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 Marcel Dugas (1883-1947) À la mémoire d'Adolphe Olivier : Phèdre

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James
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James


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Marcel Dugas (1883-1947) À la mémoire d'Adolphe Olivier : Phèdre Empty
MessageSujet: Marcel Dugas (1883-1947) À la mémoire d'Adolphe Olivier : Phèdre   Marcel Dugas (1883-1947) À la mémoire d'Adolphe Olivier : Phèdre Icon_minitimeDim 16 Déc - 14:30

Phèdre


Mes yeux sont éblouis du jour que je revoi.
Et mes genoux tremblants se dérobent sous moi.
RACINE
Ainsi chaque jour, elle se fait conduire par ses esclaves
sur la terrasse et là, devant le matin de pourpre, elle offre à la
nature l'hommage de son désir. Magnifique proie! Divinité
de nos ardeurs jamais éteintes! Symbole de la passion qui est
la jeunesse sacrée des choses et des êtres ou bien renaissance
des coeurs qui se reprennent à la chimère d'aimer! Jamais le
destin ne s'était préparé une victime plus parfaite, plus
expiatrice des péchés terrestres. Jamais pâte humaine n'allait
devenir, par la douleur, un joyau plus finement ciselé.
C'est en esprit et en âme qu'il la faut vénérer. Il ne
suffirait pas qu'un Racine l'ait chantée, nous en ait, dans un
drame immortel, raconté l'histoire. Cette Reine peut satisfaire
à la fois l'esprit et le coeur: car, imaginée de toutes pièces,
oeuvre de raison pure, elle solliciterait l'adhésion de
l'intelligence, à l'égal de la Joconde. Si elle manque de
sérénité railleuse, de cette félinité que l'on admire chez la
Dame de Florence, c'est qu'elle est jetée dans le courant
humain et devient l'âme d'un drame. Sans voix, sans
manifestation verbale de son émotivité, elle rentrerait dans la
catégorie des types purs, dépouillés de matière.
Heureusement elle parle et s'exprime entièrement: son
secret nous est livré par ses paroles, et contrairement à l'élue

du peintre, la bouche et le regard ne se fleurissent pas seuls
de confessions. Phèdre éclate en aveux et c'est à l'âme et aux
sens qu'ils vont frapper.
Elle brûle, en rêvant, de toute l'âpreté et de tout
l'exclusivisme de la sensation. Maîtresse absolue de l'homme
qu'elle désire, elle ne le posséderait pas davantage: elle le
tient prisonnier dans les mailles de son être; elle le couve de
sa passion. Vienne l'heure de l'union complète, les verbes
adorateurs se marieraient aux effervescences de la convoitise
avec une égale intensité!
Si elle rêve, c'est qu'alors elle subtilise l'image du héros.
Elle en vit et en meurt. Les éléments, la nuit, le jour servent
ses appétits d'aimer. L'air respiré lui semble un breuvage
composé du sang de cet homme, et le soleil un globe de
chaleur lumineuse qui, lui rappelant son origine, fait courir en
ses veines un feu inextinguible. Troublée, visionnaire, elle
écarte les êtres qui l'entourent comme pour accueillir le dieu
qui ne vient pas, et, à son défaut, l'apparition souhaitée, plus
encore, et jusqu'à la forme de cette épée dont elle aurait
voulu mourir parce qu'elle appartenait au maître adoré.
Tendue, ramassée en un spasme, elle devient violette de
volupté, d'une volupté qui parvient à se taire, gronde et
s'écoule en nappes intérieures. Sous des voiles, son corps
fléchit et s'abîme. Elle frissonne d'un baiser que son
imagination délirante a créé un instant, mais que la réalité lui
arrache ainsi qu'une ombre folle, dissipée par une raison qui
se repossède. Quel mariage que ces sens tumultueux avec
l'intelligence ironique, et quelle puissance de s'accabler! Aux
heures où les préjugés s'effacent et tombent, quelle ivresse de
s'abandonner aux emprises du sentiment!

Et dans la clameur qui lui arrive des lointains horizons
chargés de lumière, des arômes de tous les mondes, de cris
d'oiseaux, de vagues pieusement murmurantes, elle boit le
visage d'Hippolyte qui fuit et se dérobe à ses embrassements.
Sainte Phèdre!!!


_________________
J'adore les longs silences, je m'entends rêver...  
James

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