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 Alice De Chambrier (1861-1882) IV

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Alice De Chambrier (1861-1882) IV Empty
MessageSujet: Alice De Chambrier (1861-1882) IV   Alice De Chambrier (1861-1882) IV Icon_minitimeLun 7 Mai - 13:13

IV

Il me reste à dire quelques mots des autres oeuvres d’Alice de Chambrier.

Ses tragédies d’abord méritent une petite mention. La plus originale me paraît
être la Fille de Jephté, qui est aussi la plus ancienne. En réalité, l’intérêt
de cette pièce se concentre sur Zarès, la mère de l’héroïne. Ce qui, dans le
sujet biblique, a tenté le poète, c’est l’étude psychologique de ce coeur où
l’amour maternel est aux prises avec l’obéissance due à l’époux et à Dieu même.
Ce caractère et cette lutte sont peints d’une touche vigoureuse, qui n’exclut
pas les nuances délicates.


Je l’aime, c’est ma fille, et n’ai qu’elle, voilà!


s’écrie Zarès avec une heureuse brusquerie. Mais déjà Miriam est résignée à
mourir, et elle adresse à sa mère ces touchantes paroles, qui ont, ce me semble,
un charme poignant, lorsqu’on songe à la mort prématurée de celle qui écrivait
ces vers:


Oh! combien je voudrais vous épargner ces larmes!
La vie était pour moi pleine encore de charmes;
Je devais la passer entière auprès de vous,
Cherchant dans votre amour mon bonheur le plus doux...
Mais nous ne pouvons point changer la destinée:
Ma route brusquement se trouve terminée,
Elle sera finie avec le jour prochain,
Et je ne verrai pas le contour du chemin.
Mère, courbons nos fronts, car c’est Dieu qui m’appelle...


Une scène farouche suit ces paroles: la mère veut être aimée -c’est-à-dire
obéie -plus que le père; elle reproche avec amertume à sa fille de consentir
au sanglant sacrifice. Dans ce dialogue, il se trouve un vrai cri de coeur
maternel, qui est en même temps un vrai mot de théâtre, saisissant dans sa
concision familière:


MIRIAM.

Dieu veut que je périsse.

ZARÈS.

Et moi je ne veux pas.


Les imprécations de Zarès contre Jephté sont aussi d’un beau mouvement tragique.
Enfin, à la dernière scène, au moment où l’on emmène la victime, la mère,
presque résignée elle-même, pousse un cri pathétique à force de naturel:


Une minute encor. Laissez-moi mon enfant!
Oh! le temps est si court pour l’embrasser encore!
Dieu puissant, tu le sais, j’obéis, je t’adore,
Mais tu pourras l’avoir durant l’éternité.


Dans Sophonisbe, j’ai trouvé quelques tirades d’une mâle énergie, de fiers élans
d’héroïsme, des accents de vertu romaine, et quelques-uns de ces vers coulés
d’un jet et qu’on a justement nommés cornéliens:


Quand on n’a pas su vaincre, il faut savoir mourir.


La tragédie des Chrétiens, qui renferme de belles scènes, a un défaut grave:
elle rappelle trop Polyeucte.

Je ne parle pas du petit drame en vers intitulé Lore Nicol, qui est touchant
jusque dans son invraisemblance, ni des comédies, qui ne sont que de petites
bluettes, dont tout le mérite est dans la bonne grâce et le naturel du dialogue.


Parmi les oeuvres en prose écrites par Alice de Chambrier, il en est une,
Belladonna, que plusieurs de nos lecteurs connaissent. Elle a été publiée il y a
juste un an et traduite en allemand par un écrivain bernois. Ce récit
fantastique, où l’auteur a placé des descriptions vives et fraîches de la nature
alpestre, avait été couronné par l’Institut national genevois. Il y aurait à
extraire des autres romans et nouvelles que j’ai énumérés au début de cette
notice, beaucoup de bonnes pages, des pages vraiment émues et où l’on sent
palpiter un coeur généreux et tendre. Mais je dois me borner à quelques mots sur
le roman historique que notre poète achevait peu de jours avant de mourir. Ce
fut le grand objet de son effort durant la dernière année de sa vie.

Elle rêvait de tracer une peinture de notre pays au commencement du XVe siècle,
de faire revivre le temps de Vauthier de Rochefort et du Châtelard de Bevaix.
L’entreprise, bien que très hardie, n’était pas pour l’effrayer. Elle se mit à
étudier les sources, à fouiller les archives, à s’imprégner de l’esprit de cette
époque, que son instinct de poète devinait déjà en quelque mesure. Au mois de
novembre 1882, elle achevait la première ébauche de ce roman, qu’elle ne devait
pas même avoir le temps de relire. Il est difficile de juger ce qu’elle en eût
fait d’après l’état où elle l’a laissé; c’est un premier jet, où rien n’est
définitif, où il y a des répétitions, des longueurs, des inadvertances, mille
défectuosités qu’un simple travail de révision eût fait disparaître. Et
cependant, tel qu’il est, il charme le lecteur par des qualités de fond très
réelles.

La figure de Vauthier de Rochefort, recomposée d’après les données qu’on
possède, un peu idéalisée, vraie pourtant dans ses traits essentiels; celle de
du Terreaux, le brutal seigneur du Châtelard, qui arrête et rançonne les
voyageurs; la Claudette, bonne femme cueillant des simples et traînant par les
chemins son fils idiot, le Simonnot; enfin et surtout le père Anselme, discret
précurseur de la Réforme, qui sent venir les temps nouveaux, qui, seul, sans
l’intervention du prêtre, rend à Dieu son culte, l’adore en esprit et en vérité,
et répand sur les tristesses qui l’entourent la bienfaisante lumière d’une
charité toujours en éveil, -tous ces personnages ont bien vécu devant
l’imagination de l’auteur.

L’intrigue du roman est fort simple: un jeune seigneur français, fait
prisonnier par du Terreaux, est jeté dans les cachots du Châtelard de Bevaix;
le cruel hobereau a une fille, Sibylle... Comme vous le devinez, Sibylle devient
l’ange gardien de Gaston de Rocheblanche, jusqu’au moment où le comte de
Neuchâtel, indigné des exactions de son vassal, vient enfin assiéger et détruire
le Châtelard, ainsi que l’histoire le rapporte. Tout cela est jeune, pourquoi ne
pas en convenir? mais on y trouve les qualités mêmes de la jeunesse, l’entrain,
la fraîcheur, la foi.



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