LA POUPÉE MONSTRE.
Inès avait une nouvelle poupée. O joie! une poupée toute neuve, avec
deux perles pour regarder Inès; deux bras pour les lui tendre nuit et
jour; une bouche riante et silencieuse pour ne la contredire jamais.
Le premier jour ce fut entre elles un commerce doux et paisible. On
n'entendait que le murmure des baisers d'Inès sur les joues écarlates de
sa fille; elle avait déclaré q'elle voulait être sa mère. Le lendemain,
Inès prit une voix grave et sévère. Elle paraissait mécontente de son
idole et sur un certain bruit d'une petite main qui frappe un corps
dur, accompagné de ces mots; allez! allez! allez! la maman d'Inès se
montra. Il n'y avait pas à en douter, la poupée avait été fouettée. Sa
belle robe rose en désordre l'attestait dans le coin sombre où elle
était en pénitence.
-Que t'a-t-elle fait pour te changer ainsi? Maman, dit Inès exaltée,
elle est boudeuse, entêtée; oh! maman! c'est un monstre! je lui donne
tout ce que j'ai; eh bien!...
-Eh bien! dit sa mère: qu'exiges-tu de plus que le bonheur de lui
donner? veux-tu qu'elle ait un coeur et une voix pour te remercier quand
c'est toi qui lui dois de la reconnaissance? confie-moi ta fille
à élever, chère enfant, je t'apprendrai le métier de mère: il est
difficile! crois-tu que ce soit parce que tu es parfaite que je ne peux
me résoudre à te fouetter? c'est parce que je t'aime et que je n'exige
pas qu'une tête si petite que la tienne comprenne ce que j'ai appris
depuis si longtemps. Sois donc pour la poupée ce que je suis pour toi.
La maman d'Inès s'éloigna après l'avoir tendrement embrassée.
Inès demeura au milieu de la chambre jetant de longs regards vers le
coin où la disgraciée lui parut triste, elle s'en approcha de meuble en
meuble et lui dit enfin à l'oreille:
-Viens, je t'aime encore. Je n'exige pas qu'une tête si petite que la
tienne comprenne ce que j'ai appris depuis si longtemps!»
Pour tes enfants, chaque parole nouvelle porte on bon ou un mauvais
enseignement.