PLUME DE POÉSIES
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 Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) LA PHYSIOLOGIE DES POUPÉES IV. LA POUPÉE MALADE.IEL .

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Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) LA PHYSIOLOGIE DES POUPÉES  IV.  LA POUPÉE MALADE.IEL . Empty
MessageSujet: Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) LA PHYSIOLOGIE DES POUPÉES IV. LA POUPÉE MALADE.IEL .   Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) LA PHYSIOLOGIE DES POUPÉES  IV.  LA POUPÉE MALADE.IEL . Icon_minitimeSam 6 Oct - 15:46

IV.

LA POUPÉE MALADE.

L'enfance est heureuse! elle est aimée de Dieu. Dieu charge un ange de
mesurer la peine à la faiblesse. L'ange y va bien doucement; on croit
qu'il leur souffle des baisers dans leurs larmes. De là ces ondées de
pleurs qui mouillent à peine, car il les emporte sur ses ailes avec
leurs prières. Alors, ils rient, ces petits enfants; ils aiment, ils
espèrent, ils croient et c'est pour cela que Dieu les aime; pour cela
qu'il a dit: Laissez venir à moi les petits enfants? Il faut donc se
réjouir en pensant que les quatre soeurs retrouvèrent leurs poupées
avec un sentiment de joie très pur et qu'elles les associèrent à leurs
souvenirs, à leurs jeux, à l'union charmante qui régnait entre elles.

Un jour que les leçons étaient finies, leur père s'étonna du profond
silence qui avait succédé au bruit accoutumé de l'heureuse chambre de
ses enfants. Il s'approcha sur la pointe du pied pour observer la cause
de ce grand silence, et demeura fort surpris de voir la poupée d'Augusta
couchée, et les petites filles s'agitant autour d'elle avec le plus
tendre empressement.

Un ordre parfait régnait dans leur activité muette. On glissait
doucement autour du cher petit objet qu'on semblait avoir peur de
réveiller, de cette Lutine si vive et si brillante, privée de ses
vêtements incommodes; renversée sur un oreiller, se conformant à sa
position avec une grace qui enchantait les enfants. Alphonse, joli petit
parent de la maison, partageait fort gravement les soins de ses cousines
et remplissait les fonctions de médecin.

C'était un charme de le voir tâtant le pouls de Lutine, réfléchissant
comme il avait vu réfléchir un docteur profond, et s'asseyant près du
lit, le front appuyé sur sa main, une plume passée dans ses lèvres, lent
à écrire l'ordonnance que ses cousines attendaient avec anxiété.

Oui! l'enfance est heureuse. Il y avait pour elle dans cette scène
l'intérêt d'un drame véritable. Cette malade immobile leur faisait
pressentir ou rappeler tout ce qu'il y a de doux, d'aimable aux soins
prodigués à un être souffrant. Monsieur Sarrasin vit tant de zèle et de
charité régner dans ce coin de chambre, que les larmes lui en vinrent
aux yeux.

Albertine lut l'ordonnance du médecin, et prépara promptement une petite
bande de toile urgente pour la saignée, qu'exécuta sur l'heure la main
légère et hardie d'Alphonse.

La lancette fut un passe-cordon d'argent, la cuvette une coupe de
porcelaine qu'avait prêtée la vieille Suzanne. Alors, à la satisfaction
curieuse des enfants, la poupée dont la peau fut plus qu'effleurée par
l'intègre Alphonse qui s'en acquittait de tout son coeur, la poupée
perdit une grande quantité de son.

-Elle est sauvée! cria le docteur. Elle est sauvée!

Sauvée! répétèrent en frappant dans leurs mains les gardes-malades, qui
avaient à peu près le costume de l'état.

-Je te fais compliment de cette cure, mon ami, dit monsieur Sarrasin en
se montrant. Tu me parais devoir être un jour médecin dans toutes les
formes. Alphonse lui sauta au cou, et lui dit en confidence.-Je fais
semblant de croire; car, vois-tu, cette poupée n'est pas vivante.-Si!
Si! un peu vivante cria Augusta qui l'avait entendu, et qui ne voulait
pas perdre son illusion. Tiens, papa, regarde, ajouta-t-elle en
entraînant son père auprès de sa Lutine. Tu vois que les sangsues ont
bien pris!» Lutine avait, en effet, huit sangsues, ou du moins huit
petits morceaux de réglisse découpés dans la forme de ce laid et
bienfaisant animal. Il faut convenir que Lutine ainsi barbouillée, le
bras vide, et lavée par toutes les potions qu'on lui avait fait boire,
demeura dans un état de convalescence, dont les bons soins de la sage
Albertine ne purent jamais la tirer entièrement. Monsieur Sarrasin
déclara pourtant que cette convalescence serait célébrée par un banquet,
où le docteur reçut, en crèmes, en biscuits et en darioles, le prix de
sa sagacité merveilleuse.

-D'où provenait la maladie de Lutine? manda Monsieur Sarrasin, moitié
sérieux, moitié riant.

Le docteur mangeait, se reposant sur ses lauriers. Augusta répondit avec
vivacité que Lutine avait fait son malheur elle-même, qu'elle se serrait
dans son corset de manière à s'étouffer, ce qui la rendait très-agacée
et très-pâle.

Enfin, papa, sans moi, elle serait devenue poitrinaire. C'est une folle,
sans soin d'elle-même, jamais en place, une petite ramasse-poussière qui
me fait tourner la tête.

-Je comprends, dit son père, en frappant doucement sur cette petite
tête agitée, qu'il faudra lui donner un bien bon exemple pour la
corriger. La tienne, Valérie, paraît en bonne santé.

-Oui, papa, elle danse
toujours, et je lui apprends le pas du châle pour te faire une
surprise le jour de ta fête. Oh! papa! elle valse presque seule sans
s'étourdir.

-Il faut lui faire une récompense de cet amusement, mon
ange: on peut danser de joie quand on a bien rempli tous ses devoirs;
j'y veillerai avec toi. La tienne, Albertine, comment se conduit-elle?

Albertine ne répondit rien qu'en courant chercher les preuves de
l'excellente conduite de Prudente. Elle rapporta, dans un doux silence,
l'ouvrage de tapisserie terminé avec une propreté ravissante; puis elle
étala, avec un sourire d'une petite mère satisfaite, un trousseau cousu
de la façon la plus solide. Ce trousseau se composait déjà d'une paire
de draps ourlés, marqués au nom de Prudente; quatre chemises à manches
longues en forme de peignoir; quatre manteaux de lits, des béguins
bordés d'une petite dentelle de Lille et quatre mouchoirs ornés de son
chiffre.

Avec cela, dit l'enfant plein de joie, elle peut attendre. Elle m'a bien
aidée, cette chère mignonne! Oh! papa que je l'aime! et que je suis
contente quand nous travaillons ensemble!-je t'aime aussi, dit son
heureux père, et je te donne dès ce moment le droit de surveillance
sur toutes les poupées de la maison; elles y gagneront beaucoup et tes
jeunes soeurs davantage.

Les plus petites embrassèrent tendrement Albertine, qui les baisa d'un
baiser plein d'amour et d'avenir. Je dois vous dire, pour l'avoir vu de
mes yeux qu'elle devint, en effet, plus tard, le guide et l'appui de ses
soeurs, dont elle est encore adorée.

Dans un moment de réflexion fort rare chez Augusta, elle regardait un
peu tristement les ravages que sa tendresse avait produit chez Lutine,
qui n'était plus que l'ombre d'elle-même,-Veux-tu la mienne? dit
Marceline, que personne ne soupçonnait en observation dans un coin; mais
dont les yeux intelligents perçaient toujours jusqu'à la tristesse des
autres. Prends la mienne, prends, petite soeur; tu soigneras, Lutine et
Fauvette te réjouira.

-Mais toi, répondit Augusta, en hésitant à recevoir la belle Fauvette,
aussi fraîche que le jour de son entrée dans la maison.

-Je la regarderai, Augusta, quand j'aurai fini mes devoirs; mais elle
est lourde et elle a trop de plumes, il est impossible que ce soit là ma
fille.

-Oh! j'en aurai donc deux! s'écria sa soeur folle de joie. Que de
choses, mon Dieu! que d'inquiétudes je vais avoir sur les bras! qu'une
grande famille cause de soins et de fatigue aux mères!
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Marceline Desbordes-Valmore.(1786-1859) LA PHYSIOLOGIE DES POUPÉES IV. LA POUPÉE MALADE.IEL .
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