dimanche à Paris. Il est reparti hier à midi. Est-ce comme
touriste qu'il a pu traverser les lignes prussiennes et
françaises?
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