PLUME DE POÉSIES
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 CHARLES D'ORLÉANS (1394–1465) SONGE EN COMPLAINTE.

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James
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MessageSujet: CHARLES D'ORLÉANS (1394–1465) SONGE EN COMPLAINTE.   CHARLES D'ORLÉANS (1394–1465) SONGE EN COMPLAINTE. Icon_minitimeDim 18 Nov - 17:51

SONGE EN COMPLAINTE.

Apres le jour qui est fait pour traveil,
Ensuit la nuit pour repos ordonnée;
Pour ce, m'avint que chargié de sommeil
Je me trouvav moult fort une vesprée.
Pour la peine que j'avoye portée
Le jour devant, si fis mon appareil
De me couchier, sitost que le souleil
Je vy retrait, et sa clarté mussée.

Quant couchié fu, de legier m'endormy;
Et en dormant, ainsi que je songoye,
Advis me fu que, devant moy, je vy
Ung vieil homme que point ne congnoissoye;
Et non pourtant autresfoiz veu l'avoye,
Ce me sembla; si me trouvay marry
Que j'avoye son nom mis en oubly,
Et, pour honte, parler à lui n'osoye.

Ung peu se teut, et puis m'araisonna,
Disant: Amy, n'avez vous de moy cure?
Je suis Aage qui lectres apporta
A Enfance, de par Dame Nature,
Quant lui chargeay que plus la nourriture
N'auroit de vous, alors vous delivra
A Jeunesse, qui gouverné vous a
Moult longuement, sans raison et mesure.

Or est ainsi, que Raison qui sur tous
Doit gouverner, a fait tres grant complainte
A Nature, de Jeunesse et de vous,
Disant qu'avez tous deux fait faulte mainte,
Avisez vous, ce n'est pas chose fainte;
Car Vieillesse, la mere de courrous,
Qui tout abat et amaine au dessoubz,
Vous donnera dedens brief une atainte.

Au derrenier, ne la povez fuir;
Si vous vault mieulx, tandis qu'avez jeunesse,
A vostre honneur de folie partir,
Vous esloingnant de l'amoureuse adresse;
Car, en discort, sont Amours et Vieillesse,
Nul ne les peut à leur gré bien servir;
Amour vous doit pour excuse tenir,
Puisque la Mort a prins vostre maistresse.

Et tout ainsi, qu'assez est avenant
A jeunes gens, en l'amoureuse voye
De temps passer, c'est aussi mal seant,
Quant en amours ung vieil homme folloye;
Chascun s'en rit, disant: Dieu qu'elle joye!
Ce foul vieillart veult devenir enfant;
Jeunes et vieulx du doy le vont monstrant,
Mocquerie par tous lieux le convoye.

A vostre honneur povez Amours laisser
En jeune temps, comme par nonchalance;
Lors ne pourra nul de vous raconter,
Que l'ayez fait par faulte de puissance;
Et dira l'en que c'est par desplaisance
Que ne voulez en autre lieu amer,
Puisqu'est morte vostre Dame sans per,
Dont loyaument gardez la souvenance,

Au Dieu d'amours, requerez humblement
Qu'il lui plaise de reprandre l'ommaige
Que lui feistes, par son commandement,
Vous rebaillant vostre cueur qu'a en gaige;
Merciez le des biens qu'en son servaige
Avez receuz, lors gracieusement
Departirez de son gouvernement,
A grant honneur comme loyal et saige.

Puis requerez à tous les amoureux
Que chascun d'eulx tout ouvertement die,
Se vous avez riens failly envers eulx,
Tant que suivy avez leur compaignie,
Et que par eulx soit la faulte punie;
Leur requerant pardon de cueur piteux,
Car de servir estiez desireux
Amours, et tous ceulx de sa seigneurie.

Ainsi pourrez departir du povoir
Du Dieu d'amours, sans avoir charge aucune;
C'est mon conseil, faictes vostre vouloir,
Mais gardez vous que ne croiez Fortune
Qui de flater est à chascun commune;
Car tousjours dit qu'on doit avoir espoir
De mieulx avoir, mais c'est pour decevoir.
Je ne congnois plus faulse soubz la lune.

Je scay trop bien, s'escouter la voulez,
Et son conseil plus que le mien eslire,
Elle dira que, s'amours delaissiez,
Vous ne povez mieulx vostre cueur destruire;
Car vous n'aurez lors à quoy vous deduire,
Et tout plaisir à nonchaloir mectrez;
Ainsi, le temps en grant ennuy perdrez,
Qui pis vauldra que l'amoureux martire.

Et puis apres, pour vous donner confort,
Vous promectra que recevrez amande
De tous les maulx qu'avez souffers à tort,
Et que c'est droit qu'aucun guerdon vous rende;
Mais il n'est nul qui à elle s'atende,
Qui tost ou tard ne soit, je m'en fais fort,
Deceu d'elle, à vous je m'en raport;
Si pry à Dieu que d'elle vous deffende.

En tressaillant, sur ce point m'esveillay,
Tremblant ainsi que sur l'arbre la fueille,
Disant: Helas! oncques mais ne songay
Chose dont tant mon povre cueur se dueille;
Car, s'il est vray que Nature me vueille
Abandonner, je ne scay que feray;
A Vieillesse tenir pié ne pourray,
Mais convendra que tout ennuy m'acueille.

Et non pourtant le vieil homme qu'ay veu
En mon dormant, lequel Aage s'appelle,
Si m'a dit vray; car j'ay bien aperceu
Que Vieillesse veult emprandre querelle
Encontre moy, ce m'est dure nouvelle;
Et ja soit ce qu'à present suy pourveu
De jeunesse, sans me trouver recreu,
Ce n'est que sens de me pourveoir contre elle.

A celle fin que quant vendra vers moy,
Je ne soye despourveu comme nice;
C'est pour le mieulx, s'avant je me pourvoy;
Et trouveray Vieillesse plus propice,
Quant cognoistra qu'ay laissé tout office
Pour la servir; alors, en bonne foy
Recommandé m'aurra, comme je croy,
Et moins soussy auray en son service.

Si suis content, sans changier desormais,
Et pour tousjours entierement propose
De renoncer à tous amoureux fais;
Car il est temps que mon cueur se repose;
Mes yeulx cligniez et mon oreille close
Tendray, afin que n'y entre jamais,
Par Plaisance, les amoureux atrais;
Tant les congnois qu'en eulx fier ne m'ose.

Qui bien se veult garder d'amoureux tours,
Quant en repos sent que son cueur sommeille,
Garde ses yeulx emprisonnez tousjours;
S'ils eschapent, ils crient en l'oreille
Du cueur qui dort, tant qu'il fault qu'il s'esveille;
Et ne cessent de lui parler d'Amours,
Disans qu'ilz ont souvent hanté ses cours,
Où ilz ont veu plaisance nompareille.

Je scay par cueur ce mestier bien à plain,
Et m'a longtemps esté si agreable
Qu'il me sembloit qu'il n'estoit bien mondain,
Fors en amours, ne riens si honnorable;
Je trouvoye, par maint conte notable,
Comment Amour, par son povoir haultain.
A avancié comme Roy souverain,
Ses serviteurs en estat prouffitable.

Mais en ce temps, ne congnoissoye pas
La grant douleur qu'il convient que soustiengne
Ung povre cueur, pris es amoureuxlas;
Depuis l'ay sceu, bien scay à quoy m'entiengne,
J'ay grant cause que tousjours m'en souviengne;
Or en suis hors, mon cueur en est tout las,
Il ne veult plus d'Amours passer le pas,
Pour bien ou mal que jamais lui adviengne.

Pour ce tantost, sans plus prendre respit,
Escrire vueil, en forme de requeste,
Tout mon estat, comme devant est dit;
Et quant j'auray fait ma cedule preste,
Porter la vueil à la premiere feste
Qu'Amours tendra, lui monstrant par escript
Les maulx qu'ay euz, et le peu de prouffit,
En poursuivant l'amoureuse conqueste.

Ainsi d'Amours, devant tous les amans,
Prendray congié en honneste maniere,
En estouppant la bouche aux mesdisans
Qui ont langue pour mesdire legiere;
Et requerray, par tres humble priere,
Qu'il me quicte de tous les convenans
Que je lui fis, quant l'ung de ses servans
Devins pieca de voulenté entiere.

Et reprendray hors de ses mains mon cueur,
Que j'engagay par obligacion,
Pour plus seurté d'estre son serviteur,
Sans faintise, ou excusacion;
Et puis, apres recommandacion,
Je delairay, à mon tres grant honneur,
A jeunes gens qui sont en leur verdeur;
Tous fais d'Amours par resignacion.

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J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
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