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 Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

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MessageSujet: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:06

Rappel du premier message :

Votre pauvre enfant.


JOURNAL DU SIEGE DE PARIS

En envoyant à sa famille son Journal du siège de Paris
que nous donnons ci-après, Crémazie l'accompagne de la
note suivante qui fait comprendre dans quelles conditions ce
journal a été écrit.

Je vous envoie aujourd'hui mon journal jusqu'au 19
décembre. J'y ai inséré régulièrement, chaque soir, les
impressions de la journée. Vous verrez dans ces pages bien
des choses qui n'ont existé que dans l'imagination des
assiégés, des rumeurs insensées et des cancans absurdes.
Séparés par une muraille de fer de la France et de l'univers,
nous nous sommes nourris, pendant quatre mois,
d'espérances trompeuses et d'illusions décevantes. Comme le
mirage du désert, la délivrance miroitait toujours à nos yeux,
mais elle ne devait jamais devenir une réalité. Il vous faut
donc, en lisant ces pages, vous mettre à la place des assiégés
qui, pendant près de cinq mois, n'ont entendu d'autre
musique que celle du canon et de la fusillade, n'ont connu la
situation de la province que par les messages emphatiques et
mensongers de Gambetta.
Non seulement nous ne connaissions pas ce qui se passait
dans les départements, mais nous n'étions même pas
renseignés sur les batailles qui se livraient à nos portes: le
gouvernement de l'Hôtel de ville nous donnant comme des
succès toutes les sorties de l'armée de Paris, à l'exception de
l'affaire du 2 décembre, qui a été glorieuse, mais sans
résultat, puisqu'il a fallu rentrer dans Paris le 4 au matin.
Maintenant que le voile qui nous cachait le véritable état des
choses se lève chaque jour davantage, nous pouvons bien


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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:22

et fortifié un point stratégique aussi important? L'un des plus
brillants rédacteurs du Figaro, Auguste Villemot, le
chroniqueur par excellence, est mort dimanche d'une attaque
d'apoplexie dans son domicile de la rue Jacob, à l'âge de
soixante ans. Son livre la Vie à Paris, qui renferme ses
meilleures chroniques, restera comme un modèle du genre.
Le chansonnier vaudevilliste Alexandre Flan est mort aussi
dans ces derniers jours. Sa muse facile, mais peu châtiée et ne
respectant guère les oreilles chastes, était populaire dans les
faubourgs. De Flan il restera tout au plus quelques refrains
qui dans vingt ans seront chantés par des ouvriers en ribote.
Le gigantesque Lomon, l'un des rédacteurs du Pays, et par
conséquent bonapartiste enragé, a été arrêté hier sur le
boulevard par les gardes nationaux républicains. Ce
malheureux Lomon avait commis le crime énorme d'oser
dire qu'il n'était pas partisan de la république. Il faudrait
pourtant s'entendre sur le mot liberté. Sous l'empire, on avait
parfaitement le droit de dire à ses amis que l'on était
républicain, orléaniste, légitimiste. Si on ne haranguait pas en
public contre le régime impérial, on était bien certain de
n'être nullement inquiété. Aujourd'hui, on n'a pas même le
droit de dire que la république pourrait bien ne pas être le
paradis sur la terre. Et les immortels principes de 89, je me
demande ce que l'on en fait, si un citoyen n'a pas le droit
d'exprimer ce qu'il pense. - Les zouaves pontificaux veulent
défendre Rome jusqu'à la dernière extrémité. Ici, tout le
monde, même ceux qui détestent la papauté, approuve ces
braves soldats. On est indigné de la conduite infâme de
l'Italie, qui, au lieu de venir au secours de la France, à qui
elle doit tout, profite des malheurs qui viennent de fondre sur
l'avant-garde de la race latine pour aller dépouiller Pie IX des

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:23

quelques lieues de territoire qui lui restent encore. Le
nouveau directeur général des postes, G. Rampont, annonce
ce matin que les chemins de fer étant coupés, l'administration
n' acceptera plus que des lettres écrites sur papier mince et
sans enveloppe, afin de ne pas augmenter inutilement la
charge soit des personnes, soit des ballons, qui essaieront de
franchir les lignes ennemies. Pour les journaux, le service ne
se fait plus que pour l'intérieur de Paris. La circulaire de
l'hôtel des Postes invite les Parisiens à ne rien mettre dans
leurs lettres qui puisse renseigner l'ennemi, qui fera tous ses
efforts pour s'emparer des correspondances de la capitale. M.
Thiers, de retour de Londres où il a échoué dans sa mission
pacifique, est arrivé à Tours. Dans les combats de ces
derniers jours, les Prussiens sortent des bois, où ils
s'empressent de retourner quand l'action devient trop chaude.
La forêt de Bondy en contient une fourmilière. La sève des
arbres, les pluies de la semaine dernière ont rendu inutiles les
efforts faits pour incendier ces bois. Depuis quinze jours,
nous avons à Paris plus de 100,000 mobiles. On se demande
pourquoi ne pas avoir fait abattre tous ces arbres par ces gars
jeunes et vigoureux.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:24

MERCREDI SOIR, 21 septembre. - Toujours un ciel d'été.
L'artillerie d'Aubervilliers a aujourd'hui culbuté par trois
fois une batterie que les Prussiens voulaient établir. Toutes
les troupes qui avaient donné dans les engagements de ces
trois derniers jours viennent de rentrer dans Paris.
Escarmouches sur toute la ligne des forts, sans importance
sérieuse. On a fait aujourd'hui plusieurs manifestations
contre la paix. Guerre à outrance! tel est le cri des faubourgs
de Paris. Ces promenades à travers les rues de la capitale sont
déplorables. Elles nous annoncent le retour des mauvais jours

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:25

de 1848. Les purs de la démagogie avancée trouvent déjà que
le gouvernement Favre-Gambetta est réactionnaire. On
l'accuse de travailler pour les d'Orléans. On prétend que de
Kératry, le préfet de police, s'entend avec les Prussiens pour
rétablir Napoléon III. A propos de l'empereur déchu, on
annonce que l'on a trouvé la preuve, dans la correspondance
impériale saisie au moment où elle allait franchir les
frontières, que le vaincu de Sedan contrefaisait les billets de
la banque de France. Vous verrez qu'avant peu on nous
prouvera clair comme le jour que, chaque soir, il détroussait
les passants au coin des rues. Je ne répondrais même pas
qu'un monsieur, tout de noir habillé, portant longue barbe,
longs cheveux et un feutre pointu, ne viendra pas, un beau
soir, nous dire sur la place du Château-d'Eau que le chef
véritable des assassins et des voleurs qui ont leur quartier
général dans les carrières d'Amérique, à Belleville, n'est
autre que Napoléon III. Et puis, est-ce bien Troppmann qui a
tué la famille Hinck? Je commence à croire que l'homme
sinistre du 2 décembre pouvait bien être le véritable
coupable. O bêtise humaine! Par ce bienheureux temps de
liberté, de fraternité, d'égalité, on peut s'attendre à toutes les
monstruosités. - Aujourd'hui, à Batignolles, a eu lieu
l'ouverture du Club des libres penseurs. En tête de leur
programme se trouve cette déclaration: « La femme a le droit
de choisir l'homme qui doit être le père de ses enfants et de
s'en séparer quand il ne lui convient plus. Plus de religion,
plus de mariage. » C'est du propre comme vous voyez.
Heureusement que ces insanités ne peuvent avoir d'influence.
Une quinzaine de vieilles folles avec une cinquantaine de
jeunes drôlesses, heureuses d'attirer l'attention sur elles, vont

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:27

clabauder pendant trois ou quatre jours. Dans une semaine le
ridicule aura fermé ce club.
JEUDI SOIR, 22 septembre. - M. Jules Favre, qui avait
quitté Paris, dimanche matin, pour se rendre au quartier
général du roi de Prusse, au château de Ferrières, est rentré à
l'Hôtel de Ville hier soir. M. de Bismarck lui a proposé les
conditions suivantes: abandon de l'Alsace et de la Lorraine,
reddition de toutes les places fortes assiégées en ce moment.
Devant l'insolence de semblables propositions M. J. Favre a
dû se retirer. Toutes les chances de paix sont donc évanouies.
Il ne reste plus qu'à vaincre ou à mourir. Cette décision du
gouvernement provisoire de résister jusqu'à la mort a été
accueillie avec enthousiasme par toute la population. Des
manifestations nombreuses ont eu lieu à l'Hôtel de Ville pour
féliciter le gouvernement. Comme le roi de Prusse refusait de
reconnaître la légalité de la révolution du 4 septembre, on
avait convoqué les collèges électoraux pour le 16 octobre
d'abord, puis pour le 2 du même mois, afin que la France pût
élire une constituante ayant les pouvoirs nécessaires pour
traiter avec l'ennemi. Les exigences de la Prusse rendant la
paix impossible, on demande au gouvernement de remettre
les élections à une époque ultérieure. On dit qu'un décret
dans ce sens paraîtra demain dans le journal officiel. - Le
canon gronde toujours. Aujourd'hui, à Romainville, on a fait
uhlans prisonniers. La plaine d'Aubervilliers est couverte
de cadavres et de blessés prussiens hachés par la mitrailleuse.
Un des uhlans faits captifs hier disait à un de nos voisins qui
était de garde à la porte de Belleville: « On nous a bien
trompés. Nos chefs nous assuraient que Paris n'était pas
capable de tenir vingt-quatre heures. Nous pensions entrer
dans la capitale sans brûler une amorce. Nous laisserons nos

os en France. » - On dit que 6 à 7000 Prussiens ont trouvé la
mort sur le pont Saint-James, près de Ferrières, ce pont ayant
sauté au moment où l'ennemi passait. Au combat de
Châtillon, lundi dernier, les Prussiens reconnaissent avoir
perdu 15,000 hommes. On a rétabli la taxe sur la viande et
sur le pain, afin que les bouchers et les boulangers n'abusent
pas de l'investissement de Paris pour vendre leur
marchandise à des prix exorbitants. La manie de voir des
espions prussiens partout fait des progrès tous les jours.
Cham le caricaturiste, Paul Féval, le préfet de police, le
comte de Kératry, ont été arrêtés comme suspects par les
gardes nationaux, qui veulent faire du zèle. Si cela continue,
la moitié de Paris passera son temps à arrêter l'autre.
Toujours un temps splendide. Dans les circonstances
actuelles, cette sérénité continuelle de l'atmosphère devient
agaçante.
VENDREDI SOIR, 23 septembre. - Toujours la même
température. On se croirait dans le mois d'août. A trois
heures, je passe sur le boulevard des Italiens. A chaque pas
des rassemblements de citoyens. Les figures sont radieuses.
Je me mêle aux groupes et je prête l'oreille. Grande victoire
du côté de Montrouge. On a pris 42 mitrailleuses, 40 canons,
mis 30,000 hommes hors de combat, 25,000 prisonniers.
C'est beaucoup trop beau pour être vrai. On dit que les
Prussiens captifs doivent passer à 4 heures sur le boulevard
Saint-Michel. Je prends la rue Montmartre, passe au milieu
des Halles centrales, traverse la Seine et arrive devant le
musée de Cluny. Foule énorme sur le boulevard Saint-
Michel. Tout ce que j'ai entendu de l'autre côté de l'eau n'est
que de la Saint-Jean comparé à ce que l'on dit ici: 60,000
prisonniers, 30,000 tués, 50,000 blessés, 55 mitrailleuses, 42

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:28

canons d'acier longs de trois mètres, il ne faut rien moins que
tout cela pour contenter le quartier latin. Si je me rendais
jusqu'à la barrière d'Enfer, je suis certain que j'apprendrais
la capture du roi Guillaume avec ses 400,000 soldats.
Dépouillé de ces chiffres fantastiques, le succès de la journée
se réduit à ceci: trente mille hommes de l'armée du prince
Frédéric-Charles, se dirigeant vers Versailles, sont venus se
heurter aux régiments français qui, leur barrant le passage à
Antony et à Chevilly, les ont forcés à se rejeter du côté
d'Arcueil, sous les feux croisés des forts de Bicêtre, de
Montrouge et de la redoute de Villejuif. L'artillerie de marine
et les mitrailleuses firent rage pendant deux heures et
foudroyèrent ces malheureux Prussiens, qui furent bientôt
obligés de battre en retraite en laissant 12 mitrailleuses et 900
prisonniers aux mains des Français, qui s'emparèrent des
positions occupées la veille par les mangeurs de choucroute.
Réduit à ses proportions réelles, le combat de ce jour,
première victoire importante de la campagne de Paris, a une
grande valeur. Il relève le moral des peureux et des
pusillanimes, qui en étaient venus à croire que les soldats du
roi Guillaume étaient invincibles. J'ai fait un voyage pour le
roi de Prusse, car tandis que nous faisions le pied de grue sur
l'asphalte du boulevard Saint-Michel, 500 prisonniers
défilaient par la rue Monge. Ceux qui les ont vus disent que
ces pauvres diables faisaient pitié à voir. Leurs uniformes
sont en lambeaux, les pieds passent à travers la chaussure, et
leurs figures hâves et maladives racontent les douleurs et les
privations de leur marche sur la capitale. On les a dirigés
partie sur l'École militaire, partie sur le fort de Vincennes. Le
journal officiel de ce matin publie le décret qui renvoie à une
époque indéterminée les élections municipales et celles pour

la constituante.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:30

Il paraît que les papiers saisis chez Rouher, le
président du défunt sénat, sont de la plus haute importance et
promettent d'étranges révélations.
SAMEDI SOIR, 24 septembre. - Toujours un ciel d'Italie et
un soleil de printemps. Nous avons en ce moment le journal
de Blanqui, la Patrie en danger, qui prêche les mesures les
plus radicales. Il demande le rétablissement de la commune
de Paris, la guillotine en permanence et les autres aménités de
. Heureusement que l'immense majorité hausse les épaules
en lisant ces folies sanglantes d'un autre âge. Il y a bien à
Belleville et à la Villette quelques milliers de chenapans qui
ne demanderaient pas mieux que de mettre en pratique le
programme du citoyen Blanqui, mais la peur de voir
Guillaume profiter de la guerre civile pour s'emparer de la
capitale et rétablir Napoléon III, les force à ajourner la guerre
contre le bourgeois. Vienne le jour de la délivrance, toutes les
mauvaises passions refoulées au fond du coeur des socialistes
pendant l'investissement de Paris, éclateront avec la fureur
des plus mauvais jours de la première révolution. Savez-vous
qui les ultra-radicaux de Belleville voulaient élire pour la
constituante? L'ouvrier Mégy, celui qui a été condamné à
vingt ans de travaux forcés pour meurtre d'un agent de
police, et Eudes,8 condamné à mort pour assassinat du
pompier de la Villette. D'après les hommes de l'avenir, il
suffit, pour acquérir d'un seul coup les connaissances et les
talents nécessaires à un législateur, de tuer un serviteur du
tyran. À ce compte-là, l'homme qui assassine une douzaine
de sergents de ville et autant de pompiers, en criant: Vive la
république! devra être le plus grand génie du siècle, puisque
s Ces deux martyrs avaient été mis en liberté le 5 septembre.

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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:31

Mégy, qui n'a brûlé la cervelle qu'à un seul agent de police,
est, pour ce fait, porté à la députation nationale. En voyant
toutes les folies du régime qui a pris pour devise: liberté,
égalité, fraternité, on se prend à soupirer après le
gouvernement du grand Turc. - Rien en dehors des
fortifications aujourd'hui: de temps en temps on tire quelques
coups de canon sur les corps de cavalerie prussienne qui
s'aventurent trop près des forts, mais il n'y a pas
d'engouements. L'investissement est complet. Impossible de
sortir de la ligne des forts. Les courriers d'ambassade sont
bloqués comme tout le monde. Il n'y a pas de passeport,
anglais ou américain, qui puisse faire franchir les lignes
ennemies. Il n'y a plus que la voie aérienne qui soit libre. La
poste envoie des ballons quand le vent est favorable. Où
tombent ces malles-postes d'un nouveau genre? entre les
mains des Prussiens ou entre celles des Français? Nous n'en
savons encore rien.
DIMANCHE SOIR, 25 septembre. - Décidément, nous
sommes condamnés au beau temps à perpétuité. Nous
sommes en automne depuis quatre jours et cependant nous
avons un soleil de juillet. Beaucoup de monde dans les
églises. Même le soir, à l'archiconfrérie, on trouve un grand
nombre d'hommes, militaires et pékins, qui viennent
entendre la parole de Dieu. La situation militaire n'a pas
changé depuis hier. Quelques coups de canon seulement du
côté d'Aubervilliers, destinés sans doute à culbuter des
batteries prussiennes. C'est pendant la nuit, du reste, que
nous devons nous attendre aux attaques de l'ennemi. Il y a
quelques jours, on a surpris des espions prussiens qui, du
sixième étage d'une maison de Batignolles, faisaient des
signaux, au moyen de lumières de couleurs différentes, au

quartier allemand établi à Neuilly.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:34

Ces espions ont été
envoyés à la Préfecture de police. Depuis, les malheureux
Parisiens soupçonnent toutes les bougies et toutes les lampes
d'avoir des relations criminelles avec Bismarck. Quand on
demeure au 5e ou au 6e, il ne faut plus allumer ni chandelle ni
gaz, car les commères et les concierges, à qui l'affaire de
Batignolles a mis martel en tête, iront chercher quatre
hommes et un caporal pour envahir votre domicile, afin de
surprendre votre bougie en flagrant délit de conversation
criminelle avec le roi Guillaume. Une pauvre vieille qui, dans
sa mansarde solitaire, raccommodait tranquillement des bas
près de sa fenêtre, à la lumière de sa petite lampe de pétrole,
a manqué mourir de frayeur en voyant une demi-douzaine
d'imbéciles de gardes nationaux faire irruption chez elle et
l'accuser de trahir la France en faisant des signaux au général
von Moltke. Heureusement que les voisins ont pu certifier
que la bonne vieille était une excellente patriote, et qu'elle
n'avait jamais eu la moindre accointance avec les puissances
allemandes. Cette manie déplorable de voir l'espionnage
prussien dans toutes les fenêtres des étages élevés, a pris des
proportions tellement absurdes, que le préfet de police a dû
défendre aux gardes nationaux de faire des perquisitions chez
les citoyens sans un mandat signé par le commissaire de
police. Si la viande n'a pas encore augmenté de prix, les
légumes frais commencent à devenir très rares. On me dit que
pour se payer une salade de laitue il faut avoir au moins
,000 francs de rente. Ces pauvres marchandes des quatre
saisons qui traînaient dans les rues de Paris leurs petites
voitures en criant: Ohé! la salade! Des z'haricots verts! des
z'haricots! Qui veut de la bonne pomme de terre! Cresson de
fontaine, la santé du corps! ont disparu depuis quelques jours

et leurs voix familières nous font presque défaut.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:36

Plus de
marchands ambulants de fruits et de poissons. Les marchands
d'habits ne lancent plus, de leur voix nasillarde, le fameux
marchand d'habits! Pourquoi ces derniers ont-ils aussi
renoncé à la rue? Je l'ignore. Si l'état de siège a fait
disparaître une grande partie des petites industries du
macadam, il a créé des spécialités nouvelles. Nous avons
maintenant le marchand de bandes de drap rouge qui doivent
être placées sur les pantalons de la milice citoyenne, le
vendeur de chiffres en métal que le garde national met sur
son képi, afin de faire connaître à tous ceux qui ont le
bonheur de le contempler qu'il appartient à telle compagnie
de tel bataillon. Il ne faut pas oublier la petite fille qui crie
d'une voix aiguë: Du papier mince pour les lettres par le
ballon! Un sou le cahier, un sou! Comme les remparts sont
constamment gardés, il faut que chaque jour 60,000 gardes
nationaux soient placés sur les fortifications. Dans toutes les
rues, vous voyez un certain nombre de magasins fermés, avec
cette inscription sur les volets: Tout le monde aux remparts;
sera ouvert demain. Les marchands de galette à un sou ont
presque tous fermé leurs boutiques. Le beurre se vend trop
cher pour qu'ils puissent continuer à fabriquer la galette et la
brioche à un sou. Pensez que le beurre frais se vend dix
francs la livre. Aujourd'hui les boulevards étaient encombrés.
Impossible d'aller à la campagne, occupée, hélas! par les
Teutons. Il faut bien se contenter de Paris et de ses
boulevards, quand les baïonnettes prussiennes vous
empêchent d'aller à Romainville, à Meudon ou à Bougival.
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MessageSujet: Re: Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS   Octave Crémazie (1827-1879) Votre pauvre enfant.JOURNAL DU SIEGE DE PARIS - Page 2 Icon_minitimeLun 30 Juil - 15:37

LUNDI SOIR, 26 septembre. - Vous souvient-il que, lors de
l'insurrection de 1838, nos patriotes disaient que le bon Dieu
était Anglais, parce que la navigation du Saint-Laurent était

restée libre pendant presque tout le cours du mois de
décembre? En présence de ce ciel d'une implacable sérénité,
de ce soleil radieux comme dans les plus beaux jours de l'été,
les Parisiens prêtent au bon Dieu des sympathies prussiennes.
Sur les bords de notre grand fleuve comme sur les rives de ce
ruisseau qui s'appelle la Seine, le peuple souverain est
toujours le même. Ce matin, le fort de la Faisanderie, à
Vincennes, a tiré sur l'ennemi, qui se dirigeait du côté de
Choisy-le-Roi. Un convoi de munitions, atteint par les obus
du fort, a vu ses caissons sauter, en anéantissant, par leur
explosion, une partie de l'escorte. Le roi Guillaume
concentre ses troupes entre Sceaux et Versailles. C'est pour
se préparer à recevoir le choc des armées de Lyon, de la
Loire et du Nord, formant ensemble un effectif de 400,000
combattants que les Allemands opèrent cette concentration.
C'est la cavalerie, au nombre de 80,000 sabres, qui continue
à isoler Paris du reste de la France. On reçoit cependant, tous
les deux ou trois jours, des nouvelles des départements par
les ballons et les pigeons. Les Prussiens ne peuvent réussir à
établir leurs batteries. Les artilleurs de la marine qui font le
service des forts les culbutent aussitôt qu'elles sont en place.
Encore ce matin, le fort de Nogent a renversé, à une distance
de cinq kilomètres (11/4 lieue), deux batteries ennemies et tué
plus de 300 soldats du vieux Guillaume. Vendredi dernier,
deux régiments badois, au quartier général ennemi, à
Versailles, ont refusé de marcher en avant, en donnant pour
raison de leur refus que les soldats prussiens restaient
toujours dans la réserve, tandis que les Badois et les Bavarois
étaient constamment envoyés au feu. Samedi, vingt-quatre
sous-officiers et soldats de ces deux régiments ont été fusillés
sur la route de Satory. Tous ces malheureux pays, le duché de

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